20 ans plus tard, les victimes des attentats au Dolphinarium luttent toujours

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Deux décennies après l’attentat suicide au Dolphinarium, les survivants en portent toujours les cicatrices mentales et ont été pratiquement abandonnés par l’État.

Les survivants de l’attentat-suicide de 2001 à la discothèque Dolphinarium de Tel Aviv vivent toujours avec l’horreur, qui s’est intensifiée au cours des deux dernières décennies en raison du manque de reconnaissance de l’État et du refus de fournir une compensation appropriée.

Le 1er juin 2001, un terroriste affilié au Hamas s’est fait exploser à l’entrée du club balnéaire, tuant 21 jeunes Israéliens et en blessant des dizaines d’autres. Un grand nombre des victimes étaient des immigrants de l’ex-Union soviétique qui prévoyaient d’assister à une fête au club.


L’une des survivantes de cette infâme attaque est Irina Lipkin, maintenant âgée de 38 ans, qui a subi de nombreuses blessures. « Le terroriste s’est fait exploser à deux mètres de moi alors que je faisais la queue pour entrer dans le club », raconte Irina. « À l’hôpital Ichilov, on m’a demandé quels vêtements portaient mes deux meilleurs amis qui étaient avec moi. Ce n’est que plus tard que j’ai appris que l’un d’entre eux avait été tué ».

Lipkin se souvient encore de l’attaque avec des détails saisissants. « Il y avait une énorme foule à l’entrée. Et en une fraction de seconde, j’étais à dans l’explosion. J’ai tout vu au ralenti, la vague de chaleur brûlante m’enveloppait. Les amis qui se tenaient à côté de moi ont été projetés dans tous les sens. Avant l’arrivée des ambulances, c’était un silence déchirant. Une voiture s’est arrêtée et nous a emmenés à l’hôpital. Un gars et une fille se sont assis à côté de moi et l’un d’eux m’a tenu la main. Ils nous ont déposés à Ichilov et ont disparu ».

« Quelques secondes plus tard, des personnes brûlées sur tout le corps ont commencé à arriver, des blessés et des morts. C’était une scène horriblement traumatisante pour une jeune fille de 17 ans. Quiconque passe par un drame pareil, même s’il est physiquement indemne, est à tout jamais traumatisé ». Lipkin rajoute que l’État n’a jamais reconnu son traumatisme.

«Aucune institution dans le pays ne savait comment m’aider en tant que victime des hostilités. J’ai eu un stress post-traumatique sévère. À l’âge de 25 ans, j’ai décidé que je devais m’aider moi-même et je suis allée étudier l’art dans une université au Canada », dit-elle. À son retour en Israël, elle a dû se battre pour que l’Institut national d’assurance lui verse l’indemnisation qui lui était était due en tant que victime d’un attentat terroriste. «Les réunions avec les experts de l’Institut national d’assurance ont été un deuxième traumatisme pour moi», conclut-elle. « Ils ont affirmé qu’il n’y avait aucun lien entre mon état et l’attaque. »

Mike Lampert, également âgé de 38 ans, a été grièvement blessé lors de l’attaque et subit toujours le traumatisme. « J’essaie d’oublier. Mais malheureusement, je revis l’attaque du Dolphinarium tous les jours », dit-il. « Chaque fois devant le miroir, je vois les cicatrices laissées sur tout mon corps. »

Comme Lipkin, Lampert a été contraint de se battre contre l’Institut national d’assurance pour obtenir une compensation. «J’ai été reconnu comme étant invalide à 35% en raison de mes blessures physiques. Malgré tous les traumatismes et les épreuves que j’ai endurés après l’attaque, l’Institut national d’assurance a affirmé qu’il était impossible de prouver un lien avec l’attentat. À ce jour, je dépense 800 NIS par mois en médicaments juste pour faire face à ma routine quotidienne.  »

Beaucoup de victimes ont fréquenté le lycée Shevah Mofet à Tel Aviv, où Avi Benvenisti était alors directeur. Il revit constamment cette terrible nuit, en particulier l’appel téléphonique de 2 heures du matin qui l’a informé que la plupart des victimes étaient des élèves de sa propre école. « C’était si difficile : je connaissais tous les étudiants » raconte Benvenisti.

Il s’est rapidement rendu compte que la plupart des victimes étant issues de familles immigrées, l’école et lui devraient les aider à faire face à l’attaque, notamment en organisant des funérailles, en rendant visite aux blessés et en leur offrant un soutien mental et financier. « Il y a eu cinq funérailles en une journée. Nous sommes allés de tombe en tombe et à chaque enterrement j’ai parlé. Mais que dire à des parents qui ont immigré en Israël dans l’espoir d’une vie meilleure pour eux-mêmes et pour leurs enfants, et dont soudain, la vie entière est brisée? »

On constate ces dernières semaines en Israël des revendications de reconnaissance de victimes tombées dans l’oubli, et il ne faut pas se leurrer : il a fallu qu’un vétéran provoque un choc national en s’immolant par le feu, pour que la voix de tous ces oublié perce enfin l’indifférence.

Line Tubiana avec ynet