Une conférence organisée à Erbil a réclamé, samedi, un rapprochement avec l’État hébreu, et provoqué la colère du gouvernement irakien : menaces et mandats d’arrêt.
Un tabou a sauté samedi en Irak avec la tenue à Erbil au Kurdistan irakien d’une conférence appelant à un rapprochement avec Israël. Venus de plusieurs provinces, quelque 300 Irakiens sunnites et chiites dont des chefs de tribus, des intellectuels et des activistes indépendants ont réclamé à visage découvert l’ouverture d’un dialogue avec l’État hébreu alors que l’Irak est officiellement depuis 1948 en guerre avec Israël. La manifestation a indigné les autorités fédérales. Elle a en revanche ravi le gouvernement israélien. Elle était organisée par un think-tank new-yorkais, le Center for Peace Communications (CPC), en pointe sur le dossier de la normalisation entre Israël et les pays arabes.
«Le CPC a joué un rôle de catalyseur mais l’impulsion est venue d’hommes et de femmes issus de la société civile. Ils se revendiquent de la dynamique régionale enclenchée par les accords d’Abraham mais entendent avant tout se positionner à l’égard des débats internes relatifs à l’avenir de l’Irak», analyse David Khalfa, l’un des chercheurs du CPC.
«Ils entendent se reconnecter au monde juif en levant l’hypothèque d’un passé refoulé, celui de la présence, avant son éviction forcée dans les années 1950, de l’une des plus importantes et anciennes communautés juives du Moyen-Orient. La reconnaissance de ce passé constitue pour eux la clé de l’établissement d’une authentique paix future et s’inscrit dans l’immédiat dans une vision de la société qui entend promouvoir les valeurs de diversité culturelle et religieuse et de pluralisme».
Une «réunion illégale»
À défaut d’un appui politique, les Kurdes irakiens se sont contentés d’assurer l’intendance ou plutôt la sécurité du congrès. «Ils n’ont pas participé car ils n’ont pas besoin de ça: ils entretiennent depuis longtemps des liens étroits avec Israël», souligne un observateur d’origine kurde. La présidence du Kurdistan irakien a adopté un profil bas en niant avoir eu connaissance de ce rassemblement pourtant peu discret.
«Nous demandons notre intégration aux accords d’Abraham. Nous aussi nous voulons des relations normales avec Israël», a affirmé le communiqué de clôture, lu par Sahar al-Taï, directrice de recherches au ministère de la Culture à Bagdad et militante féministe. «Aucune force n’a le droit de nous empêcher de lancer un tel appel.» Les cheikhs sunnites qui se sont exprimés à la tribune sont souvent connus pour leur participation à la contre-insurrection américaine durant les combats contre al-Qaida. Ils avaient pris la tête des Sahwa, les milices tribales antidjihadistes. «Nous exigeons des relations diplomatiques complètes avec l’État d’Israël», a déclaré l’un d’eux, Wissam al-Hardan.
Cet aréopage somme toute marginal a provoqué l’ire de Bagdad. Le gouvernement central a dénoncé une «réunion illégale» et le puissant leader chiite Moqtada al-Sadr a demandé l’arrestation des «trublions». Ce qui ne devrait pas tarder: la justice irakienne a lancé dimanche des mandats d’amener contre les principales figures de la «paix avec Israël», une initiative qu’elle promet d’étendre à l’ensemble des conférenciers.