Fabien Azoulay, le désespoir d’un juif Français emprisonné en Turquie

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Condamné à 16 ans de prison en 2017, ce juif Français de 43 ans vit un cauchemar dans une geôle de l’Est de la Turquie. Ses proches et son avocate craignent pour sa vie, et font tout pour le ramener en France.

Depuis plus de trois ans et demi, il croupit dans une prison turque et ses proches, désormais, ont peur qu’il fasse « une bêtise ». Fabien Azoulay est incarcéré en Turquie depuis l’automne 2017, et son histoire fait forcément penser au film « Midnight Express ».

Ce Français de 43 ans, d’origine parisienne, a fait sa vie depuis de nombreuses années à New York, où il a tenu différents spas et travaillé dans le secteur des cosmétiques. Il a même acquis la nationalité américaine. Sa vie a basculé le 16 septembre 2017 à Istanbul. Fabien Azoulay s’était rendu dans la mégapole turque pour réaliser des implants capillaires. Il était venu depuis Tel-Aviv en Israël, la ville de résidence de son père, où un médecin l’a aiguillé vers une clinique stambouliote.

Une peine « incompréhensible »

Au cours de son séjour, qui devait durer quelques jours, le Français a commandé un produit, sur un site internet lituanien, baptisé GBL. Il s’agit d’un produit chimique utilisé, dans la communauté gay, comme excitant sexuel. Ce que Fabien Azoulay ignorait, à ce moment-là, c’est que la Turquie en avait fait une substance interdite quelques mois auparavant. Interpellé à son hôtel, le quadragénaire a été jugé devant une cour d’assises, et condamné en février 2018 à 20 ans de prison, ramenés à 16 ans et 8 mois avec les remises de peine. Une sanction « incompréhensible » pour son frère Xavier. « Personne ne la comprend », dit-il.

« L’audience a duré dix minutes« , assure son avocate à Paris, Me Carole-Olivia Montenot, expliquant que son client est tombé dans une « situation folle » avec un juge interpellé la veille du procès. « La Turquie a toujours eu besoin d’afficher une répression dure envers les étrangers », ajoute-t-elle. Après le rejet de son appel, la condamnation est devenue définitive en janvier 2019.

L’enfer de la prison turque

Homosexuel et Juif, Fabien Azoulay a très vite vécu un calvaire en prison, rapportent ses proches. « Tortures, blessures, tentatives d’intimidations, insultes antisémites… », liste Sophie Wiesenfeld, qui dirige le comité de soutien. Dans l’établissement pénitentiaire d’Istanbul où il débute sa détention, un codétenu l’a brûlé au deuxième degré avec de l’eau bouillante, en novembre 2019. Depuis, il a été transféré dans une autre prison à Giresun, à 800 km d’Istanbul.

Là-bas, « il est à l’isolement total« , s’inquiète Me Montenot. Dans les courriers qu’il peut envoyer, il décrit des conditions de détention effrayantes, en compagnie de détenus radicalisés qui l’obligent à faire la prière sous la menace de coups. « J’ai encore l’impression d’être dans un film cauchemar qui ne s’arrête pas », écrit-il notamment. « Un type s’est fait trancher la gorge par un groupe de quatre syriens. Je dormais quand c’est arrivé mais les cris des détenus m’ont réveillée la vue du sang partout était effrayante pire que dans un film d’horreur. »

« Il se met à l’écart, il essaie de se faire petit », explique Xavier Azoulay, qui s’inquiète ouvertement de la « santé mentale » de son frère à qui il ne peut plus rendre visite -tant en raison du Covid que de la distance- et qui l’appelle chaque jeudi: « Il m’a dit qu’il ne veut pas faire une quatrième année là-bas… Il n’en peut plus. Il a des idées noires. » « Il sent que sa vie lui échappe »

« Ses jours son comptés »

Si ces proches choisissent aujourd’hui de médiatiser cette situation, c’est parce qu’ils estiment que les autorités françaises n’en font pas assez pour obtenir le transfèrement de Fabien Azoulay vers une prison en France, qui est la priorité pour eux.

« On a joué le jeu de la diplomatie, tempête Me Montenot. Mais on est même pas au début d’une discussion avec la Turquie, et les services consulaires sont allés le voir trois fois en quatre ans… La dernière fois qu’on est allés les voir, ils ne se souvenaient même pas de son prénom… » Pour la présidente du comité de soutien, le temps presse pour Fabien Azoulay: « La crainte est aujourd’hui qu’il se laisse mourir, alerte Sophie Wiesenfeld. Ses jours son comptés. »

« Il faut un geste humanitaire »

« Mon client a été, en détention, victime de nombreux sévices, raconte maître François Zimeray, avocat au barreaux de Paris et de Genève. Un de ses codétenus a même été condamné pour torture à son égard. Il a été violé, battu, brûlé. Il est l’objet de vexations du fait de son orientation sexuelle, notamment de la part de détenus radicalisés. Il subit des scènes de conversion forcée à l’islam car il est de confession juive. Il en a perdu le sommeil ». 

François Zimeray, ex-membre du Parlement Européen et ancien ambassadeur de France chargé des droits de l’Homme ajoute : « Je sais combien les relations diplomatiques sont tendues entre Paris et Ankara mais nous connaissons aussi la volonté d’apaisement de part et d’autre. Le transfèrement en France de Fabien Azoulay serait un geste humanitaire qui participerait de cet apaisement. Il faut un geste humanitaire ».

Sollicité, l’Élysée refuse de commenter

Le torchon brûle entre le président français et son homologue ces derniers mois. Récemment, Recep Tayyip Erdogan est même allé jusqu’à interroger « la santé mentale » d’Emmanuel Macron. Et le dossier de Fabien Azoulay est d’autant plus délicat que les demandes de transfèrement de détenus avec des pays comme la Turquie se résolvent souvent en travaillant sur des demandes croisées de rapatriement de prisonniers.

Inquiets et agacés de voir leurs demandes via les voies classiques au point mort, les proches et avocats de Fabien Azoulay ont demandé jeudi 8 avril à Emmanuel Macron de s’impliquer personnellement« Pas de commentaire », répond-on à l’Élysée. De son côté, le Quai d’Orsay fait savoir que ses services sont « pleinement mobilisés sur le sort de ce Français » et s’enquièrent régulièrement « de sa situation et de sa demande de transfèrement ». Ils soulignent aussi sans en préciser la fréquence que « notre compatriote fait l’objet de visites consulaires » en détention. En bref, Fabien Azoulay est abandonné par la France!

Sources estrepublicain et francetvinfo