Aujourd’hui, Laurie Boutboul, évoque pour nous les échoppes de vente et le monde besogneux qui gravitait autour : princesses bédouines et émerveillement…..
Mes amies, je devais avoir 6 ou 7 ans. Nous habitions autour des années 60, dans un joli petit immeuble aux balcons profonds et arrondis, construit juste après-guerre. Aujourd’hui je dirais qu’il était de style Vintage….
De ces balcons nous avions une vue plongeante sur le magasin de mon père. J’aimais bien me pencher pour voir les va-et-vient des ouvriers qui y déchargeaient des sacs de farine, de semoule ,de piments secs ….et aussi de petits sacs d’épices, seulement en grains…
Je surveillais aussi de près l’arrivée de quelques femmes qui travaillaient là…et je descendais aussitôt, et y restais des heures….
Mon père avait aménagé une grande chambre de forme carrée, séparée du reste et qu’ouvrait une grande et lourde porte. Derrière cette porte magique que je poussais, de magnifiques femmes à la peau hâlée, en habits de bédouines formaient une ronde bruyante. Elles passaient la majeure partie de leur journée, là, assises en tailleur, un petit tamis sur leurs genoux.
Elles portaient fièrement des tatouages sur le front, de jolis dessins géométriques, gris vert…. J’allais de l’une à l’autre, pour essayer de comprendre le mystère de ces symboles….sans avoir jamais réussi à déchiffrer ces hiéroglyphes !!!! Elles étaient indulgentes et s’amusaient de mes questions!
Elles s’exprimaient, je crois, dans une langue un peu différente des autochtones. Je me souviens que les sons « ou » et « rou» revenaient souvent, dans chaque mot, dans chaque phrase, donnant à leur langage comme un je ne sais quoi de musicalité, comme un chant d’oiseau épris d’amour et de liberté, un chant charrié par le vent du désert…
Leurs yeux soulignés de khôl en disaient long sur les voyages à dos de chameaux que leurs ancêtres avaient dû faire au gré de leurs pérégrinations avant de se sédentariser, ici, en Tunisie.
Je les imaginais princesses berbères…. J’aimais les retrouver dans cette chambre qui sentait bon le mélange des épices qui ont le pouvoir magique de relever subtilement les plats les plus simples …. Elles étaient devenues mes amies.
Leurs dents blanches étincelantes, contrastaient avec la couleur ambrée de leur visage. Et il arrivait qu’un de ces sourires soit habillé d’or ou d’argent… Elles me semblaient grandes et robustes….peut être était-ce à cause de ma petite taille?
Leur tenue aux couleurs brunes laissait parfois apparaître dans les plis de leur tissu, une opulente poitrine contre laquelle un bébé se lovait…. Magnifique tableau d’une maman qui travaillait sans jamais se séparer de son bébé assoupi….
Au centre de cette chambre un grand drap blanc et dessus, une immense pyramide de graines d’épices. Les bras chargées de bracelets d’or finement ciselés, ces bédouines étaient chargées de trier d’une main agile, du bout de leurs longs doigts graciles, des petites pierres mélangées aux épices.
Elles déposaient les épices triées à côté d’elles, faisant chacune sa petite pyramide…laissant de côté les petits cailloux qui finissaient en petit monticule à la fin de la journée. Pour la petite histoire, ces pierres étaient, de ce que j’en savais, rajoutées de façon malveillante pour alourdir les sacs d’épices que mon père achetait au poids et en gros. Pas question pour mon père de vendre des épices mélangées à des pierres, donc de mauvaise qualité! Question de réputation!
Je ne connais toujours pas le nom du métier de ces femmes !!!! J’entends encore le doux cliquetis des bracelets qui s’entre choquaient tout au long de leur journée de travail et qui éveille en moi le souvenir lointain de mes amies bédouines ….
Aujourd’hui, sans aucun doute, mes amies, sont-elles remplacées par d’énormes machines qui filtrent, pèsent et empaquettent ces graines, elles qui me faisaient voyager sur la route des Indes, en Égypte, et sous la tente des bédouins dans le désert….
Recette de Laurie
Ojja à ma façon. Vite fait bien fait! Subtilement relevée aux épices ….
Pour 6 personnes :
12 tomates bien rouges et mûres .
4 dents d’ail.
6 cs d’huile d’olive.
Sel.
1 cc de carvi (karouia)
1 cc de coriandre en poudre(tèbèl)
Dans une poêle, déposer l’huile, les tomates coupées en gros dès, l’ail écrasé.
Mettre à feu doux et laisser mijoter pendant 10 mn à couvert.
Lorsque les tomates auront fondu, rajouter le sel et les épices.
Mélanger.
Déposer quelques œufs crus, les touiller légèrement et laisser cuire quelques minutes…
Accompagnez ce plat d’un bon pain italien…saucez à volonté ….c’est recommandé !