Aujourd’hui je partage avec Laurie Boutboul des souvenirs sur un autre lieu béni du ciel, la Marsa, ses maisons sur la plage, ses glaces, son charme à jamais perdu…
J’ai déjà parlé de Tunis, de La Goulette, aujourd’hui je parlerai de La Marsa. Ce nom de La Marsa évoquera pour toujours la maison de ma Tante Rosalie, sœur de ma mère Tounette et de mon oncle Ernest, son mari.
C’était une jolie maison construite au début des années 1900. Au début, elle appartenait au père de mon oncle Ernest. Au décès du père, elle fut séparée en deux et donnée en héritage à deux frères Ernest et Gaston. Juste un petit muret, à hauteur d’homme, ou plutôt de femme, permettait aux familles des 2 frères d’être un peu les uns chez les autres…
« Vas-y, prête-moi du sel; est ce que tu n’aurais pas un citron pour me dépanner; elles sentent trop bon tes boulettes, Rosetta, tu m’en donnes une »…et ainsi de suite. C’était l’ambiance familiale des 2 vérandas attenantes l’une à l’autre!
Comme notre «jolie maison de la plage» avait son côté jardin et son côté cour, eh bien la maison de La Marsa avait son côté maison et son côté cave!
On accédait à la maison de ma tante par des escaliers. On arrivait dans une véranda pas très grande mais si chaleureuse! Dans la maison 2 chambres à coucher et une salle à manger.
Nous enfants, n’étions pas trop intéressés par l’intérieur de la maison. L’essentiel se passait (comme pour toutes les maisons de plage) sur la véranda, peinte à la chaux blanche comme il se doit, et avec une très jolie balustrade aux «pieds» arrondis qui me faisaient penser à des mollets de femmes. Elle permettait de voir qui arrivait depuis la rue.
Des fauteuils dodus, peu assortis mais cosy, qui appelaient à la lecture pour ma Tante, aux bavardages jusque tard dans la soirée pour les autres. Les femmes étaient emmitouflées dans de jolis châles jetés sur les épaules. C’est qu’il faisait souvent frais les soirs d’été à La Marsa…
Les hommes plus téméraires, bavardaient en criant un peu. Mon père Robert jurant haut et fort pour qu’on le croie. « Ou rahmet baba laziz », qu’on pourrait traduire par « sur l’âme de mon père chéri », était sa formule préférée! Et mon oncle Ernest, médecin, toujours impassible, un peu absent mais toujours bienveillant, sa formule était «Ça va aller! ça va aller !» même si le malade était à l’agonie!
Ma tante Rosalie était une excellente cuisinière et forcément les ventres affamés, ou pas, s’invitaient à sa table. Mais mon oncle Ernest restait très sobre: il se régalait le soir d’un café au lait ou d’un petit bouillon de poulet. Exceptionnellement il demandait à ma tante 2 œufs au plat….
On s’amusait de son manque d’appétit pour les bons petits plats que faisaient ma tante! Plus d’un, se serait damné, pour manger ses extraordinaires plats et gâteaux (makrouds et boulous au goût divin!) qui régalaient les invités de passage, finalement!
Pour clore les festivités, pour digérer (sic!), ma Tante envoyait souvent chercher une «bombe» de glace chez Salem. Les glaces chez Salem, tout le monde connaît à La Marsa,.à Tunis, et peut être même dans le monde entier. Exceptionnelles! Tout était Bio! Du lait, de la crème fraîche, des œufs, du sucre, des fruits : chaque glace avait son propre goût prononcé et pur! Il y avait d’ailleurs tout le temps la queue devant ce glacier.
Lorsque l’on allait à La Marsa, il arrivait que ma mère Tounette ne dîne pas à la maison, se réservant pour le fameux sandwich de Salem : bouscoutou (pain de Gênes tunisien) farci à la glace à la fraise! Elle se régalait!
Côté Cave, c’était une autre vie. Mes cousins Sabine et Didier étaient les maîtres des lieux! C’était leur paradis avec le passage incessant de cousins, cousines, amis, cousins des cousins, amis des amis…
Ce n’était pas juste un passage, c’était souvent une installation pour l’été. Je me souviens qu’il y avait des tas de lits, de matelas, de valises, de sandales, de maillots, de foutas : une cour des miracles où toute cette petite colonie s’organisait pour s’éclater! Pour passer des vacances de rêve!
Ma tante feignait d’ignorer que la cave était devenue un hôtel et mon oncle, un peu débordé par tout ce monde, préférait passer ses journées dans son cabinet médical à Tunis, abandonnant la maison entre les mains des locataires. C’était un peu Woodstok à La Marsa!
Enfin n’oublions pas l’extraordinaire Zohra, qui dirigea jusqu’à la fin, le ménage de la maison, toute seule, refusant la moindre aide extérieure, se fâchant très fort lorsque ma tante lui proposait qu’une autre dame vienne l’aider! Elle adorait les Sarfati et les Sarfati l’adoraient.
Depuis, dans notre jargon familial pour dire «porte ouverte» on dit «La Marsa !».
Recette du Boulou de « Rosetta ».
Pour 3 Boulous.
500 g de farine.
150 g de sucre.
3 œufs.
1 sachet 1/2 de levure chimique.
2 sachets de sucre vanillé.
Zeste d’orange.
Le jus d’une orange.
Quelques Cuillères à soupe de fleur d’oranger.
Raisins secs ,amandes concassées, noisettes concassées.
1 verre à café «Duralex» d’huile d’arachide.
Mélanger farine, levure, sucre, sucre vanillé, huile, œufs, jus d’orange, zeste, fruits secs.
Pétrir à la main ou au robot.
Faire des boudins, étaler, et farcir de chocolat noir, façonner les boulous, les rouler dans du sésame ou des amandes concassées en appuyant un peu.
Enfourner à four chaud à 180 degrés jusqu’à ce qu’ils soient dorés.
Je vous préviens, ils seront bons mais il y manquera toujours le doigté de Rosetta ! Souhaitons-lui une longue vie en bonne santé.