Selon une étude du Center for Countering Digital Hate, 84 % des publications signalées par l’ONG n’ont pas fait l’objet de mesures de modération après leur signalement.
Les principaux réseaux sociaux ne modèrent pas efficacement les publications antisémites, estime un récent rapport publié le dimanche 1er août par l’ONG Center for Countering Digital Hate (CCDH). « Nos recherches déterminent que ces plates-formes échouent à supprimer les contenus offensants et antisémites, même après avoir reçu des signalements spécifiques », explique l’ONG dans son étude.
Les chercheurs de l’organisation ont établi une liste de 714 publications antisémites sur cinq des plus grandes plates-formes du Net – YouTube, Instagram, Twitter, Facebook et TikTok – en faisant des recherches à partir de mots-clés couramment utilisés dans ces contenus haineux. Ils ont, ensuite, signalé ces contenus – posts Instagram, vidéos YouTube, etc. –, en utilisant les outils mis à disposition des internautes par ces plates-formes, et observé la réaction des équipes de modération.
Selon le CCDH, 84 % des publications signalées n’ont pas fait l’objet de mesures de modération après leur signalement. Des contenus qui, selon les analyses de l’ONG, avaient rassemblé un total de plus de 7,3 millions de vues. Dans une minorité de cas seulement, des mesures ont été prises contre les contenus, allant jusqu’à la suppression du compte les ayant mis en ligne.
Des hashtags antisémites toujours visibles
Les contenus signalés allaient de l’appel à la violence contre les juifs aux théories conspirationnistes antisémites. « Voilà pourquoi les réseaux sociaux sont de moins en moins sûrs pour les juifs, tout comme pour les femmes, les Noirs, musulmans, personnes LGBT et bien d’autres groupes », a réagi le PDG du CCDH, Imran Ahmed, auprès du Guardian.
Depuis la publication du rapport, de nombreuses publications antisémites mentionnées en exemple dans le texte de l’étude ont été supprimées, selon les constatations du Monde. Mais sur certains comptes concernés, plusieurs contenus antisémites sont toujours en ligne et accessibles à tous.
Le CCDH accuse, par ailleurs, Facebook de laisser perdurer des groupes explicitement antisémites et/ou conspirationnistes. Selon l’ONG, de nombreux hashtags directement antisémites sont également toujours accessibles et utilisables sur Instagram, Twitter et TikTok.
Contacté par le site Axios, un porte-parole de Facebook a répété que la haine n’avait « pas sa place sur [sa] plate-forme. » « Ces rapports ne mentionnent pas le fait que (…) la prévalence des contenus haineux était en baisse sur [Facebook] », a ajouté le porte-parole, affirmant, par ailleurs, que la très grande majorité des publications haineuses modérées par le réseau social le sont proactivement, c’est-à-dire sans qu’elles soient signalées préalablement par un utilisateur. De son côté, Twitter a également réagi auprès d’Axios, assurant que l’entreprise continuait à améliorer la modération des contenus.
Détails sur le laxisme
Et Facebook est de loin la moins bonne élève en matière de lutte contre l’antisémitisme. Malgré la mise en place de mesures destinées à lutter contre la haine à l’encontre des juifs, le révisionnisme, et le négationnisme, le géant d’internet n’a agi que sur 10,9% des messages. Le rapport évoque également le cas d’une publication d’article affirmant que l’Holocauste n’était qu’un mensonge, accompagné d’un mème suprémaciste. Alors que celle-ci avait été signalée, la plateforme, au lieu de la supprimer, l’a étiquetée de « fausse information », lui permettant d’atteindre des centaines de milliers d’utilisateurs.
Twitter a également fait preuve d’un grand laxisme face au phénomène, ne supprimant que 11% des tweets ou comptes assimilés aux « tendances » et hashtags antisémites, tels que #holohoax (souvent utilisé par les négationnistes de l’Holocauste) ou #JewWorldOrder (utilisé pour s’indigner face à un prétendu « complot juif »). Instagram et TikTok autorisent également ces hashtags antisémites : les tendances #rothschild,#fakejews et #killthejews ont par ailleurs touché plus de 3,3 millions de personnes.Ces deux derniers réseaux ont néanmoins agi sur environ 18% des posts signalés. C’est mieux que Facebook, mais encore largement insuffisant.
YouTube, de son côté, n’a supprimé que 21% du contenu antisémite en ligne.
En somme, la haine antisémite ne fait l’objet d’aucune action. En moyenne, sur toutes les plateformes, 80% des posts niant l’Holocauste, 74% des publications d’incitation à la haine antisémite, 70% des caricatures antisémites, et 70% des posts néo-nazis, n’ont pas été supprimés. Autant dire qu’avec les réseaux sociaux, l’antisémitisme a encore, malheureusement, de longs jours devant lui.
Sources lemonde et laprovence