Discriminations : le président de la Licra raconte son combat

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Émeutes dans les quartiers, assassinat de Samuel Paty, agressions verbales et physiques au nom de la différence, inégalités hommes/femmes… Gervasio Semedo, président de la Licra Touraine, témoigne.

Le racisme, il sait ce que c’est, Gervasio Semedo. À 63 ans, ce maître de conférence hors classe, spécialiste des finances publiques, dit avoir attendu une bonne trentaine d’années pour se sentir libéré des chaînes de la discrimination. Rien de frontal, rien d’ostentatoire. Tout en « subtilité » comme il dit. Entre universitaires, on ne sort jamais la sulfateuse, à cause des éclaboussures, juste le silencieux. « Il a constamment fallu que je prouve ! »

Aujourd’hui, ce Français d’origine cap-verdienne préside la section Touraine de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (1) dont il est membre depuis 25 ans. En cette journée mondiale pour l’élimination de la discrimination raciale, il parle de l’implication de son association et des maux qui rongent une société de plus en plus compartimentée.

L’Indre-et-Loire est-elle une terre de racisme et d’antisémitisme ?
« On ne peut pas dire ça. Nous ne sommes pas dans des zones qui connaissent de fréquentes explosions, même si l’exemple de Blois (NR du 18 mars) nous prouve que l’étincelle est toute proche et que ce genre de confrontation peut arriver partout. À Tours et dans l’agglomération, il y a bien sûr des quartiers en tension. »

Il y a eu des cas à l’université, que vous connaissez bien ?
« Oui, il y en a eu deux, ces derniers mois. Une vice-présidente qui s’est fait insulter sur ses supposées origines juives et un maître de conférence qui a retrouvé sur la porte de son bureau des accusations d’islamo-gauchisme. À chaque fois, l’université a réagi pour défendre les professeurs en question. Il n’y a aucune ambiguïté. »

Que pensez-vous de l’exemple du syndicat étudiants Unef qui organise des réunions interdites aux blancs ?
« Je combats le séparatisme sous toutes ses formes. Ces mesures sont intolérables. »

L’un de vos chevaux de bataille, c’est aussi l’égalité femmes-hommes ?
« D’une façon générale, nous nous battons pour qu’à égalité de compétences, les gens soient traités de la même façon… Hommes, femmes, noirs, blancs, arabes, juifs… Mais c’est vrai qu’en ce qui concerne les femmes, il faut reconnaître qu’elles n’occupent pas les postes à responsabilité qu’elles méritent. »

Que faites-vous en Indre-et-Loire pour combattre les préjugés raciaux ?
« Nous allons dans les établissements scolaires et nous essayons de mener des actions publiques, même si le Covid a considérablement ralenti nos actions. Pendant la Semaine contre les discriminations (du 21 au 28 mars, NDLR), nous devions nous rendre au collège Pablo-Neruda de Saint-Pierre-des-Corps, mais ce ne sera pas possible. Récemment, nous sommes allés dans un collège de Saint-Avertin. »

Les jeunes sont-ils sensibles aux questions qui touchent le racisme et l’antisémitisme ?
« Oui. À chaque fois que nous allons dans une classe, on les sent préoccupés par la question. On a même vu de jeunes musulmans nous parler de la Shoah. Ils veulent comprendre et donner leur point de vue, à condition que les adultes ne monopolisent pas la parole. »

On sent pourtant, avec le drame de l’assassinat de Samuel Paty, qu’une partie de la jeunesse vit en marge de la société, qu’elle se radicalise, qu’elle conçoit le monde comme un champ de bataille.
« C’est vrai et c’est pour ça que des associations comme la nôtre sont sollicitées par des chefs d’établissement qui cherchent de l’aide. Aujourd’hui, on observe un regain de la foi dans les écoles. Notre rôle, c’est d’expliquer que la laïcité, ce n’est pas la négation de la religion, mais que l’école publique n’est pas le lieu où l’on transpose ses croyances. On confond trop souvent spiritualité et religion. Alors peut-être faut-il insister encore un peu plus sur l’instruction civique et sur la prise en compte des besoins de spiritualité des enfants. On peut aussi leur parler par le biais de l’humour. C’est parfois très efficace pour lutter contre les préjugés. »

(1) La Licra Touraine compte une soixantaine d’adhérents. Elle bénéficie de subventions du Département, de la Ville de Tours, de celles de Joué-lès-Tours et de Chambray. Elle travaille également avec la Région sur une conférence qui pourrait porter sur le thème du sport et de la citoyenneté.

Contact : Licra Touraine, BP 11533, 37015 Tours Cedex 1.

Jacques BENZAKOUN

Source lanouvellerepublique