Les amis de mes parents à Tunis, par Laurie Boutboul

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Aujourd’hui, à travers les amis de ses parents, Laurie nous raconte la vie sociale à Tunis dans ces temps bénis…et nous confie la recette des boulettes du couscous.

Comment parler des amis de mes parents sans parler de Gabrielle et Raoul. Ma mère était institutrice de français à Tunis. L’école où elle enseignait se trouvait dans les souks, qu’elle traversait deux fois par jours.

Elle ne passait pas inaperçue lorsqu’elle se rendait à son école, belle femme toujours élégante, rouge aux lèvres. Tous les marchands la saluaient. Elle en profitait pour faire quelques emplettes sucrées chez ses marchands préférés : Chocolat à la nougatine, loukoum aux pistaches ou aux pignons….

Elle enseignait le Français à de petits enfants tunisiens dont la langue maternelle était l’Arabe. Ils parlaient un peu français. Il arrivait que je l’accompagne de temps en temps. J’avais le même âge que ses élèves.

Lorsque ma mère leur parlait de l’histoire de France, je peux vous assurer qu’ils en paraissaient très très éloignés… pour ne pas dire éberlués!

Nos ancêtres les gaulois; Charlemagne qui avait eu la mauvaise idée d’inventer l’école; les  Huns et les Wisigoths, ces barbares; Louis 14 et son magnifique château de Versailles; Louis 16 à qui on avait coupé la tête; la révolution française et ses Lumières; Napoleon qui avait perdu sa bataille à Waterloo…et j’en passe!

Ces enfants n’y comprenaient rien! Ma mère trouvait ridicule de leur enseigner cela mais il fallait respecter le programme de l’éducation nationale.

Comme tous les enfants du monde, ils n’avaient qu’une idée en tête, la récréation, leur goûter fait d’un morceau de pain et de quelques olives noires dont ils se régalaient, le foot avec un ballon de fortune et les bavardages pour les filles.

Dans cette école, ma mère avait fait la connaissance d’une très gentille dame, plus âgée qu’elle d’une dizaine d’années et très vite elles étaient devenues des amies à l’école et dans la vie, les meilleures amies du monde! Gabrielle…. Son mari, Raoul, lui aussi se lia très vite d’amitié avec mon père.

En été tous les samedi après-midi, ils venaient passer un bon moment de détente dans « la jolie maison de la plage » poussant jusqu’au soir et en hiver mes parents allaient chez eux. C’était comme un rituel, c’était leur histoire d’amitié.

Ma mère n’avait jamais réussi à l’appeler par son prénom, sauf peut-être dans les dernières années de leur vie, lorsque ma mère rendait visite à Gabrielle tous les samedis après-midi et qu’elles se retrouvaient toutes les deux sous la couette à faire une petite sieste de mamies, de deux amies.

Ma mère l’appelait Mme Bokobza et mon père appelait son mari:« Lèmine ». Lèmine c’était je crois une façon de  dire « mon ami »mais aussi « je te respecte », en yiddish on dirait « Mensh ». Il y a comme cela dans chaque langue, surtout le judéo arabe, des expressions, des mots intraduisibles mais qui veulent dire beaucoup.

Ces soirées chez mes parents commençaient par un apéritif sans alcool pour garder les idées bien claires. Mes parents sortaient tous les restes de Shabbat : boulettes froides de folie, encore meilleures que vendredi, toutes les salades souvent deux par deux dans un même ravier où l’une prenait le goût de l’autre, la mzora et la makbouba, la douceur des carottes légèrement vinaigrées relevée par le piquant de la Makbouba, un goût irréel mais magnifique, la méchouia piquante que venait sublimer un reste de « tonara ». Une farandole de goûts et de couleurs mêlés.

Ces soirées se terminaient par des parties de cartes enflammées, et c’est peu dire. Il y avait la table ronde de rami pour les femmes , une table calme et « pondérée » comme disait ma mère et à côté, la table de belote pour les hommes avec ses cris et ses querelles., pour la forme, comme s’il était obligatoire de crier et de se fâcher, pour la forme, mais tout aussitôt réconciliés!

