«Je confine (les commerçants). Je déconfine (les Français). Je fais du en même temps…». Dans la confusion la plus totale, Jean Castex vient d’inventer le confinement déconfiné !
Bref, le pari du non-confinement est donc perdu. Un de plus, au débit du bilan d’Emmanuel Macron dans la gestion de la crise du Covid-19.
Il est difficile de gouverner quand une pandémie vous tombe sur la figure. Certains ont fait bien mieux que nous. Mais pas tous, ce qui doit rassurer le Président de la République et son gouvernement. Mais on ne peut que rester sceptique à l’annonce par le Premier ministre des rares mesures de restriction, d’autant qu’il s’est déjà déjugé dès ce matin par la voix du porte-parole Gabriel Attal en considérant les coiffeurs comme essentiels. Ils resteront donc ouverts, comme les libraires et les disquaires. Oui aux livres et non aux fleurs. Exemple parmi tant d’autres. Quels sont les critères ? Certains sont évidents : l’alimentation, la santé… D’autres semblent bien plus flous. Le lobbying, probablement !
Les commerçants, prétendument non essentiels sont encore sacrifiés. Certains survivront grâce à la perfusion d’argent public (mais à quel prix pour la collectivité ?), d’autres, beaucoup trop, disparaîtront. Le phénomène a déjà commencé, et il est dramatique. À Paris, Anne Hidalgo avait entamé le dépeçage avant le Covid, avec sa politique de circulation. Les fermetures successives imposées par le chef de l’État, seul vrai responsable national sous la Vème République, feront le reste.
Ce n’est pas seulement un drame pour les commerçants. Même les anticapitalistes et écologauchistes les plus déterminés, qui prétendent haïr la consommation (sauf la leur), auraient tort de se réjouir. Car les commerces, c’est l’âme d’une ville. Sans eux, elle n’est qu’un dortoir ou un désert de bureaux. Le commerce en ligne, qui a aussi ses mérites, peut être vu comme un processus purement consumériste, mais ce n’est pas le cas de l’achat en magasin, à l’exclusion des hypermarchés, qui sont d’autres fossoyeurs des centres-villes. Les commerçants, eux, sont des acteurs majeurs du lien social.
Un troisième confinement symptomatique d’une France irréformable ?
Jean Castex prétendait hier faire dans la dentelle. Du sur mesure territorial et proportionné ? Alors pourquoi n’a-t-il pas autorisé la réouverture au moins partielle des commerces et restaurants dans les départements qui échappent à la flambée épidémique.
D’autant que les connexions inter-régionales sont désormais coupées à partir de ce soir avec les régions sous tension… Tiens, comment vont faire les Parisiens, qui s’exodent à Deauville ce week-end pour rentrer à Paris dimanche ?
Manque d’empathie aussi : le premier ministre n’a même pas cité les infirmiers libéraux hier alors que 80% des vaccinations effectuées en ce moment sont effectués par ces derniers ! Merci Monsieur le premier ministre.
Le traitement que les pouvoirs publics accordent à cette crise rappelle les débuts de la chirurgie : de la boucherie avec des outils rudimentaires. Et même de la très mauvaise chirurgie. Le confinement. Mais attention, il s’agit cette fois d’un confinement 2.0 : raffiné, élaboré. On confine certains commerçants et… Et c’est tout. Certes, on ne pourra pas se déplacer au-delà de 10 kilomètres ni quitter la région si elle est concernée par ce confinement. Mais entre les écoles qui restent ouvertes et le droit de circuler normalement jusqu’à 19h (avec une attestation !), on peut craindre que le coronavirus mutant rigole doucement. Par ailleurs, 30 % des contaminations se font sur le lieu de travail. Mais les médecins du travail ne sont toujours pas associés à une démarche préventive d’aménagement des conditions de travail. Et le télétravail, sans cesse préconisé par le Premier ministre, n’est en réalité jamais imposé. Dans ces conditions, la fermeture des petits magasins où les visites sur rendez-vous, les jauges, la distanciation physique, le port du masque et le nettoyage des mains sont respectés est scandaleuse.
L’imagination, antinomique de la technocratie, n’est décidément pas au pouvoir.
Ce confinement light marque aussi l’échec, non seulement de la politique de vaccination, mais aussi de celle, bien antérieure, du tester-tracer-isoler (ou protéger). Cela fait des mois que les autotests rapides et les chiens renifleurs sont à l’œuvre dans certains pays, comme les États-Unis. D’autres, comme la Corée du Sud, savent isoler effectivement les personnes positives, si nécessaire en organisant un portage de repas et les soins à domicile.
Imagination, disions-nous ? Une machine à purifier l’air de virus est produite par une petite entreprise des Pays de la Loire, Natéosanté, qui exporte son produit vers plusieurs pays européens et asiatiques. Mais qu’attend le gouvernement pour aider cette entreprise à décupler ses capacités de production ? D’autres entreprises proposent la désinfection par un éclairage aux UV. Ces solutions ont fait la preuve de leur efficacité, et permettraient la réouverture (et aujourd’hui la non-fermeture) de la plupart des commerces, des lieux de culture et de divertissement, des restaurants, des salles de sport…
On ferme tout et on vaccine, se dit Emmanuel Macron. Mais on ne fait ni l’un ni l’autre, du moins on les fait très mal. Compte tenu des mutations du virus, les scientifiques sont à peu près d’accord pour considérer que seule une vaccination rapide et massive de la population devrait, si tout va bien (!), permettre d’éradiquer le virus avant qu’un mutant résistant au vaccin ne s’impose. Mais en France (et en Europe), atteindre l’immunité collective avant une telle mutation est un autre pari qui est loin d’être gagné.
Ce confinement déconfiné, ces nouvelles mesures parviendront-ils à reprendre le contrôle de l’épidémie ? À défaut, on en remettra une couche dans quelques semaines. On évoquera alors « l’acceptabilité » de mesures plus radicales, dans un pays où l’autorité de l’État ne cesse de s’effilocher.
Michel Taube