Aucun rabbin libéral n’avait été ordonné en France depuis 53 ans. Iris Ferreira et Étienne Kerber seront ordonnés rabbins, le 4 juillet, à Paris. Iris Ferreira deviendra la première femme à être ordonnée rabbin en France.
Le moment est particulièrement historique et symbolique. Deux nouveaux rabbins libéraux seront ordonnés le 4 juillet à Paris. Une telle ordination n’avait pas eu lieu en France depuis plus de cinquante ans.
Formés au Leo Baeck College de Londres, Iris Ferreira et Étienne Kerber recevront la semikha (1) des rabbins Pauline Bebe et Tom Cohen dans leur communauté respective, la Communauté Juive libérale (CJL) et Kehilat Gesher, dans les 11e et 17e arrondissements parisiens. En tout, ils seront en Europe quatre nouveaux rabbins libéraux à être ordonnés le même jour, avec le docteur Tali Artman à Cambridge et Peter Luijendijk à Amsterdam.
« J’ai découvert que j’avais envie de devenir rabbin »
Chacun a fréquenté la communauté de Pauline Bebe, première femme française à avoir été ordonnée rabbin, au terme de parcours atypiques. « Je n’ai pas eu d’éducation religieuse », affirme Étienne Kerber qui, pourtant, rêvait de devenir rabbin depuis l’âge de 15 ans. Son choix avait d’autant plus surpris ses parents, peu portés sur la religion. À l’époque, son professeur de français avait invité les élèves, pendant un week-end, à réfléchir sur ce qu’ils voulaient faire dans leur vie. « Après une profonde réflexion, j’ai découvert que j’avais envie de devenir rabbin », raconte-t-il.
Avec l’aide de sa mère, il s’est mis en quête d’une synagogue « qui leur ressemble ». C’est ainsi qu’en 2001, il rencontre Pauline Bebe, auprès de qui il trouve la sagesse qu’il recherche. «Elle est un peu mon maître et je vais devenir son collègue, c’est beaucoup d’honneur et d’émotion », confie-t-il. Le jeune père de 36 ans va en effet officier prochainement aux côtés de Pauline Bebe pour la Communauté juive libérale de Paris (CJL).
Pas question pour autant d’abandonner la musique. Au contraire, « ça fait partie du métier de rabbin », se réjouit celui qui, à la synagogue, a créé le Shabbat rock. Fort de nombreuses années de studio, concerts et tournées avec son groupe de rock Les Shades, Étienne Kerber, qui a en même temps mené à bien une licence de littérature anglaise et américaine, veut continuer à amener la musique dans les offices, « avec des airs plus modernes ».
Judaïsme libéral
Iris Ferreira, quant à elle, sera la première femme rabbin ordonnée en France et la cinquième à officier en France. Elle a fait ce choix après avoir étudié la médecine pendant quatre ans et après avoir cherché sa place au sein du judaïsme.
Elle aussi détonne dans le cadre familial. « Tout ce qui avait un lien avec le judaïsme restait plutôt caché », confie la jeune femme. Fille unique, elle grandit entre un père qui se dit de toutes les religions du monde et une mère « plutôt athée ». Au fil des années, sa décision de devenir rabbin mûrit. Elle côtoie, dans l’ouest de la France, des communautés orthodoxes, auprès desquelles elle dit avoir eu de très bonnes expériences et appris beaucoup de choses qu’elle n’avait pas héritées de sa famille.
Puis elle découvre, à travers une interview de Delphine Horvilleur d’abord, le judaïsme libéral, dans lequel elle se sent plus à son aise. «Le statut actuel de la femme dans le judaïsme orthodoxe ne me convenait pas. En tant que femme, je me sentais toujours entravée dans les contributions que je pouvais apporter ». Par chance, à Paris, Iris Ferreira habite à côté de la communauté de Pauline Bebe, dans le 11e arrondissement, qu’elle est ainsi amenée à côtoyer.
Pour elle non plus, pas question pour autant d’abandonner sa passion, l’écriture. «J’ai toujours écrit, c’est vraiment fondamental pour moi », explique celle qui, sous le nom de plume de Sara Pintado, publie dans la littérature de fantasy.
« Ces ordinations sont une chance »
«Ces ordinationssont une chance car elles viennent ainsi ouvrir la voiepour les élèves actuels », se réjouit Manon Brissaud Fenck, chargée de la communication au sein de l’école rabbinique de Paris. L’école, créée il y a deux ans, forme une dizaine d’étudiants rabbins libéraux venant des quatre coins de la France. Faute d’une telle formation, ils devaient auparavant partir se former en Israël, en Allemagne, en Angleterre ou aux États-Unis.
Si le judaïsme libéral est majoritaire dans le monde – plus de 2 millions d’adhérents, en particulier aux États-Unis – il demeure minoritaire en France.
(1) La semikha transfère le rabbinisme selon un processus de transmission d’autorité.
Charlotte Gambert