Dans ce pays où 60 % des plus de 12 ans sont vaccinés, le variant Delta provoque un sursaut épidémique. Le gouvernement veut encore renforcer la vaccination.
Les chiffres sont sans appel en Israël : en une dizaine de jours, la circulation du variant Delta du coronavirus a fait monter tous les indicateurs, que ce soit le nombre quotidien de nouvelles contaminations – plus de 2 000 mardi – ou celui des cas graves, 138 à ce jour, contre 61 la semaine dernière. Dans les hôpitaux, les services Covid rouvrent peu à peu, et l’inquiétude des autorités sanitaires est de plus en plus palpable.
Face à cette nouvelle vague, le gouvernement est en train de passer des simples recommandations – « Portez le masque dans les lieux clos ! Renoncez aux voyages à l’étranger non indispensables ! » – aux mesures plus restrictives comme l’interdiction de pénétrer dans le terminal de l’aéroport Ben-Gourion, près de Tel-Aviv, pour les personnes venues accompagner ou accueillir un voyageur. Quant à la liste des pays dits « rouges » et donc interdits aux Israéliens, sauf autorisation spéciale, elle continue de s’allonger : à la Russie, au Brésil, à l’Afrique du Sud, à l’Inde et au Mexique se sont ajoutés l’Argentine, la Biélorussie et, plus récemment, l’Espagne.
Les mots très durs de Naftali Bennett
À partir de vendredi prochain, si les ministres entérinent la décision du cabinet de lutte contre le Covid, les Israéliens ne pourront plus se rendre en Grande-Bretagne, en Turquie, en Géorgie et à Chypre. En cas d’infraction, ils sont passibles d’une amende de 5 000 shekels (1 300 euros). Le passeport vaccinal pourrait également être de nouveau étendu. Actuellement, il n’est exigé que pour les rassemblements en intérieur de plus de 100 personnes, mais, là encore, si la hausse des contaminations se poursuit au rythme actuel, il pourrait redevenir obligatoire dans des lieux de loisirs où l’affluence est inférieure à 100 personnes.
Pour tenter d’enrayer cette nouvelle vague épidémique, le gouvernement, qui rejette l’idée d’un nouveau confinement national, a fait du renforcement de la vaccination son objectif primordial. Alors que plus de 60 % des Israéliens de plus de 12 ans sont vaccinés, 1,1 million d’habitants ne le sont toujours pas. Jeudi dernier, prenant tout le monde de court, le Premier ministre, Naftali Bennett, a eu des mots très durs à l’égard des non-vaccinés : « Ils mettent en danger leur santé, celle de leur entourage, et portent atteinte à la liberté de tous les Israéliens… Tout citoyen de 12 ans et plus qui n’a pas de raison médicale le lui interdisant doit se faire vacciner. » Le samedi suivant, plusieurs centaines d’antivax manifestaient devant son domicile privé de Ra’ananna, une banlieue résidentielle du grand Tel-Aviv.
Une troisième dose ?
Ces déclarations de Naftali Bennett font suite à l’appel lancé par un panel d’experts de l’université hébraïque de Jérusalem. Selon l’un d’entre eux, le professeur Nadav Katz, il suffirait de 500 000 nouveaux vaccinés, surtout dans la catégorie des 12-40 ans, pour faire retomber le taux de reproduction du virus, le fameux R0, sous la barre des 1. Il est aujourd’hui de 1,4.
En attendant, un autre débat agite les responsables de la santé : faut-il une troisième dose de vaccin pour les personnes les plus vulnérables ? L’équipe de spécialistes qui conseille les membres du cabinet de lutte contre le Covid y est favorable. En revanche, l’hésitation porte sur la date à retenir pour cette nouvelle inoculation : faut-il attendre décembre et l’arrivée de nouveaux vaccins encore mieux adaptés aux différents variants ou bien agir tout de suite ? À la question de savoir si Israël déciderait de cette troisième dose même en l’absence de l’approbation de la FDA, l’Agence américaine du médicament, le professeur Nachman Ash, directeur général du ministère de la Santé, a répondu : « Si nous assistons à une augmentation du taux de contamination, nous ne pourrons pas attendre l’accord de la FDA. Nous devrons prendre une décision sur la base de nos propres données. »
« L’effet de la vaccination est bien réel »
Un débat qui a pris une nouvelle ampleur avec l’annonce d’une baisse de l’efficacité du vaccin Pfizer. Alors que, quatre mois après son inoculation, la protection contre l’infection était de l’ordre de 60 %, elle n’est plus aujourd’hui que de 40 %. Faut-il s’affoler ? Le professeur Hervé Bercovier explique au Point : « Le but du vaccin n’était pas de protéger contre la contamination, mais contre les formes graves de la maladie et la mort. Au vu des chiffres actuels en matière de mortalité, laissez-moi vous dire que le vaccin marche bien. Si on prend l’exemple des malades du Covid, dans la catégorie des 70 à 79 ans, avant le vaccin, ils étaient 8 % à décéder ; aujourd’hui, la proportion est tombée à 0,5 %. Pour les 80 ans et plus, le pourcentage des décès était de 60 % ; avec le vaccin, il est de seulement 25 %. Donc l’effet de la vaccination est bien réel. La protection est même meilleure que celle offerte par le vaccin contre la grippe. »
Le ministère israélien de la Santé rappelle que la vaccination réduit de 88 % les hospitalisations et de 90 % les formes graves de la maladie. Mais, toujours selon le professeur Bercovier, si l’objectif vaccinal du gouvernement n’est pas atteint et que les mesures adéquates ne sont pas prises, Israël risque d’arriver à une épidémie à deux vitesses, avec « les malades vaccinés, moins gravement atteints, versus les non-vaccinés, pour qui ce sera dramatique, car le variant Delta est virulent ».