Berthe Badehi, une femme juive de 89 ans, née de parents polonais, a été cachée pendant la Seconde Guerre mondiale par une fermière catholique au Montcel (Savoie). De retour en Savoie 80 ans plus tard, elle rencontre les descendants de la femme qui lui a sauvé la vie.
Un témoignage bouleversant. Française, juive, originaire de Lyon, de parents Polonais juifs communistes et résistants, Berthe Badehi a été cachée au Montcel en Savoie, de 1941 à 1944. Berthe vit à Jérusalem (Israël) depuis 65 ans, mais rentre régulièrement en France voir ses parents. Ce samedi 30 octobre, elle tient absolument à revoir cette maison du Montcel, où elle a vécu 80 ans auparavant. « Cela me tourne dans le ventre de revoir cette maison, elle n’a pas changé. La fenêtre là, c’était ma chambre. Et ici, le portail où Marie m’a sauvé la vie. »
Marie Massonnat, fermière catholique, a caché Berthe pendant deux ans et demi, avec ses trois enfants. Puis la maison est passée de génération en génération. Une partie de la descendance est là pour accueillir Berthe. « Mon attachement là la famille est tel… J’y ai trouvé l’attention et la tendresse dont j’avais besoin », leur décrit Berthe avec beaucoup d’émotion. Marie a d’ailleurs reçu la médaille de Juste parmi les nations en 1997, 20 ans après sa mort. Le lien est toujours resté très fort entre Berthe et la famille Massonnat. « Berthe fait partie de la famille », assure Bernard, le petit-fils de Marie. « Nous passons rarement plus de deux ans sans nous voir. »
Un danger permanent
Alors Berthe leur raconte son histoire, ses souvenirs. En décembre 1941, ses parents, résistants polonais, l’ont déposée chez Marie avec un faux certificat de baptême. Elle avait 9 ans.
Deux ans plus tard, sa mère lui rend visite au Montcel, mais ce jour-là, « la Gestapo est venue, ils cherchaient quelqu’un, et on les a envoyés ici, car ils pensaient que c’était Marcel (le fils de Marie, ndlr). Madame Massonnat est immédiatement sortie, elle a traversé le jardin et a arrêté les Allemands. Elle les a convaincus de partir. Ma mère était dans la cuisine : on voyait sur elle qu’elle était juive. Ils l’auraient tout de suite arrêtée. Et Marie aussi. Elle a sauvé ma vie. »
« C’est incroyable de voir un tel courage… Nous serons éternellement reconnaissants« , admet Pierre, le fils de Berthe. Mélanie, l’arrière-petite-fille de Marie, qui vit maintenant dans la maison avec ses enfants, en a « les larmes aux yeux. Je suis très heureuse que cette maison ait une histoire aussi forte, et que mes enfants puissent l’entendre. Ce témoignage est tellement précieux. »
« J’ai laissé une partie de mon cœur en Savoie »
Berthe ne cesse de mentionner son attachement à la Savoie « Je me sens comme chez moi ici, j’y ai laissé une partie de mon cœur. C’est mon histoire. Pendant les années que j’ai passées ici, j’ai appris à serrer les dents, à savoir que la vie continue. »
Depuis 25 ans, Berthe continue de raviver la mémoire de la Shoah au mémorial Yad Vashem à Jérusalem. Elle a également publié en octobre ses mémoires, dans un livre intitulé « Nous n’avons jamais été des enfants« , où elle raconte son histoire et ses liens avec la Savoie. Plusieurs autres enfants juifs ont été cachés en Savoie pendant la Seconde Guerre mondiale. Un projet de créer une « Allée des Justes » au Montcel a d’ailleurs été évoqué par la mairie.