L’Iran a très mal réagi à la présence de l’un de ses anciens champions, Saeid Mollaei, au tournoi de judo de Tel-Aviv.
Médaille d’argent sur le tatami, mais médaille d’or dans le cœur du public israélien très restreint qui a applaudi à tout rompre vendredi soir l’Iranien Saeid Mollaei, champion du monde de Judo, édition 2018. Ce dernier s’est donc incliné vendredi soir dans la catégorie des 81 kilos, lors du Grand Chelem de Tel-Aviv face à son adversaire ouzbek, Sharofiddin Boltaboev. Mais personne n’était dupe, la victoire était ailleurs, dans la présence même en Israël de ce sportif iranien de haut niveau.
« C’était un grand moment, raconte Itamar Katzir, journaliste au quotidien Haaretz, et qui a pu suivre la compétition. Après le combat, il nous a parlé en anglais, il était très humble, heureux d’avoir pu concourir. En retour, il a reçu un accueil comme s’il était un des nôtres. A la fin, il a remercié tout le monde en hébreu. » Quant à Saeid Mollaei, il a tenu à rappeler que sa présence ici n’était pas politique. « Je suis un sportif, j’espère revenir pour d’autres combats. »
Tout a commencé au Japon en 2019. Saeid Mollaei est au top de sa forme. Il vise la finale. Mais cela signifie qu’il risque d’affronter son grand rival et ami, l’Israélien Sagi Muki. Les mollahs de Téhéran ne s’affolent pas. Mollaei connaît les règles. L’Iran ne reconnaît toujours pas l’Etat hébreu, il sait qu’il ne peut affronter son homologue israélien. On lui a déjà demandé par trois fois de déclarer forfait comme dans un vulgaire match de boxe truqué. Mais cette fois, Mollaei refuse. Il a besoin de cette compétition pour aller aux Jeux olympiques de Tokyo. Mais cette liberté est perçue à Téhéran comme une tentative de révolte.
Il ose imaginer être libre
Avec tout le courage que l’on devine derrière. Par amour du sport, le judoka iranien ose braver l’interdit des mollahs à concourir en terre israélienne. Il ose imaginer être libre. « Pour une fois, j’ai décidé de vivre comme un être totalement maître de ses choix, je veux concourir partout dans le monde », lâche-t-il en 2019, lorsqu’il se réfugie en Allemagne, débarquant quasiment en kimono et sans demander l’asile politique. Sur place, il s’entraîne, il est aidé par des amis, et la Mongolie lui offre un tout nouveau passeport.
Saeid Mollaei est né dans le village d’Abgarm, dans une province reculée du nord-ouest de l’Iran, mais il a grandi à Téhéran. Il découvre le judo à 10 ans, étudie le sport et décroche une maîtrise d’EPS. Le garçon est doué, il enchaîne les victoires, il est choyé par le gouvernement. Trois fois médaille de bronze de 2015 à 2017, il finit par décrocher l’or en 2019. Mais la contestation gronde dans les rangs des sportifs iraniens. Le moindre événement sportif sert à bousculer le régime. Saeid Mollaei se joint à la bataille, et Israël ne va pas laisser passer l’occasion. Mais l’affaire est compliquée par la gestion de la crise pandémique. L’espace aérien est fermé. Comment faire venir 421 athlètes de 60 pays dont un Iranien en fuite? La Fédération internationale de Judo est prudente, elle craint pour la sécurité de Mollaei.
La Fédération israélienne prend le relais et déploie alors les grands moyens. Pour brouiller les pistes, elle fait affréter cinq avions au départ d’Ankara en Turquie et de Charles-de-Gaulle à Paris. Après avoir rechigné, l’aéroport parisien donne son feu vert. Mollaei est accueilli en grande pompe à Ben-Gourion. L’image fait le tour du monde. Le président de la Fédération de judo iranienne, Arash Mir Ismaili, déclare aussi sec : « Mollaei a tourné le dos aux idéaux du régime et il devrait avoir honte. » Pas vraiment, si l’on en juge par sa popularité sur Twitter où il est couvert d’éloges.
C’est une très bonne chose, marre de ces abrutis iraniens, je suis heureux qu’Israël l’ai accueilli !