Les hommes avait la table carrée, en bois plein, au plateau épais, avec des pieds carrés et larges, assez solides pour supporter les coups de massue des joueurs.

Il y avait un ami de mon père qu’on appelait « Pouppa », parce que c’était son cri de victoire. Je n’ai jamais connu son prénom. Les enfants s’amusaient de ce cri de ralliement, et pour rien, pendant la partie de cartes, ils criaient en courant : Pouppa! Pouppa! jusqu’au bout de la nuit, parfois même en rêvant.

Roger, le gendre de Lèmine qui malgré la différence d’âge avec son beau-père était son alter ego : ils s’entendaient merveilleusement autour de cette table! Toujours associés!

Maryse, leur femme et fille s’invitait aussi de temps en temps pour une partie de rami. Toujours très élégante. Même pour jouer aux cartes!. Souvent accompagnée de ses 3 magnifiques petites poupées.

Un autre ami M.Taieb, fabriquait ou vendait des parfums. Je me souviens qu’il traînait dans son sillage un mélange d’odeurs de Cologne, de citron et de bergamote. Une odeur de fraîcheur.

Le Docteur Berrebi, médecin connu et reconnu qui avait soigné tous les goulettois riches et pauvres jusqu’à un âge avancé, et que tout le monde respectait, lui donnant du Docteur par ci, Docteur par là. Mais lui, restait très humble, discret et toujours dévoué.

André Berrebi dit Dédé, qui avait une usine de chemises et qui forcément était toujours habillé de près, très élégant, hiver comme été, venait souvent avec sa femme Annie, elle aussi amie de ma mère, très belle femme, rousse, avenante et distinguée. Ils étaient nos voisins d’été.

Ces parties de cartes étaient l’occasion de finir la semaine en beauté, de passer un petit moment de détente entre amis, sans invitation, « sans manière » notre porte étant toujours ouverte. Après les parties de cartes ils finissaient la soirée dans le calme, enfin, côté Jardin, jusqu’à une heure tardive de la nuit, sur les banquettes en bois blancs confortablement assis sur ces épais coussins fleuris, un bouquet de jasmin à l’oreille pour mon père, des colliers de « fel » autour du cou pour les dames, tous bercés par un petit vent de fraîcheur, un verre de thé aux pignons à la main. Pour toi Audrey….

Recette des boulettes de Shabbat, à manger chaudes ou froides…

1 kg de viande hachée.
3 œufs pour la farce et 5 œufs pour la friture.
5 oignons hachés (pas trop fin).
3 gousses d’ail haché.
1 baguette .
1 et 1/2 bouquet de persil.
1/2 bouquet de coriandre.
1/3 bouquet d’aneth.
Quelques feuilles de céleri.
1CàS d’harissa.
Paprika, poivre, sel.
300g de farine pour la friture.
Prévoir un litre d’huile pour la friture.
Selon votre goût vous pouvez rajouter les épices que vous aimez(boutons de roses, cannelle…).

Hachez les oignons et bien les essorer.
Tremper la baguette coupée dans l’eau froide et la presser et l’émietter.
Laver soigneusement toutes les herbes et les couper menues.
Mélanger soigneusement la viande, les oignons, la baguette, les herbes , les épices, les 3 œufs.
Déposer devant vous un grand plateau avec de la farine étalée dessus.
Formez les boulettes et les rouler dans la farine.
Battre cinq œufs pour la friture et y ajouter un petit filet d’eau.
Préparez une grande poêle à frire, ajouter 1/2 litre d’huile au moins et chauffer.
Passer les boulettes déjà farinées dans l’œuf et mettre à frire dans l’huile bien chaude.
Les boulettes doivent être bien « bronzées ».
Réserver.

Préparer une sauce avec tomates fraîches coupées menues, ail, céleri.
Laisser cuire 15 mn à feu doux, rajouter les boulettes, un bon verre d’eau et prolonger la cuisson à feu doux pendant une 1/2 heure au moins a couvert.
Rajouter de l’eau dans la sauce au besoin. Elles seront plus onctueuses.

Délicieuses pour accompagner votre couscous de Shabbat, ou en sandwich lorsqu’elles sortent du feu ou froides ou en apéro ou……