Athlète, comédienne, écrivaine, noire et juive, Rachel Khan publie « Racée ». Plaidoyer pour un nouvel universalisme.
Petite, Rachel Khan voulait être danseuse étoile. Bras et jambes interminables, un cou-de-pied idéal, elle réussissait le grand battement comme aucune autre. Mais, sans que cela soit jamais dit, elle a compris qu’elle n’était « pas dans les canons » des petits rats à chignon lisse sélectionnés pour l’Opéra de Paris. Fille d’un professeur noir né en Gambie et d’une libraire d’origine polonaise au teint de porcelaine, elle-même plus brune que blonde, Rachel s’est rendue à l’évidence que l’apparence fait la danseuse classique. En Touraine, où elle vivait, on l’a orientée vers les stades, où les athlètes ont souvent la peau sombre. Elle y a fait des merveilles, championne de France du 4 x 100 m à 19 ans, pas loin des records de Christine Arron, sprinteuse guadeloupéenne à qui elle ressemble, paraît-il. Sa mère étant juive et son père musulman animiste, Rachel Khan, 45 ans, a inventé sa propre définition de ses origines : « Je suis afro-yiddish », se présente-t-elle en riant. Et elle ajoute avoir « deux génocides dans la peau », l’esclavage et la Shoah. Cela la pose chez les tenants de la « victimisation généalogique » de tous bords. Rachel Khan déteste être perçue en victime : « C’est discriminant . »
Elle a été mère, à 20 ans, d’un petit garçon devenu un basketteur professionnel de 1,96 mètre, puis d’une fille, qui rêve de devenir psychanalyste. Elle a décroché un bac B « grâce au sport », fait des études à Assas, « une cage de verre », dit-elle, pour ceux qui n’ont pas les codes ou la bonne couleur de peau. Elle a été juriste, actrice de théâtre, conseillère de Jean-Paul Huchon (PS) quand il présidait la région Ìle-de-France. Aujourd’hui, elle dirige un centre de hip-hop de la Mairie de Paris. Elle aime surtout l’écriture et les bons mots, insolents si possible. « Racée », titre de son troisième livre, en est un, clin d’œil à ceux qui se déclarent « racisés ». Pour elle, « Noir n’est pas un métier », et les indigènes de la République font fausse route, au sein de leur parti « décolonial ». « Ils prétendent lutter contre les discriminations en étant eux-mêmes excluants », affirme Rachel Khan. Métisse aux multiples origines, elle rêve d’un monde universaliste de toutes les couleurs, où celle de la peau ne serait plus une identité : « La réalité, c’est qu’on est tous créoles en France, et qu’on a tous vécu l’injustice. La victimisation, les réflexes identitaires, la radicalité ne font que nous séparer. » Souvent, « je suis traitée de traître par ceux à qui je suis censée ressembler, raconte-t-elle. Comme si ma couleur de peau m’imposait de penser d’une certaine manière ».
« Je porte en moi plusieurs racines que certains prennent pour des races »
La librairie de sa mère, à Tours, s’appelle La Boîte à livres de l’étranger. C’est là qu’elle a rencontré Djiré, qui se faisait appeler Albert. Il arrivait de son petit pays d’Afrique de l’Ouest, elle avait perdu une partie de sa famille dans les camps, ils se sont mariés et ont eu deux enfants. Leur maître à penser était Camus, pour « L’Étranger ». Celui de leur fille Rachel est Romain Gary, l’étranger aux deux Goncourt. « Je suis raciste parce que toute votre putain d’espèce humaine me sort depuis longtemps par le derrière, que vous soyez jaunes, verts, bleus, ou chocolat », écrit Gary dans « Chien blanc ». Rachel Khan a mis la phrase en exergue de son livre, juste avant de donner sa définition de « racée ». « Non pas, comme le définit « Le Petit Robert », parce que mon élégance naturelle m’offrirait un port de tête altier… Je suis racée, parce que je porte en moi plusieurs racines que certains prennent pour des races. » Son premier roman, « Les Grandes et les Petites Choses » (éd. Anne Carrière), a reçu des prix qui lui ont valu d’être invitée à la prison de Nancy. « Entrez, ça va nous faire une sortie », lui a lancé un détenu le premier jour. L’amoureuse des mots avait éclaté de rire. Depuis six ans, chaque mois, Rachel Khan anime un atelier d’écriture à la maison d’arrêt de Nancy, avec des durs parmi lesquels des fichés S. Thèmes récurrents : féminisme, racisme, discrimination sociale… tout ce qui fait qu’on est toujours l’étranger de l’autre.
Je ne connaissais pas cette personne, je vais lire ses livres.Une anecdote, ma fille qui a maintenant 54 ans, a eu une première poupée qui était noire, les gens posaient des questions idiotes, les cons se retrouvent partout, je suis d’origine séfarade, mais de culture d’Europe centrale et mon épouse est française, le questionnement suite à la poupée de ma fille, était à la limite de supportable.