Montré du doigt récemment, NSO, qui a développé le logiciel Pegasus, est concurrencé par une autre entreprise, Quadream, basée à Tel-Aviv.
Dans le monde du cyberespionnage, les places sont chères. NSO, une firme israélienne leader dans ce secteur, est au centre depuis la mi-juillet d’un scandale international pour avoir infiltré les communications de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme et de dirigeants politiques, y compris Emmanuel Macron. Les critiques suscitées par les révélations sur le logiciel Pegasus, développé par NSO, ont même atteint l’ONU, dont des experts ont demandé jeudi un moratoire international sur la vente de technologies de surveillance, en attendant de fixer un cadre réglementaire. Avant que d’hypothétiques règles soient fixées, un des principaux concurrents de NSO, Quadream, d’origine israélienne également, profite de ce tumulte pour tenter de placer ses logiciels capables de s’infiltrer dans les téléphones portables et les ordinateurs.
Selon le quotidien économique israélien Globes, des responsables de l’entreprise se sont rendus la semaine dernière au Maroc afin de convaincre ses services de sécurité de s’équiper avec leurs systèmes. NSO, tout en le niant, aurait également dans le passé fourni du matériel clé en main au Maroc, ce que ce pays a démenti. Hasards du calendrier: un accord de coopération entre Israël et le Maroc pour la cybersécurité a été signé le mois dernier, tandis que Yaïr Lapid est arrivé mercredi à Rabat pour la première visite au Maroc d’un chef de la diplomatie israélienne depuis dix-huit ans.
Un marché en pleine croissance
Israël est une superpuissance dans le secteur du cyberespionnage. Une quinzaine d’entreprises se disputent un marché en pleine croissance dans le monde. Pour sa part, Quadream n’en est pas à son coup d’essai. La firme aurait déjà fourni des logiciels espions à l’Arabie saoudite, avec laquelle Israël n’entretient pas de relations diplomatiques, et au Ghana notamment. Malgré ces percées, la firme cultive le secret, elle n’est sortie partiellement de l’ombre que grâce aux médias locaux.
La société est dirigée par un ancien des renseignements militaires. Ses bureaux de développement se trouvent à Ramat Gan, dans la banlieue de Tel-Aviv, nichés au 17e étage d’un immeuble. Prudence oblige, aucun logo de l’entreprise n’est visible. Les livreurs ne peuvent pas entrer et doivent déposer les commandes de repas par une ouverture spéciale.
Mais les apparences sont trompeuses. Il ne s’agit pas du siège. Officiellement, l’entreprise est domiciliée à Chypre, où elle a noué une alliance avec une société locale, InReach. Cet arrangement permet à Quadream d’échapper au contrôle du ministère israélien de la Défense, qui a son mot à dire pour les exportations de logiciels espions. Le ministre Benny Gantz a dû s’engager fin juillet à mener une enquête «très sérieuse» sur les écoutes par NSO du téléphone d’Emmanuel Macron, lors d’une récente visite d’«explications» à Paris. Avec Quadream, cette démarche ne se serait sans doute pas imposée…
Les clients étrangers jouissent également d’une autre garantie. Quadream, contrairement à NSO, ne peut pas bloquer à distance ses systèmes si les conditions ou l’identité du client deviennent «problématiques». Selon les experts en cybersécurité, c’est sans doute une des raisons pour lesquelles les responsables saoudiens ont fait appel à elle. Enfin, Quadream est moins cher que NSO, tout en proposant des services à peu près aussi performants.
Parmi les systèmes figurant sur le catalogue figure un virus surnommé «Reign», disposant selon ses concepteurs d’une capacité de «zéro clip». Autrement dit, la cible visée n’a même pas besoin d’utiliser son téléphone portable ou son ordinateur pour être espionnée. D’autres systèmes plus classiques permettent d’extraire des données stockées dans des téléphones, des vidéos, des messages sur les réseaux sociaux, des e-mails, il suffit que la victime clique sur une photo ou un message qui lui est envoyé pour se retrouver piégée. Le client peut également écouter et suivre les déplacements de la personne visée.