Un ministre israélien veut remettre en cause les règles contraignantes des téléphones casher, dont le monopole est détenu par des rabbins ultra-orthodoxes.
Les téléphones portables casher sont le sujet d’un rapport de force en Israël. Yoaz Hendel, le ministre des Communications, un laïc centriste, a déclenché les hostilités au nom de la transparence contre le monopole exercé par la Commission rabbinique des communications.
Cet organisme, contrôlé par le tout-puissant courant des haredims (les juifs ultra-orthodoxes), a depuis 17 ans la mainmise totale sur les portables spécialement formatés pour les membres de cette communauté, qui représente 12 % de la population israélienne. Ces derniers n’ont le droit d’utiliser que les téléphones soumis à toute une série de règles pour être estampillés casher.
Pas d’accès à Internet
De l’extérieur, ces portables n’ont rien de particulier. En revanche, leurs caractéristiques techniques sont beaucoup plus originales. Tout est conçu pour empêcher l’accès des utilisateurs à Internet, considéré comme un dangereux lieu de perdition, en raison notamment des tentations sexuelles auxquels les ouailles des rabbins pourraient succomber.
Ces téléphones sont également bridés afin d’interdire l’envoi ou la réception de SMS pouvant être utilisés pour des rendez-vous de toute sorte. L’anathème concerne également la musique, ainsi que l’accès à des numéros d’aide sociale, psychologique ou médicale.
Dans les faits, les détenteurs de ces appareils ne peuvent communiquer qu’entre eux. Les opérateurs téléphoniques privés offrent chacun des modèles casher. Ils n’ont pas vraiment le choix dans la mesure où ils risqueraient, en cas de refus, d’être boycotté par une clientèle importante, qui, de surcroît, se tournerait vers la concurrence. Toutes les compagnies proposent donc des portables avec des indicatifs particuliers permettant aux usagers de communiquer entre eux, même s’ils ne sont pas clients du même opérateur.
Un instrument de contrôle social
Détail important : ces téléphones spéciaux jouent parfois le rôle d’un « passe religieux ». Des médias israéliens ont ainsi cité des cas de directeurs d’école exigeant que les parents d’élèves prouvent qu’ils n’utilisent pas de portables « impurs ».
Le ministre Yoaz Hendel déplore donc que les téléphones puissent servir d’instrument de contrôle social. Et que certains cadres de la Commission rabbinique des communications aient tendance à profiter de la situation pour des raisons financières.
« Ceux qui souffrent le plus de la manière dont tout le système est géré sont les haredims eux-mêmes, qui payent plus et reçoivent moins, tout en étant soumis à des interdictions arbitraires », a souligné l’homme politique. Il faisait ainsi allusion au fait que le demi-million d’usagers doivent payer leurs portables casher plus cher que les portables normaux alors que, circonstance aggravante, les modèles agréés par les rabbins sont plutôt bas de gamme, si bien que ces téléphones doivent être changés tous les deux ans en moyenne. Une dépense importante pour une communauté où le taux de pauvreté est le plus élevé de la population juive israélienne.
Les médias ont également révélé que certains proches de rabbins influents auraient profité de leur position de force auprès des importateurs de portables et des commerçants qui les vendent.
Vers plus de transparence
Cette situation a provoqué un début de scandale parmi les haredims. Plus de 50 000 d’entre eux avaient déjà dénoncé dans une pétition, il y a deux ans, les pratiques de la commission. Leur message commence à être entendu.
Yoaz Hendel a mis sur les rails une première série de réformes. Les opérateurs doivent désormais rendre public les interdictions qui leur sont transmises par la commission, ainsi que les motifs avancés pour ces décisions, de même que la liste des organismes officiels et privés qui sont censurés.
Pour le ministre, il ne s’agit toutefois que d’une étape. Il souhaite mettre fin à ce monopole et confier à différentes organisations locales de rabbins le soin de déterminer quel téléphone est casher ou pas. Aux abonnés, ensuite, de choisir le degré de sévérité des filtrages qu’ils souhaitent s’imposer à eux et à leur famille.
Par Pascal Manker