Le 8 septembre doit s’ouvrir le procès des attentats du 13 Novembre. Ce soir-là, 8 attaques quasi simultanées sont perpétrées à Paris et à Saint-Denis.
Il fait doux ce vendredi 13 novembre 2015. Sur la pelouse du Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), les Bleus font tourner le ballon pour trouver une solution face à la défense allemande. François Hollande, le président de la République, est présent dans les tribunes pour ce match amical. La rencontre vient à peine de commencer quand deux hommes arrivent à pied aux abords du stade. L’un d’eux porte un haut de survêtement aux couleurs du Bayern Munich, entouré d’un drapeau allemand. Un troisième homme marche quelques mètres plus loin, téléphone à l’oreille. Sur les images de vidéosurveillance captées par un hôtel, on les aperçoit ensuite évoluer tous les trois le long de la rue bordant le stade. Sous leurs vêtements, les trois hommes portent un dispositif explosif. Le match ayant commencé, les agents de sécurité leur auraient refusé l’accès au stade. À 21 h 16 exactement, devant la porte D, un premier terroriste se fait exploser.
C’est le début du chaos. Dans le stade pourtant, où la déflagration résonne, personne ne comprend ce qui vient de se produire. Les joueurs se figent un instant, puis le match reprend. Quatre minutes plus tard, à 21 h 20, survient une deuxième explosion porte H, à environ 150 mètres de la première. Un deuxième terroriste vient d’activer son dispositif. Patrice Évra, alors en possession de la balle, s’arrête au son de la détonation, le visage surpris. Dans les tribunes, des bruits commencent à courir sur des fusillades à Paris quand les réseaux Internet se brouillent brusquement. À l’extérieur, une des explosions a tué un chauffeur de car qui attendait la fin du match. Manuel Dias, 63 ans, est la première victime des attentats du 13 Novembre. Les deux hommes seront plus tard identifiés comme étant deux Irakiens utilisant des passeports syriens.
Sur les terrasses, 39 morts mitraillés
Au même moment, à 21 h 20, une Seat Leon noire s’engage avenue Parmentier, dans le 11e arrondissement de Paris, avant d’emprunter la rue Alibert, puis la rue Bichat, dans le 10e. À 21 h 24, le véhicule s’arrête devant les terrasses du Carillon et du Petit Cambodge. Trois hommes sortent de la voiture et mitraillent les terrasses par des tirs en rafale. Au total, 203 projectiles et étuis seront retrouvés sur place. En l’espace de quelques secondes à peine, treize personnes vont trouver la mort, tandis que des dizaines d’autres sont gravement blessées. L’équipe des « terrasses » est composée de Chakib Akrouh, de Brahim Abdeslam, le frère de Salah Abdeslam, le seul survivant des attentats, mais aussi d’Abdelhamid Abaaoud, considéré comme le chef opérationnel des attentats.
Le commando déboule deux minutes plus tard à 400 mètres, devant le restaurant Casa Nostra, qui fait l’angle entre les rues de la Fontaine-au-Roi et de la Folie-Méricourt, à la lisière des 10e et 11e arrondissements. Pendant que deux hommes ouvrent le feu sur les clients attablés à la terrasse du bar La Bonne Bière, le troisième terroriste s’avance pour mitrailler le Casa Nostra à la kalachnikov. Le bilan est de cinq morts. Et de nouveau, des blessés graves. C’est ce que redoutaient les services de renseignements depuis plusieurs mois : une série d’attentats coordonnés et simultanés. À 21 h 36, la Seat transportant les trois terroristes s’arrête devant La Belle Équipe, fréquenté ce soir-là par une soixantaine de personnes. Vingt et un morts, soixante-douze blessés.
Le crime perpétré, le commando regagne le boulevard Voltaire (11e arrondissement). À 21 h 41, la Seat s’arrête un bref instant pour déposer Brahim Abdeslam au Comptoir Voltaire. Vêtu d’un jean bleu et d’un blouson noir, il échange quelques mots avec la serveuse, prend le temps d’observer l’intérieur de l’établissement, puis se positionne dans la partie la plus remplie de la terrasse couverte. D’un geste de la main gauche vers son col, il se fait exploser. Par miracle, aucun mort n’est à déplorer, un dysfonctionnement ayant empêché sa ceinture explosive de se déclencher intégralement. Seulement vingt-cinq minutes se sont écoulées depuis le début des attaques. Vingt-cinq minutes et quarante morts.
« On est partis. On commence »
Alors que les tueries se succèdent en plein Paris, une troisième explosion survient à 21 h 53 à côté d’un restaurant McDonald’s au sud-est du Stade de France à Saint-Denis. Le troisième homme de l’équipe, ultérieurement identifié comme étant Bilal Hafdi, un Français, commet le dernier attentat suicide aux abords de l’enceinte de 80 000 places. Pas de mort, mais une cinquantaine de blessés, dont plusieurs en urgence absolue. Dans l’antre dionysien, la panique commence à gagner les tribunes. Le président de la République a été exfiltré discrètement pendant la mi-temps, direction place Beauvau, au ministère de l’Intérieur, où commence une réunion de crise.
