Le gouvernement de Naftali Bennett a signé cette semaine, un accord, qui augmente de 70% les quantités d’eau vendues à la Jordanie. Il augmente aussi le prix du mètre cube qui, depuis 1994, était dérisoire. Une hausse qui traduit les investissements faits dans la construction d’usines de désalinisation.
Promesse tenue. Le 29 juin, deux semaines après sa prise de fonction comme Premier ministre, Naftali Bennett rencontrait secrètement le roi Abdallah II de Jordanie à Amman. A cette occasion, il s’était engagé à augmenter significativement les quantités d’eau livrées à la Jordanie, ce voisin de premier plan avec lequel Israël partage une frontière de plus de 200 kilomètres. C’est chose faite. Ce mardi 12 octobre, la ministre israélienne des Infrastructures, de l’Eau et des Ressources énergétiques Karine Elharrar et le ministre jordanien de l’Eau Mohammed El-Najjar ont signé un accord selon lequel Israël fournira près de 50 millions de mètres cubes supplémentaires au royaume hachémite en 2022, lequel accord pourrait être prolongé de deux années supplémentaires.
Cela représente une augmentation de près de 70% par rapport au volume d’eau fourni depuis des années. D’après le traité qui lie les deux pays depuis 1994, Israël doit fournir 50 millions de m3 d’eau par an à son voisin jordanien. Depuis dix ans, le volume était de 60 millions de m3. En 2021, Benjamin Netanyahou n’avait accordé que 3 millions de m3 supplémentaires pour 2021, une quantité dérisoire par rapport au déficit abyssal de la Jordanie pour cette ressource vitale. Ce dernier a d’ailleurs critiqué l’accord qui vient d’être conclu: « Alors que la Jordanie resserre ses relations avec l’Iran, Bennett a aujourd’hui doublé la quantité d’eau qu’Israël transfère à la Jordanie -sans recevoir aucune compensation politique pour Israël. »
« Bonnes relations de voisinage »
Pour la ministre Karine Elharrar cet accord « est une déclaration sans équivoque que nous voulons de bonnes relations de voisinage ». Des relations qui s’étaient justement largement détériorées pendant les douze ans de pouvoir ininterrompu de Benjamin Netanyahou. Pour Yaakov Amidror, général à la retraite de l’armée israélienne, le Roi Abdallah de Jordanie profite du changement politique en Israël mais aussi aux Etats-Unis –l’administration Trump avait largement ignoré le roi hachémite, qui à l’inverse a été le premier chef d’Etat arabe à être reçu par Joe Biden. A Washington justement, le ministre israélien des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, où il est en visite diplomatique cette semaine, a salué la signature de ce nouvel accord avec la Jordanie: « C’est ce que font les bons voisins (…) C’est un autre pas en avant dans la coopération entre Israël et la Jordanie pour relever nos défis communs », notamment la rareté de l’eau au Proche-Orient, les enjeux du changement climatique et la démographie régionale.
Le nouveau gouvernement israélien a donc augmenté significativement les quantités mais il a aussi revu à la hausse le prix du mètre cube d’eau. Le traité mentionnait un tarif particulièrement bas de 0,04 dollar le mètre cube au lieu du tarif de 2 dollars payé en moyenne par le consommateur israélien. L’accord signé mardi prévoit un tarif de 0,65 dollar. Une hausse qui répercute en partie celle du coût de production de l’eau potable.
Multiplication d’usines de désalinisation
Les deux pays sont dans une situation climatique comparable mais Israël a développé des infrastructures pour répondre d’une part à la hausse de la demande et d’autre part à la baisse des ressources liée notamment au changement climatique. A l’origine, l’eau fournie à la Jordanie provenait du Lac de Tibériade, mais ce vaste réservoir d’eau naturelle ne suffit plus à couvrir les besoins de la population israélienne croissante.
« Nous avons construit des usines de désalinisation ce qui n’est pas le cas de la Jordanie, dont la population a aussi beaucoup augmenté », souligne Giora Shaham, co-président du Comité mixte israélo-jordanien de l’eau. La Jordanie, qui a accueilli des milliers de réfugiés irakiens et syriens, a vu sa population doubler ces vingt dernières années pour atteindre près de 11 millions d’habitants mais sans avoir adapté ses infrastructures pour la fourniture d’eau. En outre, nombres d’experts jordaniens dénoncent la corruption locale et les vols de tuyaux. De son côté, Israël compte déjà cinq usines de désalinisation représentant 600 millions de mètres cubes d’eau. Et la sixième, qui sera la plus grande usine de désalinisation au monde avec 200 millions de m3, est en voie de construction à Palmahim au sud de Tel Aviv. Elle coûtera plus de 1,2 milliard d’euros.
Catherine Dupeyron