Le 15 décembre 1961, au terme d’un procès hors norme ouvert en avril, l’ancien dignitaire nazi Adolf Eichmann, l’homme de la « Solution finale », était condamné à mort à Jérusalem pour l’extermination des juifs d’Europe durant la Seconde Guerre.
11 avril 1961. Le procès d’Adolf Eichmann s’ouvre dans le tribunal de district de Jérusalem. À 55 ans, cet ancien colonel SS, né le 19 mars 1906 à Solingen en Rhénanie, est jugé pour sa participation à la Solution finale qui envoya à la mort six millions de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Il apparaît dans la salle d’audience derrière une « cage de verre », à l’épreuve des balles, et « écoute, au garde-à-vous, impassible, la lecture de l’acte d’accusation », comme le relate la une de « Sud Ouest », le 12 avril.
POUR L’HISTOIRE. « Le plus énorme et le plus étrange procès de l’histoire ». Le 11 avril 1961, le monde occidental a les yeux fixés sur Jérusalem où s’ouvre le procès d’Adolf Eichmann, responsable de la logistique de la « solution finale », un an après sa capture à Buenos Aires. pic.twitter.com/WjWTpDhqYS
— Ina.fr (@Inafr_officiel) April 11, 2021
« L’homme de la Solution finale […] est sous les verrous. »
Un an auparavant, le 13 mai 1960, le criminel nazi avait été enlevé en Argentine par des agents du Mossad, le service de renseignement israélien, au terme d’une longue traque. Les forces de sécurité ont procédé à l’”arrestation d’un des plus grands criminels de guerre nazis” et ce dernier sera bientôt jugé par un tribunal israélien, annonce le 23 mai le Premier ministre David Ben Gourion. « L’homme de la Solution finale […] est sous les verrous », « Un criminel de guerre arrêté par les Israéliens. » : les gros titres de la presse, unanime, saluent ce coup de maître de l’État hébreu.
Pendant une quinzaine d’années, pourtant activement recherché, Eichmann avait échappé à la justice, bénéficiant de complicités et se faisant passer pour un certain Ricardo Klement. Grâce à l’obstination du procureur allemand Fritz Bauer, le fugitif nazi avait finalement été repéré à Buenos Aires, séquestré, puis transporté jusqu’en Israël.
C’est à l’occasion du procès de Nuremberg (1945-1946) que le nom de l’ex-chef de la section IV B.4 de la Gestapo chargée de la question juive était apparu, associé à son rôle effarant dans la monstrueuse déportation des Juifs vers les camps d’extermination d’Europe de l’Est.
L’homme s’était volatilisé après la chute du Troisième Reich, après avoir pris soin de détruire les rapports sur ses sinistres activités ainsi que les photos permettant son identification. Une traque s’était engagée dès 1945, menée par des membres de la communauté juive, notamment Simon Wiesenthal, le célèbre « chasseur de nazis », lui-même rescapé d’un camp de concentration.
« L’administrateur en chef du plus grand génocide de l’histoire »
En 1961, c’est la première fois depuis le Tribunal militaire international de Nuremberg en 1946 qu’un important dignitaire nazi se retrouve devant des juges. C’est également la première fois que l’un d’entre eux est jugé en Israël, à Jérusalem.
Les accusations portées contre Adolf Eichmnn sont nombreuses. Après la Conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942, au cours de laquelle est mise en place la Solution finale, il coordonne les déportations de juifs d’Allemagne et d’Europe de l’Ouest, du Sud et de l’Est, vers les camps de mise à mort. Il dresse les plans de déportation jusque dans les moindres détails. Travaillant avec d’autres organismes allemands, il gère aussi la confiscation des biens des déportés. De 1942 à 1944, Adolf Eichmann devient ainsi « l’administrateur en chef du plus grand génocide de l’histoire ».
Ce procès hors norme permet de libérer la parole des rescapés et d’offrir au monde une leçon d’histoire. Les témoignages des survivants sont terribles. Un survivant du camp de Chelmno, en Pologne, décrit ainsi comment il a été forcé à creuser des fosses après le gazage des juifs : « Je travaillais là depuis plusieurs jours déjà […] lorsque sont arrivés tous les gens de la ville où j’habitais. […] Il y avait là ma femme et mes deux enfants. […] Je me suis couché à côté des corps de ma femme et de mes enfants et je voulais qu’on me tue. Un des SS s’est approché de moi et m’a dit : ‘Tu as encore des forces, tu peux continuer à travailler”.
Dans son box de verre, Adolf Eichmann reste impassible. S’il reconnaît avoir été « mêlé à des choses affreuses », il se retranche derrière les ordres reçus. Sa ligne de défense est d’apparaître comme un simple exécutant.
Condamné à mort par pendaison
Sept mois après l’ouverture du procès, le 11 décembre 1961, devant une salle comble, le président du tribunal Moshe Landau souligne qu’»Adolf Eichmann s’est rendu coupable de crimes terrifiants, différents de tous les crimes contre les particuliers et qu’il s’agissait en fait de l’extermination de tout un peuple ». « Pendant de longues années, il a appliqué ces ordres avec enthousiasme ». Quatre jours plus tard, il est condamné à mort. Son avocat, Robert Servatius, fait appel mais celui-ci est rejeté, le 29 mai 1962, par la Cour suprême.
Adolf Eichmann sera pendu dans la nuit du 31 mai 1962 puis incinéré. Ses cendres seront dispersées hors des eaux territoriales d’Israël.