A partir du 17 juin au Mémorial de la Shoah à Paris et pour la première fois en France, un musée explore l’histoire de la persécution des homosexuels et des lesbiennes durant le Troisième Reich.
Dans la salle de l’exposition éphémère située au 3e étage du Mémorial de la Shoah, de nombreux portraits d’hommes et de femmes se mêlent aux archives historiques, témoignages de leur parcours dans l’Europe nazie. Martha Mosse, Eva Kotchever, Joseph Regisser, Walter Richter… « Il s’agit de destins hétérogènes. Certains étaient également juifs, d’autres résistants ou au contraire sympathisants du régime », souligne Florence Tamagne, spécialiste de l’histoire de l’homosexualité et commissaire scientifique de l’exposition.
Des parcours de vie pour la plupart méconnus du grand public car, « le sort des homosexuels et lesbiennes pendant la Seconde Guerre mondiale a longtemps été invisibilisé », précise Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah.
Une exposition sur les « triangles roses » aux enjeux multiples
L’exposition qui s’ouvre à partir du 17 juin présente plusieurs documents historiques n’ayant jamais été présentés en France. Elle lève le voile sur ceux que l’on appelle les « triangles roses ». « Au lendemain de la guerre, rares furent les hommes et femmes homosexuels à prendre la parole et témoigner. En Allemagne, leur statut de victimes fut nié en raison de l’homophobie très présente et du paragraphe 175 du Code pénal allemand, criminalisant les relations sexuelles entre hommes qui reste en vigueur après 1945, jusque dans les années 70 », détaille Florence Tamagne.
En faisant la lumière sur cette stigmatisation et cette persécution, le Mémorial de la Shoah répond à un enjeu de mémoire, mais pas seulement. « L’enjeu est aussi scientifique puisqu’en dressant l’état des lieux de ce que l’on sait de cette discrimination on souhaite rétablir la vérité, abonde la commissaire de l’exposition. Et enfin, il y a un enjeu d’actualité car les questions liées à l’homophobie sont malheureusement loin d’avoir disparu, même dans des Etats démocratiques comme la France. »
Parler des hommes et des femmes
Pour Florence Tamagne, il était essentiel que l’exposition éclaire également le destin des lesbiennes afin de montrer qu’elles aussi ont subi cette stigmatisation de la part du régime nazi.
Si les femmes n’étaient pas inquiétées par des articles de loi – sauf en Autriche – elles furent souvent arrêtées sous un autre prétexte. Elles ne portaient pas le triangle rose mais étaient enregistrées comme « juive », « asociales », ou encore « criminelles ». Le terme « lesbisch » apparaît d’ailleurs sur certains documents dans la marge, près du nom de certaines détenues.
Souvent envoyés au camp de concentration de Sachsenhausen situé à 30 kilomètres au Nord de Berlin, les « triangles roses » étaient placés dans une zone restreinte afin de limiter les contacts avec les autres déportés. « Il faut comprendre que l’homophobie était présente aussi parmi les détenus et l’on considérait l’homosexualité comme une maladie contagieuse, d’où cette organisation », précise Florence Tamagne.
On estime que parmi les 100 000 personnes lesbiennes et homosexuelles, 50 000 firent l’objet d’une condamnation et 15 000 à 5000 furent envoyés en camps de concentration où la majorité périra.