Il fut un temps où l’on pouvait dire, sans risque d’être traité de gougeât, que toutes femmes rêvaient de se retrouver dans le lit d’Alain Delon.
Aujourd’hui, un certain néoféminisme en perdition considère sans doute que l’un des plus grands acteurs du cinéma français, voire du cinéma tout court, fut avant tour un prédateur sexuel, parce qu’il était aussi considéré comme un idéal masculin et qu’il faisait effectivement rêver tant de femmes.
Pour comprendre comment Alain Delon est devenu une icône mondiale du cinéma, il est plus pertinent de revisiter son enfance et son adolescence plutôt que d‘énumérer ses conquêtes féminines (enfin un peut tout de même !), celles qui sont passées ou non par ses lits ! Mais au-delà du lit, et au lendemain d’une calamiteuse et vulgaire cérémonie des Césars 2021 qui déshonore le cinéma français (et le cinéma tout court !), rendre hommage à Alain Delon raisonne comme une sorte de compensation, de consolation presque nostalgique. Alain Delon, reviens et sors de ton lit et de ton isolement ! Retour sur une vie de cinéma.
Les conditions de ses jeunes années éclairent comment s’est forgé cette personnalité exceptionnelle, ce « diamant brut » de talent. Né le 8 novembre 1935, Alain Delon a hérité de la beauté de sa mère corse, Edith, surnommée « Mounette » qui va adorer ce bébé si beau. Entre la mère et le fils va se développer un lien « adoration-dévoration » … Quand elle le promène, n’a-t-elle pas accroché sur son landau l’écriteau : « regardez le mais ne le touchez pas ».
L’amour de ses parents va se transformer en discorde et il a 4 ans quand le couple se sépare. Il en sera très affecté et cela restera une blessure à jamais. Interrogé sur cette période de sa vie, il aura cette formule : « La solitude, elle vient des larmes de la petite enfance. Elle fait partie de ma vie, je vis bien avec, j’en ai besoin ».
Il est placé en nourrice chez Madame Nero, à Fresnes. Son mari étant gardien de prison, le jeune Alain va passer son temps derrière les murs de la prison. Puis il ira en pension. De 8 à 14 ans, il va écumer 6 établissements où, enchaînant les bêtises, il sera renvoyé et passera des mois sans voir ses familles. Solitaire, naîtra alors chez lui le » mutisme » comme mode d’expression. La solitude, propice à un repli sur soi, sur son chez moi, dans sa chambre et dans son lit pour mieux gérer ses propres démons.
Aain Delon retourne chez « Mounette » qui a épousée en secondes noces, un charcutier réputé de Bourg la Reine. Alain Delon y travaille et passe son CAP de charcuterie.
A 14 ans, il joue dans un court-métrage » le rapt », film muet dans lequel il a le rôle d’un gangster qui meurt à la fin. Prémonitoire ! À 17 ans, il devance l’appel et s’engage dans la marine qui n’était pas son choix. À l’arsenal de Toulon, il aide un de ses potes à voler des composants électroniques ; ils se font prendre. Virés de la marine, il a le choix entre la charcuterie familiale et l’Indochine. Il choisit l’aventure, la guerre.
A 20 ans il croupit dans le cachot d’une prison militaire après avoir emprunté une jeep pour aller faire la fête. Chien fou, sans peur, il assurera des patrouilles sur le fleuve Mékong, y apprivoisant le danger et la peur. Il écrira sur cette période : « Tout ce que je suis devenu, tout ce que j’ai pu faire pendant cette vie d’homme, je la dois à mon enfance, à mon adolescence, à mes 4 années dans l’armée. L’ordre, la famille, le sens de l’honneur, le goût des armes » ; la légende est en marche.
Retour d’Asie, renvoyé dans ses foyers (RDSF) pour « conneries » multiples, il s’installe à Paris, dans un hôtel de Pigalle et vit de petits boulots, – manutentionnaire aux Halles, garçon de café—et améliore l’ordinaire grâce à sa « gueule d’amour ». Animal magnétique, il devient un playboy des nuits parisiennes et rencontre celle qui va lui ouvrir les portes du cinéma, Brigitte Auber.
La célèbre actrice dont il est l’amant et Jean Claude Brialy l’invitent au Festival de Cannes où il fait un bout d’essai concluant. Mais, son destin cinématographique va se jouer à Rome où il est hébergé chez le photographe Gian Paolo Barbieri, il se fait remarquer par le grand producteur américain de films, David O Selznick, qui lui propose un contrat de 7 ans aux États-Unis, à une condition, qu’il apprenne l’Anglais.
Le réalisateur, Yves Allégret, dont il est l’amant de sa femme, Michèle Cordoue, le convainc de rester en France et l’engage pour un petit rôle dans le film « Quand la femme s’en mêle » puis dans « Sois belle et tais-toi ». Et c’est la rencontre avec son premier amour, Romy Schneider pour le film « Christine ». « Les fiancés de l’Europe, jeunes, beaux magnétisent le public et le monde du cinéma. « Plein soleil » de René Clément et « Rocco et ses frères « de Luchino Visconti consacre la star Delon. La machine à succès est lancée. Guépard, insoumis, battant, samouraï, centurion, flic, félin, sicilien, le mythe est en marche.
Les femmes de sa vie vont compter dans sa popularité tout autant que sa filmographie : Romy Schneider, Brigitte Bardot, Nathalie Delon, Claudia Cardinal, Catherine Deneuve, Anne Parillaud, Dalida, Mireille Darc… L’amour, la séduction, – le lit n’est jamais très loin, ont décidément une place particulière dans la vie de l’acteur !
Acteur français le plus célèbre au monde, adulé en Asie, en Russie et en Italie, Delon ne s’est pas contenté d’être un acteur, il a aussi été un remarquable chef d’entreprise, maître de sa propre image, créant et produisant de nombreux produits de luxe à son nom. Sa fortune n’était-elle pas estimée, en 2019 à près de 250 millions d’euros ? Et n’était-il pas, encore en 2020, l’acteur français le mieux payé du cinéma français avec 51 millions d’euros alors qu’il ne tourne plus depuis « La maison vide » en 2018.
60 ans de carrière marqués par des chefs d’œuvres, Alain Delon victime d’un AVC vit, entouré de ses trois enfants, de ses chiens et de ses souvenirs, dans son domaine de Douchy.
N’oublions pas qu’il fut le gaulliste qui racheta, en décembre 1970, le manuscrit du texte de l’affiche « À tous les Français » que le Général de Gaulle fit placarder sur les murs de Londres, le 20 juin 1940.
Cette légende du cinéma mondial qui fit une carrière exceptionnelle prétendait, paradoxe, ne pas être un comédien ! « Ma carrière n’a rien à voir avec le métier de comédien. Comédien, c’est une vocation. Je suis un acteur. Un comédien joue ; un acteur vit. Moi, je n’ai jamais joué, j’ai vécu mes rôles ».
Michel Scarbonchi et Raymond Taube
Magnifique, rien à ajouter, c’était bien raconter !