Une décision de l’Administration Trump a mis en accès libre des photographies de sites sensibles. Question : la visibilité de ces sites est-elle importante pour la sécurité d’Israël?
Les images des sites secrets israéliens au vu et au su du premier internaute venu. C’est une réalité à laquelle l’État hébreu va devoir s’habituer. Pour la première fois, les photos satellite à haute définition sont disponibles gratuitement depuis quelques jours sur internet, grâce au site Mapbox et à de multiples applications. Chacun peut donc désormais observer à sa guise la centrale nucléaire de Dimona, dans le sud du pays, présentée par les experts étrangers comme au cœur de l’arsenal atomique israélien, ainsi que la base où sont censés être stockés des missiles balistiques.
Un changement radical par rapport à une interdiction en vigueur depuis 1997. À l’époque, les États-Unis, à la demande pressante de l’État hébreu, avaient interdit la publication d’images satellite sur Israël trop précises par des sociétés privées américaines. Les responsables israéliens redoutaient que ces documents portent atteinte à sa sécurité et favorisent des opérations d’espionnage. La résolution des appareils photo satellite a ainsi été limitée pendant vingt-quatre ans à des objets de plus de 2 mètres. Désormais, il est possible de distinguer des objectifs de 40 à 50 cm.
Paradoxalement, cette possibilité s’est ouverte en 2020 après une décision de l’Administration de Donald Trump, le président considéré comme le plus pro-israélien. Ainsi que l’admet à demi-mot Amnon Harari, un haut responsable du ministère israélien de la Défense responsable des opérations spatiales, Israël n’a pas été consulté sur ce changement. Selon des médias israéliens, la décision américaine aurait obéi à des considérations purement commerciales.
«Lanceur d’alerte»
Une première avait déjà eu lieu en février après l’entrée en vigueur des nouvelles règles du jeu. L’agence américaine de presse AP avait publié des photos satellite à haute résolution, où il est possible de distinguer d’importants travaux d’agrandissement de la centrale de Dimona tenus secrets. Mais, désormais, le choix proposé par Mapbox et les applications qui l’utilisent est beaucoup plus large. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, la censure militaire israélienne a permis la publication par les médias israéliens des nouvelles photos satellite.
«Nous aurions bien évidemment préféré que les photos satellite sur Israël aient la résolution la plus basse possible», a reconnu Amnon Harari. Toute la question est de savoir si ces documents rendus publics mettent en danger les sites visés. Selon plusieurs experts, les dégâts en termes de renseignements seraient limités, dans la mesure où les installations extérieures de la centrale de Dimona, construite à la fin des années 1950, avec l’aide de la France, sont de notoriétés publiques. «Les Iraniens n’ont pas vraiment besoin de ces photos pour savoir à quoi s’en tenir», explique un ancien diplomate.
Selon lui, les révélations de Mordehaï Vanunu, un ancien technicien de la centrale, qui avait fourni des photos et des croquis des installations souterraines de Dimona au Sunday Times en 1988, avaient été beaucoup plus dommageables. Celui qui se présentait comme un lanceur d’alerte soucieux d’informer le monde sur l’arsenal nucléaire israélien avait payé le prix fort. Il a passé dix-huit ans en prison pour trahison et continue de se voir interdire de quitter le territoire israélien depuis sa libération en 2004.