Invoquant un « devoir de mémoire », le directeur du plus grand musée de France a assuré que l’ensemble des œuvres acquises pendant la Seconde Guerre mondiale sont en cours de vérification.
Le Musée du Louvre intensifie ses recherches pour repérer dans ses collections les œuvres « problématiques » provenant de familles juives spoliées en 1939-1945, en coopération avec l’Hôtel Drouot et le Mémorial de la Shoah, a indiqué à l’AFP son président-directeur. Jean-Luc Martinez dirigeait mercredi un colloque au cours duquel les huit départements du musée ont dressé un premier bilan sur la provenance des œuvres entrées pendant cette période. Une recherche complexe à partir des archives, inscriptions, étiquettes, etc.
« C’est un devoir de mémoire, a-t-il souligné. Il ne s’agit pas de jeter la suspicion sur toutes ces acquisitions. On va regarder des œuvres inscrites sur les inventaires. Entre 1933 et 1945, le Louvre a acheté 13 943 œuvres. Pour l’énorme majorité – 60/70 % selon les départements -, la provenance a été vérifiée ». Pour de nombreuses autres, a-t-il expliqué, la vérification est en cours quoique leur provenance n’apparaisse pas « problématique ». « Problématique, c’est quand une œuvre a été achetée à un marchand qui a pu s’approvisionner dans des réseaux d’où venaient des biens spoliés. Ou qu’elle a été achetée dans des ventes publiques de biens spoliés, où les musées nationaux se portaient acquéreurs, a précisé Jean-Luc Martinez. Au département des peintures, les provenances problématiques, c’est 1 % des acquisitions. »
«Le Louvre n’a rien à cacher»
Le Louvre a signé des partenariats avec le Mémorial de la Shoah et avec l’Hôtel Drouot, qui dispose des archives du commerce de l’art parisien. « On s’est fixé comme objectif d’ici 4 -5 ans un vrai bilan sur les biens acquis entre 1933 et 1945. La deuxième étape, ce sera le même exercice sur les années 1950-1960 où le marché de l’art continue à voir circuler des biens volés aux familles juives », a précisé le directeur du Louvre. Avec l’appui de la mission spéciale du ministère de la Culture sur les biens spoliés, les autres musées nationaux, les bibliothèques, « on passe à une autre vitesse, on élargit le périmètre », a-t-il souligné, en évoquant les recherches sur les livres, instruments de musique, etc.. Experte du marché de l’art sous l’Occupation, Emmanuelle Polack a été chargée au Louvre d’explorer les archives d’une exposition de septembre 1945 sur les « nouvelles acquisitions des musées nationaux ».
« Le Louvre n’a rien à cacher et le risque réputationnel est énorme », a résumé le directeur du Louvre. Quand « les nouvelles générations veulent savoir d’où viennent ces collections, comment réagir ? En faisant de l’histoire, en établissant les faits ». « Je trouve salutaire qu’elles nous demandent des comptes », a ajouté le président du premier musée français.