Jeune, nationaliste et prêt à tout, l’ancien bras droit de Benyamin Netanyahou se trouve en position idéale pour lui succéder au poste de Premier ministre.
L’élève aurait-il dépassé le maître ? A force d’habiles manœuvres, Naftali Bennett pourrait devenir le prochain Premier ministre israélien. Malgré un score médiocre aux dernières élections (sept députés seulement), Benyamin Netanyahou, son ancien mentor, vient en effet de lui proposer le fauteuil de chef de gouvernement durant l’année à venir. Puis l’actuel Premier ministre reprendrait la main.
Qu’il accepte ou non, c’est déjà un beau succès pour cet homme de 49 ans qui, il y a deux ans, a frôlé la mort politique. Le 10 avril 2019, voilà tout juste un an, Naftali Bennett reçoit ses plus proches collaborateurs dans sa villa de Ra’anana, banlieue cossue de Tel-Aviv. Le chef de la Nouvelle Droite vient de subir le pire revers électoral de sa carrière : il n’a pas dépassé le seuil d’éligibilité et doit abandonner son siège de député. Pour un homme qui vise ouvertement le fauteuil de Premier ministre, le coup est rude. « C’est un désaveu cinglant, mais je ne l’ai pas vu s’effondrer, témoigne Yom-Tov Kalfon, jeune avocat colistier de Bennett aux dernières législatives. Il a analysé les raisons de la déroute sans épargner son ego et nous a encouragés à continuer le combat. Six mois plus tard, il était nommé ministre de la Défense. »
Cette capacité à rebondir et ce mépris pour l’échec évoquent l’ADN de son ancien mentor, Benyamin Netanyahou, actuel Premier ministre en difficulté. La liste des points communs ne s’arrête pas là. Tous deux ont servi, à vingt ans d’intervalle, dans la légendaire Sayeret Matkal, unité d’élite de Tsahal, l’armée de défense israélienne. Ils prônent un nationalisme offensif et partagent la même hostilité envers la puissante Cour suprême israélienne. Enfin, ils revendiquent la même connaissance du monde des affaires et des Etats-Unis. « Ils se parlent en anglais, poursuit Yom-Tov Kalfon. Netanyahou a vu très tôt en Bennett un homme à sa hauteur, l’un des rares capables de le remplacer. C’est sans doute pour cela qu’il s’en méfie autant. »
La seule solution pour fédérer un front « tout sauf Bibi »
L’itinéraire de Bennett débute sur les autoroutes dorées de la start-up nation. Au mitan de la trentaine, il revend pour 120 millions d’euros sa société de sécurité informatique. A l’abri du besoin, il propose ses services à Netanyahou, à titre gracieux. En pleine traversée du désert, celui-ci ouvre les portes de son cabinet à cet ancien chef scout débordant d’énergie. Leur collaboration s’avère fructueuse, Netanyahou revient rapidement aux affaires, mais leur relation se dégrade. Sarah, l’influente épouse du Premier ministre, n’aime guère ce jeune homme pressé et obtient son renvoi.
Comprenant que Netanyahou étouffera toute ambition concurrente, Bennett cherche son avenir politique en dehors du Likoud. En 2012, il lance une OPA sur le moribond Foyer juif (ex-Parti national religieux), le parti des colons. Sa minuscule kippa et son addiction aux réseaux sociaux détonnent dans cette formation contrôlée par des rabbins habitués à défendre leurs opinions à coups de citations bibliques. Mais Bennett accumule les performances électorales et devient un pilier incontournable des coalitions formées par Netanyahou.
Un nationaliste offensif et très à droite
Ministre de l’Education nationale de 2015 à 2019, il renforce l’enseignement de la Bible et de l’histoire du sionisme. « Sans la Judée-Samarie, Israël n’existerait ni physiquement ni moralement », soutient Bennett, qui préconise l’annexion partielle des territoires occupés. En 2020, ministre de la Défense, il prône la ligne dure contre l’Iran et les islamistes du Hamas. La gauche et les médias s’offusquent, mais la sociologie électorale joue pour lui : les Israéliens n’ont jamais autant penché à droite. D’élections en élections, Bennett échoue pourtant à briser le plafond de verre et se heurte à la puissance de Netanyahou… jusqu’à aujourd’hui.