Non, selon toute probabilité : on retrouve la reine de Saba dans les légendes folkloriques et les textes sacrés juifs, chrétiens et musulmans, souvent assaisonnés de surnaturel. Mais son histoire n’est pas sans profondeur symbolique.
« La reine de Saba, écrivait André Malraux, est connue par deux sources : la Bible et le Coran. En somme, les dieux seuls ont écrit sur elle. » Elle est « la Reine de Midi » dans le Nouveau Testament, « Balqis » dans la tradition musulmane. Son histoire existe – sous d’autres versions – en Ethiopie, où elle est à l’origine de la dynastie royale, et en Perse, où elle est la fille d’un roi étranger et d’une nymphe. Tous s’accordent sur trois points : elle est l’épouse du roi Salomon, elle est fabuleusement belle, et fabuleusement riche.
La reine des énigmes
La rencontre entre la reine de Saba et le roi d’Israël, Salomon, dans son palais de Jérusalem, est l’un des épisodes les plus connus de la Bible. La première version est celle du « Livre des Rois », reprise au VIIIème siècle par Flavius Josèphe dans ses « Antiquités juives ».
Le roi Salomon, réputé pour sa richesse et sa puissance, reçoit la visite en grande pompe de la reine de Saba, un royaume couvrant l’actuel Yémen, le nord de l’Éthiopie et l’Érythrée. La reine chevauche à la tête d’une immense caravane de produits précieux – or, pierres précieuses et aromates. Après un étalage mutuel de leurs richesses, les souverains rivalisent d’esprit dans un concours d’énigmes, puis Salomon présente à son invitée l’organisation du culte de Yahweh. La reine loue Yahweh d’avoir donné à Israël un roi aussi sagace et fait cadeau à Salomon du contenu de sa caravane, après quoi elle repart à Saba. Selon les interprétations et les légendes qui ont fleuri sur cette base, la reine devient l’amante ou l’épouse de Salomon lors de son séjour à Jérusalem. Notons que dans ses « Antiquités », Josèphe donne à la reine le nom de Nicaulis et la fait régner sur l’Égypte et l’Éthiopie.
L’initiatrice de relations commerciales entre les deux royaumes
Pour l’orientaliste Joseph Halévy, qui analyse l’épisode dans un article de 1904 consacré à la reine de Saba, l’entente cordiale, voire amoureuse, entre les deux souverains symbolise la naissance d’échanges commerciaux entre les deux pays. « À en juger d’après l’analogie d’autres voyages anciens de prince à prince, écrit-il, on devine facilement qu’il s’agissait, en première ligne, d’un traité de commerce entre les deux royaumes. […] Le pays de Saba, richement pourvu de mines d’or, de gemmes et d’aromates les plus recherchés, produisant des céréales et de l’huile d’olive en quantité insuffisante pour nourrir sa nombreuse population. »
« Le Yémen manque aussi de fins tissus de lin de diverses couleurs et spécialement de ces étoffes de pourpre qui servaient à l’habillement des rois et des chefs. La Palestine produisait abondamment les premières denrées et servait d’intermédiaire pour le commerce de la pourpre tyrienne. Cet échange de denrées et de produits industriels était avantageux aux deux gouvernements, et il paraissait nécessaire d’en régler les transactions par des tarifs bien fixés.”
Un symbole de la conversion à Dieu
Le Coran fait aussi mention de la souveraine dans la Sourate des Fourmis, mais diffère du texte biblique sur plusieurs points. Tout d’abord, la reine de Saba, ici nommée Balqis, se rend à Jérusalem à l’invitation de Salomon, et non de sa propre initiative. Une huppe envoyée en reconnaissance par Salomon, après avoir survolé le territoire de Saba, lui rapporte avoir « trouvé une femme régnant sur les hommes ». « Elle et son peuple, dit la huppe, adorent le soleil. Et ils n’adorent point ce dieu unique qui produit au grand jour les secrets des cieux et de la terre, qui sait ce que vous pensez et tout ce que vous faites. »
Convoquée par le roi Salomon, la reine païenne obéit. Arrivant au palais, elle confond les pavés de cristal avec de l’eau et soulève sa robe pour traverser. Attribuant sa maladresse à son égarement religieuse, elle reconnaît son erreur et rejoint la religion musulmane. Elle deviendra, dans la sculpture médiévale, le symbole de la conversion à Dieu.
La mère de la dynastie salomonide
On retrouve l’histoire de Salomon et de la reine de Saba dans les légendes coptes et perses, la Kabbale chrétienne, le folklore ashkénaze et même dans les rituels maçonniques. Mais c’est surtout la mythologie éthiopienne qui accorde à la figure de la reine de Saba, connue sous le nom de Makeda, une place centrale.
En effet, selon un document éthiopien du XIVème siècle, le Kebra Nagast, elle aurait eu avec le roi Salomon un fils, Ménélik Ier, qui serait devenu le premier roi éthiopien de la dynastie salomonide. Cette lignée aurait conservé le pouvoir pendant trois millénaires, jusqu’à la destitution de l’empereur Haile Selassie en 1974.
Marine Jeannin
Texte très intéressant, mais pourquoi Palestine,elle n’existait pas plus qu’elle n’existe aujourd’hui ?