En compilant des données sur la région indienne du Karnataka, des chercheurs israéliens ont mis en évidence le lien entre le réchauffement climatique et l’augmentation des crimes et délits dans les sociétés qui en résulte.
Un peu plus de deux siècles après le constat dressé par Montesquieu à propos de l’influence du climat sur les hommes et la société, cette théorie vient de trouver un début de confirmation scientifique. Une étude de l’université de Tel Aviv publiée dans le « Journal sur le comportement économique et l’organisation », une revue néerlandaise, révèle pour la première fois un lien direct entre les changements climatiques et le niveau de violences. Un constat d’autant plus inquiétant qu’il intervient à l’heure d’un réchauffement général de la planète qui semble inexorable.
Une donnée résume à elle seule l’ampleur du péril. À une augmentation de 1 % des températures moyennes correspond une hausse dans la même proportion du niveau des violences. Les auteurs de l’étude sont parvenus à cette conclusion en exploitant un ensemble de méga-données sur les crimes et délits commis dans la province du Karnataka, dans le sud-ouest de l’Inde sur une période de six ans. La masse d’informations recueillies comprend notamment les dates, les fréquences, les lieux et la nature des délits commis. Ces données ont été ensuite croisées à l’aide de méthodes statistiques « pointues » avec les variations des conditions climatiques.
Le climat a une influence sur les activités délictueuses
Selon l’étude, il s’avère que deux mécanismes agissent simultanément. L’un est immédiat, quotidien. Les gens ont tendance à céder plus facilement à la violence lorsque le climat se réchauffe ce qui se traduit par davantage de meurtres, de viols, et d’agressions contre de minorités pris comme boucs émissaires. Sur le front économique, les conséquences sur le comportement des individus se font sentir à plus long terme. Plusieurs années de sécheresse suivies par une série de mauvaises récoltes ont provoqué par exemple dans la province indienne une baisse significative du niveau de vie de la population créant un environnement propice à de plus grandes violences.
Le fait que le climat ait une influence sur les activités délictueuses avait été déjà pointé dans d’autres études. Mais l’effet cumulatif des activités violentes liées au climat sur une période de temps aussi longue n’avait pas été encore mis en lumière. La province de Karnataka constitue de ce point de vue un champ d’observation idéal. Cette région est d’autant plus touchée par la crise climatique de la planète, que les températures moyennes y sont déjà particulièrement élevées avec une moyenne de 30 degrés en été et un thermomètre qui ne descend pratiquement jamais sous le seuil des 20 degrés durant la saison « froide ».
Augmentation des violences faites aux femmes
Pour Ram Fishman, un des responsables de l’étude membre du département de politique publique de l’université de Tel Aviv, « la crise climatique est déjà là avec nous et elle a tendance à éroder aussi bien les fondations que l’existence même des sociétés humaines ». Selon lui, l’étude va très au-delà du cas de la province indienne. « L’analyse que nous avons effectuée en Inde peut être appliquée, avec de nécessaires adaptations, ailleurs », a-t-il affirmé au quotidien israélien Haaretz. Bref, les scénarios catastrophe présentés par les films et les livres de science-fiction sur des populations souffrant de pénurie d’eau, d’une pollution générale, de violences urbaines pourraient ne pas relever simplement de simples cauchemars décrits par de créateurs alarmistes en mal d’émotions fortes.
Dans ce tableau angoissant, les femmes ont toutes chances de payer le prix encore plus fort que les hommes de l’aggravation des conditions climatiques dans le monde, selon l’Union Internationale pour la Conservation la Nature. Cette importante ONG basée en Suisse a relevé dans un rapport un bond spectaculaire de 300 % des violences faites aux femmes dans les régions affectées par trois années consécutives de sécheresse dans des pays africains.
Une situation qui se retrouve dans les pays plus développés
Cette tendance n’épargne pas des pays dits « avancés », telle que l’Australie où les violences conjugales ont tendance à augmenter dans les régions rurales lorsque les hommes se retrouvent confrontés à de maigres récoltes, à une perte de bétails en raison des conditions climatiques. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a dépeint lui aussi dans plusieurs de ces analyses une situation tout aussi alarmante pour les femmes qui subissent non seulement les conséquences économiques de la crise climatique, tout en éprouvant à leur corps défendant les effets des frustrations, du désespoir qu’elle engendre parmi les hommes.
Un rapport de cet organisme onusien conclut que « les femmes se retrouvent ainsi à subir une double peine, car l’impact des changements climatiques » et de conclure sous forme d’une mise en garde que le « combat contre les changements climatiques ne doit pas se limiter à un combat pour maintenir une planète viable, mais doit aussi intégrer la lutte contre les violences infligées aux femmes ».