Sad news tombée hier soir : Patrick Juvet s’est éteint, à seulement 70 ans. Né en Suisse, décédé en Espagne, star en France et aux USA, je ne l’avais jamais rencontré et pourtant il faisait partie intégrante de ma vie depuis l’adolescence. Entre disco hero et David Bowie à la Française, l’ex-chanteur à minettes aura su trouver sa Rédemption et faire vibrer, à sa manière, les membranes de mes HP. Si l’on ignore encore à cette heure la cause de sa mort, c’est avec une immense tristesse que je salue son départ.
C’est vrai qu’au début j’avais peu de tendresse à son égard. Avec son « Rappelle-toi minette », il ressemblait un peu trop à une version helvète de Claude François pour trouver grâce à mes yeux… alors, à mes oreilles ! D’ailleurs n’avait il pas composé pour le petit pois sauteur à paillettes son « Le lundi au soleil » ? Cependant un peu plus tard, lorsqu’il assume pleinement son coming-out androgyne, maquillé comme le David Bowie de« Space Oddity», j’avoue que le blondinet a su capture mon attention. Mais c’est surtout en 1974, l’année de mes 18 ans, lorsqu’il publie son bien nommé « Chrysalide » qu’il parvient à me bluffer. Pour la première fois de ma vie, je vois un chanteur sur son propre album laisser sa place, dans la lumière à un jeune inconnu, lui abandonnant le micro pour qu’il vocalise sur son disque . L’inconnu était Daniel Balavoine et avec son « Couleurs d’automne » il s’apprêtait à entamer son irrésistible ascension. Balavoine signe quatre titres de ce « Chrysalide », qui porte admirablement bien son nom. Et en moins de quatre ans, après avoir rencontré Florence Aboulker et un très jeune Jean Michel Jarre, Patrick Juvet va balancer une impressionnante bordée de hits.
Tout d’abord, sa cinglante adaptation de l’irrésistible « Only Women Bleed » d’Alice Cooper, qui devient « J’ai peur de la nuit ». Suivront deux slows braguette imparables, sur lequel il était si bon d’emballer durant les fameux « quarts d’heures américains », le sexy « Il est trop tard pour faire l’amour » et surtout ce qui constitue la plus belle de ses chansons « Faut pas rêver ». Il faut aussi citer son cool funky léger « Toujours du cinéma ».
Et, tandis que Bowie publie son LP « Young Americans », fustigeant alors avec dédain notre Thin White Duke, les Torqueimadas du rock le taxent de « Barry Whitesque », et Juvet, à son tour, entame son virage disco avec son hymne féministe « Où sont les femmes », un hit qui lui donne envie de remonter aux sources de cette musique. Juvet s’installe à New York et le reste appartient à l’histoire de la musique : par coïncidence dans son immeuble de Manhattan il a pour voisins des deux disco wizards camembert et producers jackpot des Village People, Henri Belolo et Jacques Morali. Ils vont non seulement signer Juvet mais lui offrir son seul mega-hit international, distribué par le fameux label Casablanca de Neil Bogart épicentre de la disco culture, « I Love America ». Hélas, comme la langue d’Ésope, le succès se révèlent à la fois la meilleure et la pire des choses. Dur de ne plus être au sommet, lorsqu’on y a gouté, à l’instar de tant de rock stars, Patrick Juvet sombre dans tous excès : alcool, drogues et chirurgie esthétique , sans jamais retrouver la flamme de ses débuts.
Dès les 80’s, il est emporté par la vague du reflux de la disco, tout comme les Bee Gees à la même époque. La révolution punk est passée et elle se montre bien cruelle avec les anciennes gloires. Comme le flamboyant label Casablanca, qui a pourtant occupé tout un bloc sur Sunset Boulevard, Juvet disparait du radar, pour émerger et se joindre aux tournées kolkhozes Age tendre et Tête de bois, dans les années 2000. C’est là qu’il décide de déménager et de vivre dans la douceur de Barcelone. Et c’est justement cette ville d’adoption que son corps sans vie a été retrouvé hier. On attend l’autopsie de la police catalane pour connaitre la cause de son décès. « L’éternité comme dans les livres, faut pas rêver/ On n’amarre pas un bateau ivre, faut pas rêver… »… et tant pis si quelques ayatollahs du rock à BEST tirent la barbe… so long, Patrick Juvet et la bise à Daniel Balavoine dès vos retrouvailles !
Gérard Bar-David