La commission des Lois a adopté ce mercredi un texte visant à renforcer le suivi des détenus terroristes sortant de détention. 162 de ces détenus devraient sortir de prison dans les quatre prochaines années, indique le rapport du Sénat qui pointe les failles des dispositifs de suivi et de surveillance.
Combler les trous dans la raquette, c’est l’esprit de la proposition de loi de François-Noël Buffet (LR) adoptée ce mercredi en commission des Lois. La rapporteure du texte, Muriel Jourda, a présenté ce matin ce texte visant à renforcer le suivi des condamnés terroristes sortant de détention. Au 3 mai 2021, 469 personnes étaient détenues dans les prisons françaises pour des actes de terrorisme en lien avec la mouvance islamiste. 162 devraient sortir de détention dans les quatre prochaines années, indique le rapport de la sénatrice LR du Morbihan.
« Cette proposition de loi ne sort pas de nulle part, elle fait suite à l’évaluation de la loi SILT (loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, adoptée en octobre 2017 NDRL) par Marc-Philippe Daubresse dans son rapport établissant le bilan des deux premières années d’application. Il est ressorti qu’il manquait une mesure pour suivre les terroristes à leur sortie de prison », développe la sénatrice.
En juillet 2020, le Parlement a adopté une loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine mais s’est heurté à une décision du Conseil constitutionnel saisi par des parlementaires de gauche. Ces derniers soutenaient que cette disposition entraverait la liberté personnelle par une rigueur non nécessaire et porteraient à la liberté individuelle, à la liberté d’aller et de venir et au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne serait ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée. Les sages avaient eux aussi estimé que la mesure envisagée n’était ni adaptée ni proportionnée sans toutefois remettre en cause le principe de cette mesure de sûreté ayant pour but d’empêcher ou de prévenir la récidive.
La proposition de loi dont il est question aujourd’hui se penche plus particulièrement sur le cas des détenus condamnés entre juillet 2016 et août 2020. « On se trouve dans une situation où on pourra avoir des sorties sèches, c’est-à-dire sans suivi », expose Muriel Jourda. Depuis la loi du 21 juillet 2016 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste, ces détenus ne bénéficient plus de réductions de peine, ce qui a paradoxalement eu pour effet que ces derniers sortent souvent sans suivi judiciaire, ce qu’on appelle des sorties sèches. L’obligation du prononcé d’une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire à l’égard de ces détenus n’a été promulguée qu’en août 2020 et ne saurait être rétroactive.
« Il est essentiel d’avoir des instruments de suivi », insiste la sénatrice du Morbihan qui invoque les auditions avec des acteurs comme le parquet antiterroriste qui ont achevé de la convaincre de la nécessité d’une telle mesure. Prenant acte de la décision du Conseil constitutionnel, la proposition de loi prévoit un suivi d’une durée réduite et fixée en fonction de la peine prononcée et non de la peine encourue. Dans le respect des droits de la défense, le texte prévoit également un avis systématique du juge de l’application des peines antiterroriste.
Le gouvernement a lui aussi des projets pour le suivi et la surveillance des détenus condamnés pour terrorisme. Le 28 avril, le ministre de l’Intérieur a présenté en Conseil des ministres un projet de loi antiterroriste. Le texte prévoit que les mesures individuelles de contrôles (Micas) – ex-assignations à résidence – pourront être prolongées jusqu’à deux ans après la sortie de prison, contre un an aujourd’hui, pour les personnes condamnées à au moins cinq ans ferme pour terrorisme.
Ces mêmes sortants, s’ils présentent une dangerosité particulièrement élevée de récidive, pourront aussi faire l’objet de mesures judiciaires, parmi lesquelles fixer sa résidence en un lieu donné ou respecter une prise en charge sanitaire, jusqu’à cinq ans après avoir purgé leur peine.
Mais pour Muriel Jourda, le projet de loi du gouvernement risque de se faire retoquer par le Conseil constitutionnel en raison de la durée trop longue des mesures individuelles de contrôle.
La proposition de loi des sénateurs LR sera débattue le 25 mai au Sénat et le projet de loi du gouvernement, dont la promulgation doit aboutir avant la fin juillet, devrait rapidement arriver devant le Parlement. Les débats s’annoncent houleux mais aussi très techniques.