Anxieux face à la progression du variant Delta, les séniors se font injecter une nouvelle dose. Plus d’un million d’Israéliens ne sont pas vaccinés. Par Danièle Kriegel.
La dame n’est pas contente. Elle et son mari avaient rendez-vous à 19 h 15 pour l’injection de la troisième dose de vaccin Pfizer. Leur numéro a été appelé et voilà qu’une personne leur est passée devant. Qu’à cela ne tienne. Une assistante oriente le couple vers une autre pièce. Quelques minutes plus tard, les voilà qui ressortent dûment vaccinés. La scène se déroule à Misgav Ladach, un dispensaire de la Meouhedet, une des caisses maladie qui opèrent en Israël.
Situé dans un quartier résidentiel de la Jérusalem juive, ce centre de soins ne désemplit pas depuis dimanche dernier. Infirmière spécialisée, Denise Bendelac aurait dû prendre son service à 15 heures, mais face à la foule des patients, on lui a demandé de venir une heure plus tôt. Elle enchaîne vaccination sur vaccination. « Je suis relativement surprise. Je ne m’attendais pas à ce qu’ils soient aussi nombreux […] Je crois qu’ils sont anxieux. Ils craignent vraiment d’être malades. »
Un quatrième confinement
Peut-être aussi ont-ils peur de ne pas pouvoir se retrouver en famille durant les fêtes d’automne qui, cette année, commencent le 6 septembre avec le Nouvel An juif. Cinq jours après le début de la nouvelle campagne, ils étaient déjà 262 563 à avoir été vaccinés. Le chiffre, bien qu’impressionnant, ne rassure pas les autorités sanitaires. Face aux indicateurs qui augmentent – plus de 3 000 nouveaux contaminés par jour, 241 malades graves, dont 62 en état critique et au moins 50 sous respirateur –, les experts multiplient les avertissements : en l’absence de mesures draconiennes, la vaccination complète de près de 60 % de la population et la troisième dose pour les séniors ne seront pas suffisantes.
« Nous sommes dans une situation, où quoi qu’on fasse, explique le professeur Eli Waxman de l’Institut Weizman, nous allons atteindre dans les toutes prochaines semaines les 1 000 malades graves. » Plus précis encore, le professeur Eran Segal qui a planché la semaine dernière devant le cabinet ministériel de lutte contre le coronavirus, estime que si l’avancée du variant Delta dans tout le pays n’est pas contenue, il y aura, avant la fin août, une moyenne d’hospitalisations quotidiennes de 170 malades graves. Un pessimisme qui a remis au premier plan la possibilité d’un quatrième confinement général. Faut-il l’instaurer immédiatement ou attendre septembre et la période des fêtes juives ? S’agira-t-il d’un confinement dur ou plus light ? Et pour combien de temps ? La décision pourrait être prise dans une dizaine de jours.
En attendant, le gouvernement a renforcé les mesures barrières : port du masque à l’extérieur dans les rassemblements de moins de 100 personnes, avec présentation du pass sanitaire ou d’un certificat de vaccination. À partir de ce vendredi, les Israéliens revenant notamment des États-Unis, France, Italie, Allemagne, Grèce, Pays-Bas, Égypte (y compris le Sinaï), etc. devront observer un confinement complet d’une dizaine de jours. Cela concerne aussi bien les personnes vaccinées que celles ayant eu le Covid-19. Elles peuvent raccourcir la période d’isolement en présentant un test PCR négatif après une semaine. Mais selon une statistique récente, 90 % des Israéliens de retour de l’étranger ne réalisent pas ce fameux test.
Comment les convaincre ?
Difficile, également, de savoir s’ils observent le confinement. La police effectue très peu de contrôles. L’impression générale est qu’en cette période de vacances, les Israéliens n’écoutent pas vraiment ce qui ressemble de plus en plus à des suppliques de la part des responsables israéliens, à commencer par le Premier ministre Naftali Bennett : « Respectez les mesures barrières et surtout, allez vous faire vacciner. » Concernant la dose de rappel des plus de 60 ans, il a ajouté : « Ceux qui ne l’ont pas encore reçue sont six fois plus susceptibles d’être gravement malades, voire de mourir. »
À ce jour, un peu plus d’un million d’Israéliens ne sont toujours pas vaccinés. Comment les convaincre ? « C’est très difficile, nous répond Denise Bendelac. Beaucoup s’inquiètent de l’injection d’un produit connu depuis seulement 6 mois. Ils ne font pas confiance à la science. » Alors, faut-il rendre la vaccination obligatoire ? L’infirmière hésite et finit par répondre « Peut-être… » L’idée n’est pas à l’ordre du jour en Israël. Pas encore.