Pour chasser Benyamin Netanyahou après le scrutin du 23 mars, Merav Michaeli, héritière de Ben Gourion, se dit prête à des compromis.
Elle est l’héritière du mouvement travailliste de David Ben Gourion, le père de l’État hébreu, de Golda Meir et d’Yitzhak Rabin. Merav Michaeli veut sauver du néant HaAvoda – le travail en français -, le parti qui a longtemps dominé la vie politique israélienne au siècle passé. Candidate par défaut, elle a pris la tête de la formation en déshérence en janvier. Les sondages s’accordaient alors pour donner zéro parlementaire aux travaillistes dans la future Knesset issue des élections du 23 mars. Créditée à la veille du scrutin d’une demi-douzaine de sièges, sa liste pourrait sauver les meubles.
Toujours vêtue en noir, chaussée de baskets blanches, Merav Michaeli, 54 ans, redonne des couleurs à une gauche moribonde. «Le parti a été presque effacé, il a perdu la confiance du public, maintenant il revient» se réjouit-elle. L’ex-journaliste a le rire facile, le regard droit et le verbe direct. «Nos anciens dirigeants ont perdu confiance en eux sous les coups de boutoir donnés depuis vingt-cinq ans par Benyamin Netanyahou. Le parti est entré dans des gouvernements de droite et a mis en pratique une politique contraire à sa vision originelle. Il a détruit sa crédibilité, son statut d’alternative et a été laminé», explique-t-elle au siège du mouvement installé à Tel-Aviv dans un modeste immeuble de bureaux.
Netanyahou, ennemi public numéo un
Militante féministe, elle soutient la mouvance LGBT. Sa vie privée est en concordance avec ses idées. Son compagnon est un humoriste populaire Lior Schleien, rendu célèbre par un show télévisé, reconverti dans le stand-up et la production audiovisuelle. Ils vivent dans le même immeuble mais dans des appartements séparés. «Je veux un maximum d’amour et un minimum de bureaucratie et cela marche plutôt bien», sourit-elle. Elle n’est pas mariée et n’a pas d’enfant. «Le mariage est une institution d’une époque où les femmes n’avaient pas de droit», dit-elle sur un ton plus grave. Ses origines sont roumaines. Son grand-père avocat a connu un destin tragique. Rudolf Kastner négocia en Hongrie en 1944 avec les nazis la libération de 1 684 Juifs voués aux camps d’extermination en échange d’or, d’argent et de diamants. Cet épisode controversé lui valut d’être assassiné en 1957 sur la plage de Tel-Aviv.
Benyamin Netanyahou est pour elle l’ennemi public numéro un. Merav Michaeli lui voue un profond ressentiment. «Il a réussi à transformer le mot gauche en une insulte. Il est dans sa bouche synonyme de traître», dit-elle. «Netanyahou n’a eu de cesse durant sa carrière de tenir des discours négatifs sur les Arabes. Il a dénigré la gauche à qui il reprochait d’être soutenue par les électeurs arabes. Et qu’ont fait les travaillistes? Ils se sont éloignés des Arabes. Et voici que maintenant il s’intéresse à eux à des fins électoralistes», commente la présidente d’HaAvoda. «Les sociétés arabes et ultraorthodoxes ont été poussées sur le côté par Netanyahou. Elles ont aujourd’hui créé des sociétés presque autonomes», ajoute-t-elle. Elle reproche à l’inamovible premier ministre d’avoir délégitimé le processus de paix avec les Palestiniens et le rend même responsable du manque d’appétence des Israéliens pour l’écologie, l’une de ses passions. «Ceux qui parlent le plus de défendre la terre d’Israël sont aussi ceux qui la polluent et l’abîment le plus», résume-t-elle en une formule.
Chasser «Bibi» est sa priorité. Pour cela, elle est prête à participer avec des partis de droite «malheureusement» à un gouvernement de centre gauche.
Merav Michaeli est loin d’être une gauchiste. Elle se situe dans le camp social-démocrate sioniste et désapprouve l’ouverture d’une enquête par la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes de guerre présumés commis par Israël à Gaza et en Cisjordanie. Lorsqu’elle est interrogée sur ses recettes pour relancer la gauche, elle s’amuse de la question. «Je suis une grande cuisinière mais je n’ai plus trop de temps, dit-elle. Pour réussir il faut y croire, ne pas avoir peur, communiquer avec tout le monde et surtout dire la vérité même sur les sujets sur lesquels on a menti.»