Covid : le combat d’Israël contre les antivaccins

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Si la campagne massive de vaccination semble commencer à porter ses fruits, Israël est confronté à la défiance d’une partie de la population.

Jusqu’à ces derniers jours, on le connaissait surtout comme le très orthodoxe rabbin des célébrités israéliennes. Aujourd’hui, Youval Hacohen Asherov est au cœur d’un scandale médiatique et sanitaire. En cause, ses dernières vidéos postées sur YouTube. De véritables diatribes contre le vaccin anti-Covid. Avec, en toile de fond, le nom de son site, « Dans le secret des choses », ce rabbin à la très longue barbe blanche égrène ses postulats : le vaccin anti-Covid entraîne la stérilité, porte atteinte au système immunitaire et provoque de très fortes allergies qui peuvent être fatales. Et pour mieux convaincre, il ajoute : « Ce sont des scientifiques qui le disent, pas moi ! »

Dans un autre clip, il s’en prend à la mise au point du vaccin. Et d’affirmer : « Il a été préparé très vite, sans les années de tests requises par les normes scientifiques. En fait, c’est maintenant qu’il est expérimenté… sur les millions de personnes à qui il est inoculé. Nous sommes les cobayes. Ceux à qui les scientifiques injectent le vaccin pour voir comment nous réagissons et, ensuite, publier les résultats. Une expérimentation à l’échelle de l’humanité. » Avec de 100 000 à 200 000 vues pour chacune de ces vidéos, Asherov fait un carton.

Une dose, et puis s’en vont

Les scientifiques ont beau contre-attaquer, en réfutant de A à Z ses arguments, en le qualifiant de charlatan sans aucun diplôme scientifique, de plus en plus de personnes se laissent convaincre. Shula, une habitante de Bnei Brak, un faubourg ultraorthodoxe de Tel-Aviv, en sait quelque chose. Sa mère, 66 ans, considérée comme à risque, a accueilli avec enthousiasme le lancement de la campagne de vaccination. Elle a couru se faire vacciner et a reçu une première dose, sans aucun effet secondaire. Même chose pour les tantes de Shula, qui ont elles aussi reçu la première dose. Mais, dans l’intervalle de trois semaines avant la seconde injection, elles ont toutes regardé les vidéos du rabbin Asherov. Convaincues, elles ont annulé leurs rendez-vous.

Asherov n’est pas le seul en Israël à mener la charge contre le vaccin. En début de semaine, Facebook a annoncé avoir supprimé un groupe en hébreu qui faisait la promotion de théories conspirationnistes à propos du Covid-19. Les administrateurs de ce groupe intitulé « Non au passeport vert » demandaient à leurs membres –14 000 en tout – de prendre rendez-vous pour se faire vacciner ; puis, à la dernière minute, d’annuler, obligeant ainsi les dispensaires des caisses maladie à détruire les doses non utilisées. Une consigne suivie par de nombreux membres du groupe, dont certains n’ont pas hésité à raconter leurs exploits sur le réseau social. Interviewée par des chaînes de télévision, une jeune responsable de la page Facebook du groupe, Tamila Nazarov, est très énervée par les questions des journalistes : « Je ne suis pas antivaccin, lance-t-elle. Les gens font ce qu’ils veulent. Mais je refuse d’être une citoyenne de seconde zone à qui on interdirait l’entrée dans les centres commerciaux et autres lieux publics parce que je refuse le vaccin. »

Ralentissement

Entre les scientifiques et les antivaccins déclarés, la polémique enfle de jour en jour. D’autant plus que l’affluence dans les centres de vaccination a baissé d’au moins 50 %. Pourtant, aujourd’hui, si, en Israël, on peut se faire vacciner à partir de 16 ans, on est passé en moyenne de 200 000 vaccinés par jour à 100 000. À la Clalit, la plus importante caisse de maladie du pays, on atteint difficilement les 50 000 injections certains jours. Autre signe inquiétant : le pourcentage des vaccinés parmi le personnel soignant. Alors qu’il atteint 94 % à la Hadassah, il n’est à Shaare Tsedek, l’autre grand centre médical de Jérusalem, que de 73 % pour les médecins et 72 % pour les infirmiers. À Laniado, le grand hôpital de Netanya, il tombe à 60 % pour l’ensemble des soignants.

À qui la faute ? L’hésitation des jeunes qui se sentent moins menacés par la pandémie et qui seraient plus sensibles aux fake news ou autres informations erronées, voire antiscience, sur le Web ? La réticence de certains groupes à risque, notamment dans les communautés ultraorthodoxes et arabes ? Partout dans le pays, on cherche comment faire revenir en masse les Israéliens à la vaccination. Cela va du plan du ministère de la Santé prévoyant de récompenser par un bonus sur salaire tout employé des caisses maladie ayant réussi à persuader des assurés de se faire vacciner jusqu’à des chaînes de supermarché ou autres entreprises privées prêtes à octroyer des primes aux employés qui ont répondu « oui » à la vaccination. Une municipalité offre même aux familles qui vont se faire vacciner des déductions fiscales, alors qu’une autre menace, elle, d’annuler certains services aux antivaccins.

« Janvier noir »

En attendant, en raison de la propagation rapide du variant britannique, et malgré un confinement de plusieurs semaines dont le pays est tout juste en train de sortir, l’épidémie est loin d’être jugulée. La courbe des contaminations reste élevée : de 6 000 à 7 000 cas quotidiens en moyenne. Même chose pour les malades atteints de formes graves : plus de 1 000 à ce jour, avec une particularité qui alarme nombre de responsables de la santé : ils sont de plus en plus jeunes à être hospitalisés dans un état très sérieux. Quant au nombre de morts, il est, à l’heure où ces lignes sont écrites, de 5 226. Plus d’un quart des décès ont eu lieu le mois dernier, qualifié de « janvier noir » par les médias israéliens.

Pourtant, il y a de bonnes nouvelles : au cours des deux dernières semaines, le nombre de nouveaux contaminés, chez les plus de 60 ans, a diminué de 50 %. Toujours dans cette catégorie d’âge, les hospitalisations, pour cas grave de Covid 19, sont, elles aussi, en nette diminution. Ce qui confirme l’efficacité du vaccin.

Danièle Kriegel

Source lepoint