Dans le peloton, certains coureurs n’arborent pas sur leur dos le logo d’une marque, mais bien le drapeau d’un Etat, et c’est le cas de l’équipe israélienne.
Indice chez vous : les championnats du monde de cyclisme se déroulent habituellement en octobre, sur un circuit, et sous un ciel bas et gris. Si vous voyez, en plein été, sur le Tour de France, une flopée de maillots d’équipes nationales, pas de panique. On n’est pas revenu à l’époque de Jacques Anquetil ou Louison Bobet, quand les équipes de sponsors n’avaient pas droit de cité. Ce sont les Etats qui ont décidé d’investir le cyclisme et son épreuve reine, la Grande Boucle.
Retour sur un phénomène qui implique cette année Israël et d’autres « Etats-sponsors » attirés comme de nombreuses marques par l’exposition exceptionnelle offerte par une course diffusée dans 195 pays.
Coureur cycliste et ambassadeur de la paix
Forcément, quand il a enfilé pour la première fois le maillot de l’équipe Israel Cycling Academy, ancêtre de l’actuelle Israel Start-Up Nation, Clément Carisey s’est demandé ce qu’il faisait là. « Le côté israélien de l’équipe ne sautait pas aux yeux. On échangeait en anglais, la structure sportive était basée en Espagne… Mais la direction de l’équipe a ensuite organisé un stage pour les coureurs étrangers qui n’étaient jamais venus en Israël. » Au programme, visite de kibboutz, ces fameux villages collectivistes, un tour dans Tel-Aviv et à Jérusalem. Le tout ponctué d’un briefing du grand patron, le milliardaire Sylvan Adams, qui insiste sur le rôle d’ambassadeur de la paix de tous les coureurs revêtus du maillot bleu et blanc.
« Aux coureurs israéliens, il n’avait pas besoin de le dire, ils étaient déjà comme investis d’une mission. » Le séjour se termine dans un duplex du grand patron, au sommet d’un immeuble niché sur une artère branchée de la capitale. « Les rideaux étaient tirés, je ne me rappelle pas bien de la vue, mais quelle hauteur sous plafond ! », s’amuse Clément Carisey, aujourd’hui sous contrat avec l’équipe française Delko.
« C’est du ‘nation branding’ ? Oui, et alors ? »
Israel Start-Up Nation, c’est la nouvelle génération des équipes nationales dans le cyclisme. Pas l’émanation directe de l’Etat, mais la volonté d’un homme d’affaires désireux de rendre à son pays une partie de ce qu’il lui doit. « Sylvan Adams ne fait pas ça pour gagner un centime, il est en train d’écrire sa légende pour les générations futures », abonde Asaf Ackerman, qui a commenté le Tour pendant huit ans pour la chaîne de télévision Sport5il. D’où le choix du nom, qui reprend le titre du livre de deux économistes, Dan Senor et Saul Singer, sur le « miracle économique israélien ».
« C’est un message universel que les Israéliens, du gouvernement à l’homme de la rue, souhaitent mettre en avant, pour reléguer au second plan le conflit israélo-palestinien, toujours aussi clivant », remarque Yoav Dubinsky, professeur au Lundquist College of Business, dans l’Oregon, et spécialiste de la question. Lequel ajoute : « C’est du nation branding ? Oui, et alors ? Que croyez-vous que fait la France quand elle diffuse en mondovision les vues d’hélicoptère de ses paysages, en obligeant les commentateurs du monde entier à en toucher un mot ? »
En quelques années, le message est passé. « Quand on arrivait dans le peloton, sur les courses, bien sûr que les coureurs d’autres équipes nous interrogeaient. Le respect est venu petit à petit, avec les résultats. Puis, plus personne ne nous a demandé ce qu’on fichait là. Clairement, on n’était pas la danseuse géopolitique d’un milliardaire », décrit l’Israélien Aviv Yechezkel, qui a usé ses cuissards pour l’équipe entre 2016 et 2018. « Je ne vais pas vous dire que je n’ai pas vu un drapeau palestinien ou deux au bord de la route, mais ce sont les seuls incidents qui me viennent en tête. »
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