Après avoir annoncé qu’il faudrait une 4e dose, le Premier ministre, Naftali Bennett, a rétropédalé évoquant une simple recommandation. Par Danièle Kriegel.
Très inquiet de l’effet Omicron, le Premier ministre, Naftali Bennett, n’est-il pas allé beaucoup trop vite ? En twittant dans la nuit de mardi à mercredi que tous les Israéliens de 60 ans et plus, ainsi que le personnel médical et les personnes immunodéprimées auraient droit à une quatrième dose de vaccin contre le Covid-19, il a donné à penser au monde qu’il s’agissait d’une décision ferme qui allait être appliquée dans les tout prochains jours. Dans un communiqué, il a même annoncé : « Les citoyens d’Israël ont été les premiers au monde à recevoir la troisième dose de vaccin et nous continuons d’être à l’avant-garde avec la quatrième dose. »
Mais le lendemain, le pays a dû se rendre à l’évidence : il ne s’agissait pas d’une décision, mais de la recommandation émise par le comité d’experts sur la pandémie. Après quelques heures de confusion, les médias tout-info ont fait défiler sur leurs plateaux infectiologues, médecins de santé publique, experts auprès du ministère de la Santé. Et il a bien fallu l’admettre : non seulement il ne s’agissait que d’une recommandation mais en plus elle provoquait une véritable controverse au sein de la communauté scientifique et médicale.
Au cœur de la polémique, le fait que le comité ad hoc ne fonde son soutien sur aucune donnée scientifique précise concernant l’éventuelle efficacité de la quatrième dose face au variant Omicron. Pourtant certaines informations présentées à l’équipe d’experts ont pu influer en faveur d’un supplément vaccinal. Comme l’étude présentée par le professeur Ron Milo de l’institut Weizman et qui montrait une sérieuse diminution de l’efficacité du rappel (la troisième dose) quatre mois après son injection, le risque d’être infecté étant multiplié par trois. Un élément qui a convaincu le professeur Oren Tsimhoni, un spécialiste des maladies infectieuses : « À l’origine, a-t-il expliqué au quotidien Haaretz, je n’étais pas pour la quatrième dose. Mais après avoir pris connaissance de ces données, j’ai complètement changé d’avis. J’ai compris que l’augmentation des contaminations provenait de la diminution de l’efficacité du rappel. »
Tout en reconnaissant que, s’il n’y avait pas eu l’Omicron, le débat sur l’injection d’une nouvelle dose n’aurait pas eu lieu maintenant, il estime qu’on est, là, au cœur de la problématique du moment : celle de la gestion des risques dans un contexte d’incertitude : « La grande majorité des membres du comité a estimé qu’il était préférable d’agir plutôt que d’attendre. Quand on sera à 15 000 contaminations ce sera trop tard… »
Et pourtant, chez des personnalités de premier plan dans le monde scientifique et médical, ce discours crée pas mal de remous. Certains estiment qu’il s’agit d’une recommandation prise à la hâte et sans être fondée sur des données scientifiques suffisantes. D’autres avertissent : cela va porter atteinte aux efforts en vue de faire décoller la campagne de vaccination des enfants de cinq à onze ans tout en provoquant une nouvelle baisse de confiance dans certains secteurs de la population. Très critique, le chef du département Corona à l’hôpital Hadassah Ein Karem à Jérusalem, le professeur Dror Mevorach, a appelé à un nouveau débat dans quinze jours. L’association des médecins de santé publique demande qu’on attende de nouvelles données avant de décider d’une quatrième dose.
Préoccupation
Des réticences partagées par Hervé Bercovier, professeur de microbiologie à l’université hébraïque de Jérusalem. Il estime qu’en l’absence d’analyse épidémiologique complète concernant l’efficacité du rappel, cinq mois après son injection, la quatrième dose paraît, aujourd’hui, prématurée. « Mais, prévient-il, il est possible que, dans une semaine ou deux, les choses se présentent mal, et que, donc, sans avoir les données scientifiques précises, il faille passer à une nouvelle injection, notamment pour les personnes à risques. » Pour sa part, le professeur Yonathan Halevy, directeur du grand hôpital de Jérusalem, Shaare Tsedk, a déclaré devant un panel de journalistes qui lui demandait conseil : « En l’absence de certitude, si vous avez plus de 60 ans et un ou plusieurs éléments de comorbidité-obésité, diabète… et qu’on vous propose la quatrième dose, prenez-la, sinon attendez de voir où vont les choses. »
Reste que le Premier ministre, Naftali Bennett, continue de faire part de sa grande préoccupation : « Nous aurons un très grand nombre de contaminations d’ici à une dizaine de jours. Il faut s’y préparer. »