L’une des plus grandes et anciennes collections de manuscrits au monde est désormais disponible dans le catalogue en ligne de la Bibliothèque nationale d’Israël. Une vaste collection de codex et manuscrits conservée au monastère Sainte-Catherine, situé au milieu du désert du Sinaï. L’isolement de l’édifice permit aux textes du monastère de survivre de nombreux siècles, et ainsi de parvenir jusqu’à nous, malgré les dangers qui les guettent…
L’histoire de la sauvegarde de ces trésors historiques par la Bibliothèque nationale d’Israël commence par une rencontre dans le désert, en 1968. Celle d’un jeune érudit, déjà chef du département des manuscrits de la Bibliothèque nationale et universitaire juive, Malachie Beit-Arié, avec l’archevêque grec orthodoxe de la péninsule du Sinaï, Porphyre III.
Malachie Beit-Arié a une idée derrière la tête : négocier avec l’archevêque, afin d’obtenir l’autorisation de microfilmer la vaste collection de manuscrits conservés au monastère Sainte-Catherine, et ce pour le compte de la Bibliothèque nationale et universitaire juive, aujourd’hui Bibliothèque nationale d’Israël.
Des premiers microfilms à la numérisation
Un an avant l’organisation de cette rencontre, la péninsule du Sinaï avait été conquise par Israël, suivant sa victoire à l’issue de la guerre des Six Jours de 1967. Aussi, l’archevêque, qui avait étudié l’hébreu, accepta-t-il rapidement la demande du jeune érudit, et répondit avec enthousiasme à l’idée de collaborer avec les universitaires israéliens, loin des confrontations qui firent trembler le Proche et Moyen-Orient l’année précédente. L’archevêque se rendit alors à Jérusalem, et demanda, en échange de l’accès aux manuscrits, un ensemble complet du Talmud en anglais.
Avant 1968, environ la moitié de la collection du monastère avait déjà été microfilmée par une équipe de la Bibliothèque du Congrès dès 1950. Et suite à ces négociations fructueuses, une équipe israélienne a entrepris de terminer de microfilmer le reste de la collection du monastère.
Directeur de la photographie et photographe à la Bibliothèque nationale et universitaire juive, employé à l’époque, Jacques Soussana avait filmé de rares séquences en couleur au monastère au début des années 1970.
Des images numérisées avec l’aide de Steven Spielberg, du Jewish Film Archive et de la Jerusalem Cinematheque. Ces films incluent des images de la célèbre collection de manuscrits, ainsi que des scènes de la vie monastique dans le désert.
Au cours des deux dernières années, les microfilms collectés par l’équipe de la Bibliothèque nationale d’Israël à la fin des années 1960 ont été numérisés et téléchargés dans le catalogue de la Bibliothèque. Ainsi, le grand public peut désormais consulter quelque 1700 manuscrits sous forme numérique. Une numérisation devenue nécessaire, car nombre de microfilms avaient commencé à se désintégrer, menaçant la survie des informations.
Il existe également un projet distinct en cours, dirigé par la Early Manuscripts Electronic Library (EMEL) en collaboration avec la bibliothèque de l’UCLA, pour produire de nouvelles photographies en couleurs de haute qualité des manuscrits de Sainte-Catherine.
La plus ancienne bibliothèque du monde
L’impressionnant monastère Sainte-Catherine, protégé au milieu du désert par d’immenses murs, abrite l’une des plus anciennes bibliothèques au monde encore en activité. Fonctionnant en permanence, le monastère et sa bibliothèque millénaire ont été érigés dans le sud de la péninsule du Sinaï, entouré de paysages désertiques montagneux spectaculaires, et achevé en 565 apr. J.-C. sous le règne de l’empereur Justinien. L’édifice abrite et nourrit même ce que certains considèrent être comme le véritable buisson ardent, puisqu’il se trouve au pied de ce qui est considéré par la tradition chrétienne comme le mont Horeb, où Moïse a reçu les dix commandements.
Composée de quelque 3400 manuscrits accumulés durant un millénaire et demi, cette collection de codex et manuscrits anciens réunit une grande variété de textes religieux chrétiens.
La bibliothèque contient, entre autres, de premières bibles, de la poésie religieuse et de la musique d’église, des écrits des différents Pères de l’Église, ou encore de la littérature monastique.
Sont également inclus des classiques grecs, de la correspondance, des écrits sur la grammaire, des exercices d’arithmétique, des travaux de rhétorique, des textes historiographiques et d’autres formes de littérature profane… Des textes en grec dans la grande majorité, mais également en arabe, syriaque, géorgien, comme en langues mortes, tels l’araméen palestinien chrétien ou encore l’albanais du Caucase. Les plus anciens manuscrits de cette collection datent du IIIe siècle de notre ère.
Une collection menacée
Si la collection a été préservée, en grande partie grâce à l’isolement de l’édifice, ses fortifications du VIe siècle et le climat sec et désertique, les derniers troubles dans la péninsule du Sinaï ont représenté une vraie menace pour les trésors historiques. En 2017, une attaque de l’État islamique contre un poste de contrôle près du monastère a fait un mort et trois autres blessés parmi les policiers. Une agression qui s’inscrit dans une série d’escarmouches entre les terroristes de l’ancien État islamique et l’armée égyptienne.
Cette prise de conscience des dangers réels pour cette bibliothèque a été l’une des raisons qui ont motivé le choix de numériser les trésors historiques du monastère Sainte-Catherine, garantissant la survie des informations inestimables et du patrimoine culturel qu’il contient.
Une initiative qui, tout en garantissant une nouvelle vie à ces trésors culturels, rend accessible des documents qui étaient autrefois réservés à ceux qui pouvaient parcourir les sables arides du désert, et atteindre ce monastère sorti des premiers siècles du christianisme.
Les manuscrits et autres textes numérisés sont accessibles à cette adresse.