Ancien présentateur télé, ce centriste au parcours aussi riche qu’éclectique a été désigné pour tenter de former un nouveau gouvernement et ainsi sortir le pays de l’impasse politique dans laquelle il est plongé depuis deux mois.
Des plateaux de talk-show aux arcanes du pouvoir, il n’y aurait qu’un pas. C’est bien celui qu’a emprunté ces dernières années Yaïr Lapid, ancien journaliste et présentateur vedette devenu acteur incontournable de la scène politique israélienne. À 57 ans, ce centriste, fondateur du parti Yesh Atid (« Il y a un futur »), pourrait entériner la fin de l’ère Netanyahou. Car malgré sa première place aux élections législatives du 23 mars, l’inamovible Premier ministre, au pouvoir depuis 12 ans, n’a finalement pas réussi à former un gouvernement dans le délai imparti. La mission revient désormais à Yaïr Lapid, comme l’a annoncé mercredi le président israélien Reuven Rivlin lors d’une allocution depuis sa résidence à Jérusalem.
Une mission qui s’annonce délicate. Arrivé en deuxième place avec 17 députés aux législatives, le nationaliste aux « airs de George Clooney », comme se plaît à le décrire la presse internationale, aura moins d’un mois pour tenter de convaincre 61 députés de rejoindre sa coalition, sur les 120 que compte la Knesset, le Parlement israélien. Pour l’heure, 56 élus lui tendraient la main, note le Jerusalem Post.
« Yaïr Lapid a toujours appelé à une coalition centriste, très sioniste et patriote, allant du parti travailliste à la droite religieuse, en passant par l’ultranationaliste Avigdor Lieberman et quelques partis arabes. Il lui faudra alors trouver l’équation magique pour mettre tout le monde d’accord », souligne auprès du Parisien, Frédéric Encel, géopolitologue, maître de conférences à Sciences-po Paris. Seule certitude, les ultraorthodoxes ne devraient pas rentrer dans la donne. « Le parti de Lapid a été créé pour lutter contre la montée en puissance des revendications des ultra-religieux. Cette séparation de la synagogue et de l’Etat n’est pas quelque chose de négociable, sinon Lapid ne serait plus Lapid », remarque le spécialiste du Moyen-Orient.
Un discours libéral qui séduit les classes moyennes
Difficile de résumer le personnage à une seule étiquette. Fruit de l’intelligentsia israélienne, ce natif de Tel-Aviv baigne dans les lettres depuis l’enfance, entouré par une mère dramaturge et fille d’un des fondateurs de Maariv, grand quotidien où le jeune Yaïr fera ses débuts en tant que journaliste. Ambitieux, l’autodidacte suit les traces de son père, Tommy Lapid, écrivain et journaliste survivant de l’Holocauste, qui sera nommé ministre de la Justice sous Ariel Sharon en 2003. Un héritage politique et culturel qui a fait de Yaïr Lapid une « figure populaire » dans son pays, note Frédéric Encel, ajoutant que la défense du laïcisme « était déjà un combat défendu par son père ».
Après des années passées à arpenter les studios télé (et à écrire quelques romans), le présentateur tourne la page du journalisme. Ce père de trois enfants se lance en 2012 dans l’arène politique, en fondant son parti de centre droit « Yesh Atid ». Ses discours étrillant la corruption de la classe politique comme son positionnement libéral et patriote séduisent les classes moyennes. Une popularité qui se concrétise en 2013, année lors de laquelle sa jeune formation réalise une entrée fracassante au Parlement en décrochant à la surprise générale 19 sièges. Désormais à la tête de la deuxième force politique du pays, ce boxeur amateur accepte de rejoindre la coalition dirigée par Benyamin Netanyahou, en tant que ministre des Finances.
Une image soignée sur la scène internationale
Mais l’affaire tournera court. Les désaccords se multipliant, le Premier ministre finit par limoger ce centriste un peu trop encombrant l’année suivante. De là, s’est instaurée une rivalité de pouvoir qui ne s’est jamais démentie entre les deux hommes. Si Netanyahou a vu son image se dégrader ces dernières années après une série d’inculpations pour corruption et abus de confiance, son adversaire, lui, poursuit son ascension, se faisant chantre de l’anti-corruption. Non sans humilité, souligne la presse locale. « Il s’abstient de toute auto-glorification […] et est le plus non-candidat de tous les candidats au poste de Premier ministre », note le quotidien israélien Yediot Aharonot, ajoutant que les électeurs « apprécient » la modestie de Yaïr Lapid.
Ainsi, quand des milliers d’Israéliens manifestaient l’an dernier contre le Premier ministre devant sa résidence officielle à Jérusalem, le député préférait faire profil bas. « Cette réserve et cette humilité de caractère sont des atouts. Ils tranchent avec le culte de la personnalité qui a été mis en place autour de Netanyahou ces dernières années et qui a lassé un certain nombre d’Israéliens », commente Frédéric Encel.
En parallèle, Lapid qui défend toujours une solution à deux Etats concernant le conflit israélo-palestinien, soigne son image sur la scène internationale. Peu avant les législatives de 2019, il avait ainsi rencontré Emmanuel Macron, incarnation selon lui du « centre moderne et progressiste » dont il se revendique. Déjà en 2017, le député de la Knesset avait appelé les Israéliens binationaux à voter pour « son ami », alors que celui-ci était opposé à Marine Le Pen lors du second tour de la présidentielle.
Malgré sa stature convaincante et son indéniable popularité, le centriste ne peut promettre de sortir le pays de l’impasse politique dans laquelle il est plongé depuis les dernières législatives. L’espoir est toutefois permis : des rencontres avec les chefs des différentes formations se tiendront ces prochains jours. Au menu des discussions, une répartition des ministères et des postes clés, tout en évitant les sujets sensibles qui divisent la gauche et la droite.
En attendant, le pays retient son souffle. Car si le chef de l’opposition ne parvient pas à son tour à former un gouvernement, l’Etat hébreu pourrait se diriger vers de nouvelles élections législatives. Les cinquièmes en un peu plus de deux ans.
Oui, mais ce n’est pas gagner !
Ça a le mérite de la clarté, on sait désormais vers ce site incline en faisant l’impasse sur le caractère magouilleur du personnage Lapid …