Le pays est touché de plein fouet par une quatrième vague qui sature les hôpitaux, obligeant les autorités à étudier toutes les pistes : même celle du reconfinement.
Des hôpitaux du centre du pays débordés qui refusent de nouveaux malades du Covid-19 ; d’autres qui, pour éviter l’asphyxie, transfèrent des malades graves vers les grands centres hospitaliers de Jérusalem, moins touchés pour l’instant. En Israël, la quatrième vague est bel et bien là, avec des courbes qui s’affolent. Lundi 16 août, on a enregistré 8 646 nouvelles contaminations avec un taux de positivité à 6,2 %, 559 malades graves — du jamais-vu depuis février dernier –, dont 89 sous respirateurs. Et d’après les experts, le pic n’est pas encore atteint. Les optimistes parlent de 1 800 malades graves début septembre. Les pessimistes avancent le chiffre de plus de 2 000.
Champion toute catégorie de la vaccination, pionnier également pour la troisième dose, en une quinzaine de jours ce sont près d’un million de personnes qui ont reçu le rappel – ici, la question se pose : Israël réussira-t-il à éviter un nouveau confinement national ? Pour l’heure et malgré le pessimisme ambiant, le Premier ministre Naftali Bennett se refuse à l’envisager. Dans un long post publié sur Facebook, il a même promis de tout faire pour ne pas en arriver là. « Décréter le confinement, c’est ce qu’il y a de plus simple pour un gouvernement. Mais c’est une politique qui a un prix terrible. Le montant des trois confinements précédents s’est élevé à 200 milliards de shekels. Si nous continuons ainsi, notre économie sera ruinée. »
Les deux armes de Bennett
De fait, et même s’il écrit que « des jours difficiles [les] attendent », Naftali Bennett parie sur deux armes : le port du masque et surtout la vaccination massive. Pour ce faire, il a non seulement abaissé l’âge d’accès à la troisième dose aux 50 ans et plus, mais il a aussi lancé l’ouverture nocturne de grands centres de vaccination. Le premier de ce genre a été inauguré samedi soir dernier à Tel-Aviv. Sans rendez-vous, tous ceux qui le voulaient pouvaient en bénéficier. Et nombreux sont ceux qui ont répondu à l’appel jusque tard dans la nuit. Au risque de se répéter, le chef du gouvernement ne rate pas une occasion de revenir sur son mantra : « Celui qui se fait vacciner sauve une entreprise. Celui qui se fait vacciner évite à un enfant une année de plus devant Zoom ; celui qui se fait vacciner sauvegarde la santé de tous et notre avenir économique. » D’où cette conclusion, toujours la même : « Portez le masque et allez-vous faire vacciner. »
Toutes ces mesures – retour du pass sanitaire avec tests obligatoires pour les enfants de 3 à 12 ans, limitation des rassemblements – et bien sûr la troisième injection suffiront-elles pour gagner la bataille contre le Delta ? Le directeur général du ministère de la Santé, le professeur Nachman Ash, veut croire à l’effet du troisième vaccin. « Un effet qui, dit-il, pourrait se faire sentir dès la semaine prochaine avec les premiers signes d’une baisse du nombre de malades graves. » Mais le professeur Ash reste prudent : « Si cette baisse ne se confirme pas, nous n’aurons plus le choix et nous devrons décider d’un reconfinement général. »
En attendant, c’est un autre post publié sur Facebook par une sommité médicale qui a mis le feu aux poudres. « Je vais dire ce que le politiquement correct nous interdit de dire : Nous rouvrons des services corona, mais ne vous attendez pas à la compassion de nos équipes si vous y arrivez alors que vous n’êtes pas vaccinés. Nous sommes à bout de forces…. On attend de nous une nouvelle mobilisation, avec des tours de garde de 48 heures d’affilée, le tout dans des conditions très dégradées, tout cela pourquoi ? Au nom de votre droit à ne pas vous faire vacciner ! Même chose pour le port du masque : trop difficile pour vous. Eh bien pour nous aussi, la situation est difficile. C’est dur de mettre tous les jours en danger sa propre vie et celle de ses proches. C’est dur de travailler dans un cimetière de morts-vivants. Et surtout, c’est dur de comprendre pourquoi il est de notre responsabilité de soigner ceux qui ne prennent pas soin d’eux-mêmes. » Signé Dr Sharon Einav, professeure de médecine à Shaare Tsedek (un des grands hôpitaux de Jérusalem). Tempête chez les internautes, avec pour les plus modérés, ce genre de réactions : « Et la compassion, vous avez oublié ? » « Et le serment d’Hippocrate, vous en faites quoi ? »
Pourtant, à voir la multiplication sur les réseaux sociaux ou dans les médias de témoignages – anonymes ou pas – d’équipes médicales sur le thème de leur épuisement mêlé de colère ou de frustration, Sharon Einav n’est pas seule. Qu’ils soient infirmiers ou médecins dans un service Covid, ils sont nombreux à tenir le même discours : « Pas question de ne pas soigner tout le monde, mais quelle frustration quand nous voyons les services Covid se remplir à nouveau, alors que nous pensions avoir tourné la page. Alors oui, nous sommes en colère, mais pas contre l’ensemble des non-vaccinés. Contre le petit groupe de ceux qui par leurs mensonges et leur fake news ont injecté la peur du vaccin chez des dizaines de milliers de gens qui risquent aujourd’hui leur vie. »
Paradoxe de la vie tel-avivienne : alors que, samedi soir dernier, les gens attendaient de se faire vacciner dans le nouveau centre installé en plein cœur de la ville, d’autres se rassemblaient sur l’esplanade du théâtre Habima. Des militants antivax et antipass sanitaire qui, depuis des semaines, manifestent leur opposition à la politique sanitaire du gouvernement. Un peu plus d’un million d’Israéliens ne sont toujours pas vaccinés.