Éconduite comme ambassadrice des pôles, l’ex-présidentiable veut à tout prix une place au Sénat. Au risque de faire perdre son camp…
Il faut reconnaître une qualité à Ségolène Royal : grâce à elle, l’obscure élection de six sénateurs représentant les Français de l’étranger n’aura plus de secrets pour personne d’ici au 26 septembre prochain, date du scrutin. L’ex-candidate socialiste à la présidentielle s’est invitée dans ce paisible événement, qu’elle est en passe de transformer en pétaudière. Au point de faire perdre à la gauche le siège qu’elle occupait jusqu’alors ? L’hypothèse n’est pas exclue.
Quand Ségolène Royal déclare sa « candidature citoyenne », en février dernier, le petit monde des expatriés, qui compte nombre d’associations et de réseaux autour des élus consulaires, s’émeut de ce parachutage. Il n’est pas illégal, mais pas bien vu non plus, en effet, qu’un représentant des Français de l’étranger n’ait… aucun lien avec l’étranger. La plupart des élus y ont vécu, y vivent encore ou y ont des attaches.
C’est le cas de Laure Pallez, une militante socialiste installée aux États-Unis, qui a annoncé sa candidature début 2020 et qui jusqu’ici tient bon, malgré les « amicales pressions » dont elle est l’objet. Tel, entre autres, cet appel téléphonique de Ségolène Royal qui lui proposait… de jeter l’éponge et d’attendre sagement son tour.
L’ex-candidate à la présidentielle est sûre que ce fauteuil de sénatrice lui revient. Elle n’a jamais vécu à l’étranger, certes, mais elle va répétant qu’elle est née à Dakar. Dans la communauté des expatriés, la minceur de l’argument prête à sourire. Mais au PS, où elle a repris sa carte il y a quelques semaines, cette nouvelle ambition provoque surtout un certain malaise, pour ne pas dire un malaise certain.
À un mois du scrutin, la direction est aux abris. Personne ne semble en mesure de trancher entre Laure Pallez et Ségolène Royal. D’un côté, une inconnue qui a le profil idoine. De l’autre, une célébrité dont chacun mesure le pouvoir de nuisance si l’on se met en travers de son chemin.
Candidate, quoi qu’il en coûte
Du temps où François Hollande était à l’Élysée, ministres et conseillers regrettaient de le voir céder à toutes les revendications – à tous les caprices, disaient certains – de son ex-compagne. Comment le premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui fut des années durant le proche collaborateur de Hollande, pourrait-il se conduire différemment ?
Mais il y a aussi la peur de la défaite, et du ridicule. Ségolène Royal est en effet une récidiviste. En 2012, elle a obtenu de la direction du parti l’investiture dans la circonscription de La Rochelle, contre le vote des militants locaux. Le candidat évincé, Olivier Falorni, s’est maintenu, a été exclu du PS et… élu à l’Assemblée nationale. Un siège de moins pour le groupe socialiste au Palais-Bourbon. Une humiliation pour Ségolène Royal, qui se voyait déjà au « perchoir ».
Dix ans plus tard, celle-ci adopte néanmoins le même genre de tactique pour partir à l’assaut du Sénat. Au sein du groupe socialiste, rares sont ceux qui l’attendent à bras ouverts. Le président du groupe, Patrick Kanner, est un des seuls à la ménager. Ses bonnes dispositions étonnent : élue, la célèbre parachutée n’en ferait qu’une bouchée…
Mais élue, elle ne l’est pas encore. Et d’aucuns redoutent que les turbulences qu’elle provoque ne se soldent par la perte, pour la gauche, du siège occupé jusqu’alors par le PS. Avec, en prime, une image de la politique tout sauf avantageuse…
Par Sophie Coignard