Les enfants de rescapés des camps de concentration et d’extermination témoignent. La tragédie de la Shoah a imprégné leur enfance. Leurs parents sont en train de s’éteindre, c’est eux qui, sans jamais revendiquer le statut de victime, deviennent à leur tour des passeurs de mémoire. Par Danièle Laufer.
Survivants de la barbarie nazie, nos parents, ont attendu longtemps avant de témoigner de ce qu’ils ont vécu. Par pudeur vis-à-vis des six millions de victimes assassinées juste parce qu’elles étaient juives, pour protéger leurs enfants nés après, pour tenter d’oublier, pour revivre, tout simplement. Plus de soixante-dix ans après la libération des camps, force est de constater que les traces de la déportation sont toujours présentes chez les femmes et les hommes qui sont nés après la guerre et ont été élevés par ces parents revenus des camps. Le voudrions-nous que nous ne pourrions pas échapper à ce qu’ils nous ont transmis malgré eux, parfois sans le savoir et le vouloir, parce que cela a infusé notre enfance et notre vie. Comme des résidus radioactifs, pour reprendre l’expression de la psychanalyste Yolanda Gampel, les camps continuent à nous hanter quand bien même nous ne les avons pas vécus directement.
Car si l’entreprise nazie de destruction massive des juifs avait réussi, nous ne serions pas là. Nos parents sont revenus des camps de concentration et des camps d’extermination sans jamais revendiquer le statut de victime. Ils voulaient vivre et tenter d’oublier. Nous voulons leur rendre hommage sans tenir un discours victimaire. Nous voulons être des passeurs de mémoire, en complément des historiens. Parler de nos parents, raconter comment ils ont vécu après, peut aussi être un moyen de lutter contre les dangers du négationnisme et de l’antisémitisme renaissant. Dans un monde où il n’y aura bientôt plus de survivants de la Shoah, qui d’autre que nous pourra mieux témoigner des ravages de la barbarie antisémite ?
Danièle Laufer est l’auteure de « Venir après – nos parents ont été déportés » (Éditions du Faubourg). Nous publions ce texte à l’occasion de la Semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme.
Danièle Laufer