Comme fascinée, la droite n’ose attaquer frontalement le presque candidat Zemmour. Au risque d’ouvrir la voie à son bourreau ? Lire et relire cette excellente tribune de Jean-François Kahn.
Un humoriste du siècle dernier avait résumé ainsi la pièce de Corneille Le Cid : « Qu’il est joli garçon, l’assassin de papa ! » Un autre alexandrin pourrait résumer l’étrange rapport de la droite classique à Éric Zemmour : « Il est très séduisant, celui-là qui nous tue ! »
La romancière Mary Shelley avait illustré à sa façon un phénomène semblable : un savant irresponsable, Frankenstein, se substituant au créateur, a conçu un être vivant qui devient un monstre et se retourne contre son géniteur. Ainsi notre droite classique s’est-elle elle-même piégée : elle a, elle aussi, nourri, entretenu, favorisé l’envolée d’un publiciste qui, monstre d’ingratitude, s’est retourné contre elle et est en train de l’assassiner.
Et comment réagit-elle ? Comme la souris fascinée par le serpent qui l’avale : en chantant la gloire du meurtrier !
Il n’y a pas que Zemmour dans la vie
Typique de ce masochisme suicidaire fut un éditorial, signé Vincent Trémolet de Villers, publié à la une du Figaro. Qu’écrivait le chef de la rubrique « Débats » de ce prestigieux journal ? Exactement ceci : « La droite est inaudible. Sur le délitement de l’autorité, la pression migratoire, la délinquance ordinaire, le déclassement économique du pays, ses électeurs n’entendent rien… rien sinon la disqualification morale de Zemmour qui, lui, dit les choses. » C’était gentil pour ceux, nombreux, et pas seulement Éric Ciotti, qui ne parlent quasiment que de ça ! Donc, Le Figaro, Le Figaro Magazine, Valeurs actuelles, pour ne citer que quelques titres, mais également L’Express, Le Point ou Marianne, n’ont jamais abordé la question de l’immigration, de l’insécurité, de la délinquance, et seul Zemmour, l’immense, l’irremplaçable, l’incontournable Zemmour, aurait évoqué ces sujets.
En fonction de quoi, ce n’était pas avec l’auteur du Destin français que notre éditorialiste prenait ses distances, mais, tout au contraire, avec les quelques très timides et très modérées critiques anti-Zemmour murmurées à droite. Ce sont elles seules, et pas les plus préoccupantes sorties par le polémiste, qu’il qualifiait « d’outrancières » !
Le discours zemmourien joue un rôle libérateur. Mais il va radicalement à l’encontre des valeurs dont la droite conservatrice-libérale se réclame.
J’en ai cité, dans ces colonnes, quelques-unes qui s’inscrivaient en droite ligne dans une idéologie nationale-monarchiste d’essence maurrassienne. Leur auteur avait et a parfaitement le droit de les exprimer. Elles reflètent ce qu’a toujours pensé une fraction non négligeable de l’opinion, la moins « libérale républicaine », qui ressentait comme « oppressive » l’excommunication dont, depuis la Libération, ce courant de pensée faisait l’objet. En cela, le discours zemmourien joue un rôle libérateur. Mais il va radicalement à l’encontre des valeurs dont la droite conservatrice-libérale se réclame.
C’est pourquoi on aurait pu imaginer que les médias représentant la droite « républicaine » sonneraient le tocsin… N’en va-t-il pas de la survie de leur propre camp ? Au lieu de quoi, sur le petit théâtre du vieux manichéisme doctrinal qui rouvre soudain toutes ses portes, on nous joue l’éternelle pièce du retour aux années trente : mieux vaut Zemmour non pas que « le Front populaire » – puisque la gauche ne représente plus un épouvantail –, mais que Macron. Un Espagnol nostalgique pourrait dire : mieux vaut un néofranquisme qu’un néocentrisme. Interrogé par Le Figaro sur la tenaille que représente, pour la droite, Édouard Philippe d’un côté et Éric Zemmour de l’autre, Christian Jacob se déchaîne contre Édouard Philippe, mais n’esquisse pas la moindre critique de Zemmour.
Aveuglement
On assiste au meurtre délibéré de la droite libérale par un talentueux et énergique coupe-jarret de la droite extrême, mais seul serait condamnable le fait de s’opposer à l’assassin ! Comment peut-on, par aveuglement ou autoparalysie, contribuer à ce point au massacre de sa propre mouvance ? De sa propre famille de pensée ?
Il y a trois quarts de siècle, la droite française, déjà radicalisée par certains de ses médias, se laissa aller à un maximalisme idéologique qui déboucha sur le pétainisme. Elle faillit en mourir. Le général de Gaulle la sauva et la réhabilita.
À l’horizon, aujourd’hui, pour reconstruire une vraie droite républicaine, voit-on poindre un De Gaulle ?
de toute façon et pour ce qui est de la droite : l’ignoble Zemmour n’a fait que s’engouffrer dans l’espace ouvert par les macroniens avec leur projet de… « loi sur le séparatisme »
Alors, c’est la jungle? pas de moderateur ? la parole et l’injure a libre cours?
On se serait volontiers passé du préambule de l’article de J.F.Kahn. Je ne parle pas seulement de la faute d’orthographe, probablement due à un moment d’inattention. Plus royaliste que le roi, ce préambule parle de…bourreau, excès dans lequel n’a pas versé J.F.Kahn.
J’apprécie très peu, pour ne pas dire pas du tout, la tendance anti-Zemour que prend votre publication…
eh bien moi voyez-vous Giacomo : j’apprécie peu l’inertie des milieux juifs institués face à l’abjecte petite ordure Zemmmour.
Certes les juifs sont des gens comme les autres et qui à titre personnel et privé ont droit comme les autres à leurs opinions politiques -si haïssables ou simplement burlesques soient-elles.
Mais on ne peut plus parler de titre… « personnel et privé » devant une capagne raciste et qui bénéficie à l’échelon médiatique national des relais que chacun est à même de constater.
C’est bien en tant que telle que cette campagne se doit d’être dénoncée par tous les hommes libres et toutes les femmes libres (de toute religion et athées inclus). Mais la présence d’un juif à la tête d’une pareille campagne pose un problème supplémentaire et dont je m’étonne, qu’apparemment : il vous passe très au dessus-de la tête…