Huit personnes, soupçonnées d’avoir déversé un flot d’injures antisémites contre April Benayoum, lors du concours Miss France 2021, sont jugées ce mercredi au tribunal correctionnel de Paris.
Ce soir du 19 décembre 2020, April Benayoum savoure sa place de première dauphine au concours Miss France. Les Français, déconfinés quelques jours plus tôt mais toujours soumis au couvre-feu, ont été au rendez-vous. La cérémonie a attiré plus de 8 millions de téléspectateurs. Mais pour l’étudiante en école de commerce âgée de 22 ans, la fête sera de courte durée.
Depuis plusieurs heures, la jeune femme qui porte les couleurs de la Provence fait l’objet de messages à caractère antisémites sur le réseau social Twitter. Le motif : avoir évoqué les origines israéliennes de son père pendant l’émission. Signalés le soir même à la plateforme américaine par plusieurs internautes et associations, ainsi qu’au procureur de la République de Paris, ces tweets ont fait l’objet d’une enquête judiciaire. Neuf mois plus tard, huit internautes doivent répondre ce mercredi « d’injure aggravée » devant la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris.
« Je vote contre la juive »
Vivement critiquée pour son manque de modération le soir des faits, l’entreprise Twitter a toutefois collaboré avec les enquêteurs de la BRDP, la brigade de répression de la délinquance contre la personne, chargés de l’enquête. Au total, 14 comptes Twitter ont fait l’objet d’investigations et huit suspects majeurs ont pu être identifiés par les policiers. Originaires de toute la France et âgés de 20 à 58 ans, ces quatre hommes et quatre femmes ont été placés en garde à vue au mois de mai dernier.
« Comment on fait pour voter contre une miss ? Je vote contre la juive », a par exemple écrit Rayanne M., 23 ans. Ahmet I., 21 ans est lui renvoyé pour avoir qualifié la jeune femme de « chienne ». Une autre, Djamila T., la doyenne des prévenus, avait posté une image d’Adolf Hitler accompagné de ce tweet : « Moi quand j’ai entendu les origines de #MissProvence. » Renvoyés désormais devant le tribunal judiciaire, ils encourent une peine d’un an de prison et 45.000 euros d’amende.
Un « antisémitisme ordinaire »
Pour Me Muriel Ouaknine Melki, présidente de l’Organisation juive européenne (OJE) et avocate pénaliste, « cette affaire a eu pour effet de mettre sous le feu des projecteurs l’antisémitisme ordinaire subi au quotidien par quantité de citoyens Français de confession juive ». Son association, qui réunit une cinquantaine d’avocats, propose un soutien juridique et bénévole aux victimes d’actes antisémites. « On traite entre 80 et 100 dossiers par mois, et la part de dossiers liés à de la haine en ligne est de plus en plus importante », alerte l’avocate. Son association, qui a déposé plainte trois jours après les faits, n’est pas la seule à noter cette évolution.
« Nous constatons que le racisme et la haine antisémite sont encore vivaces dans la société française, et qu’ils se répandent de façon décomplexée dans les réseaux sociaux. Nous demandons la fin de l’impunité sur Twitter, nous demandons la levée de l’anonymat sur les réseaux sociaux », réagissait le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) dans un communiqué publié le 29 décembre dernier.
L’enjeu de ce type de procédure réside dans le caractère dissuasif des peines prononcées, estime Muriel Ouaknine Melki : « La justice a un rôle à jouer, elle est aussi un vecteur de paix sociale. La haine antisémite véhiculée sur les réseaux sociaux peut aussi se traduire par un passage à l’acte lorsqu’elle s’adresse à des esprits un peu moins bien construits ou moins structurés. Or, quand il y a un passage à l’acte antisémite, il est toujours extrêmement violent. »
Souhaitons que les magistrats soient fermes envers ces petites raclures antisémites, et ne sombrent pas dans le fameux #Pasdamalgam!