Paris est submergé, noyé dans la panique. Dans un document inédit diffusé par France Info, on peut entendre les appels d’urgence passés au Samu de Paris le soir des attentats. Les premiers coups de téléphone venus de la capitale parlent de fusillade, d’hommes en voiture qui s’arrêtent et qui tirent sur tout ce qui bouge. Une succession d’appels anxieux d’hommes et de femmes qui témoignent des atrocités qui se jouent devant eux. Mais l’horreur ne s’arrête pas là. À 21 h 44, trois hommes sortent d’une Volkswagen Polo noire garée à l’angle du passage Saint-Pierre-Amelot et du boulevard Voltaire, dans le 11e, juste devant Le Bataclan. Cette troisième équipe est composée de Samy Amimour, Ismaël Omar Mostefaï et Foued Mohamed-Aggad. Juste avant de rentrer, un SMS est envoyé vers un numéro belge : « On est partis. On commence. »
À l’intérieur de la salle de spectacle, 1 500 personnes assistent au concert du groupe américain Eagles of Death Metal. Ils viennent d’entamer leur chanson « Kiss the Devil ». Il est 21 h 47. Le troisième commando ouvre le feu. Les terroristes commencent par tirer sur les gens se trouvant à l’entrée puis s’engouffrent à l’intérieur en tirant en rafales sur les spectateurs. Les victimes pensent d’abord à des bruits qui font partie du spectacle, d’autres à des pétards qui explosent. Puis le groupe cesse de jouer. Dans la salle, la lumière se rallume sur l’implacable réalité. Deux des terroristes islamistes montent à l’étage et se postent pour faire feu sur les gens dans la fosse, « très méthodiquement », retiendront les magistrats en charge de l’instruction. Le troisième terroriste se met au fond de la salle pour barrer le chemin aux personnes qui n’ont pas eu le temps de sortir par l’issue de secours donnant sur le passage Amelot.
L’odeur du sang et de la poudre
À l’intérieur, le chaos se mélange à l’horreur. L’odeur de poudre se mêle à celle du sang. Les rafales s’arrêtent, les balles partent désormais coup après coup. De pures exécutions. Les hurlements et les gémissements se perdent dans l’enceinte alors que les terroristes vocifèrent de manière confuse leurs inepties sur la Syrie et François Hollande. Il est 21 h 56 quand un commissaire de police et son chauffeur arrivent sur les lieux. En pénétrant dans la salle de spectacle, ils aperçoivent un terroriste sur la partie gauche de la scène. Avec un fusil d’assaut, il est en train de mettre en joue un jeune. À six reprises, ils vont tirer sur lui, avant que ce dernier ne s’effondre. En tombant, le djihadiste active sa ceinture explosive. Son corps sera retrouvé entièrement démembré par le phénomène de blast.
Cette explosion, qui survient douze minutes après le début de l’attaque, est de nouveau suivie par des tirs sporadiques, qui vont durer une vingtaine de minutes. Les terroristes visent alors les spectateurs coincés dans la fosse ou ceux qu’ils voient cachés derrière les fenêtres de l’étage. Autour de 22 h 20, les deux hommes du commando encore vivants cessent leurs tirs pour se retrancher à l’étage du Bataclan avec onze otages. Dans ce couloir qui longe le balcon, trois hommes et huit femmes sont utilisés comme boucliers humains. Sous eux, à quelques mètres, les corps sont enchevêtrés par dizaines.
0 h 18, l’assaut final
Il est 22 h 15 quand une première colonne de la BRI, la brigade de recherche et d’intervention, pénètre au rez-de-chaussée du Bataclan. À l’intérieur, les policiers d’élite découvrent une véritable « scène de guerre ». Sous la lumière blanche du Bataclan gisent cadavres, blessés et rescapés. Cinq cents à six cents personnes en tout. « Dans la fosse, les cadavres se mêlaient aux corps de personnes blessées ou indemnes, qui s’étaient fait passer pour mortes, afin de ne pas déclencher de tirs sur elles », noteront les magistrats instructeurs. Alors que les blessés sont évacués progressivement, la BRI parvient à établir le contact avec les deux terroristes réfugiés avec leurs otages dans le couloir. Ils hurlent à la police de reculer. La négociation s’engage. Cinq coups de téléphone au total et très vite l’inévitable : aucun espoir de reddition possible. Ils envisagent bien de mourir en martyrs.
Pour les forces de l’ordre, l’urgence est de les neutraliser au plus vite. Mais il faut avancer sans tirer, pour éviter de tuer les otages. Les policiers progressent en essuyant des tirs de kalachnikov, protégés par leur bouclier baptisé Ramsès. L’assaut final est donné à 0 h 18. Pendant plusieurs secondes, les terroristes vont vider leurs chargeurs sur le bouclier. L’un des terroristes parvient à déclencher sa ceinture. Son corps sera retrouvé coupé en deux, tandis que le deuxième terroriste est neutralisé par balle en bas des marches.
Quatre-vingt-cinq personnes ont perdu la vie au Bataclan. Cinq autres à l’hôpital, portant le nombre de morts à 90 personnes pour la seule salle de spectacle. Sans compter les centaines de blessés. En tout, 130 personnes sont mortes pendant ces attentats à Paris et à Saint-Denis. Les plus meurtriers depuis la Seconde Guerre mondiale. À ce terrible bilan, il convient d’ajouter « la 131e victime ». Le 19 novembre 2017, Guillaume Valette, rescapé du Bataclan, s’est pendu à l’âge de 31 ans. La nuit n’avait pas dit ses derniers maux.