Surprise pour plusieurs clients lors des livraisons de Noël. On vous explique comment un e-commerçant peut en cacher un autre : achat Cdiscount, livraison Amazon!
Lorsqu’il a y quelques jours le livreur Amazon l’a prévenu qu’il se trouvait devant son appartement, Théo (le prénom a été changé) a failli refuser le colis. « Je n’avais rien commandé chez Amazon, mais quand j’ai ouvert le paquet, c’était bien ma commande : un disque dur externe que j’avais acheté sur Cdiscount. Code-barres, reçu, numéro de commande, logo… tout était pourtant aux couleurs d’Amazon. »
Heureux d’avoir obtenu son matériel informatique à 55 euros « au lieu de 69 euros habituellement », le Parisien de 25 ans est surtout amusé par l’anecdote. Confronté à la même mésaventure, Christian décide de signaler son incompréhension auprès du service client de Cdiscount. « Nous avions précisément fait le choix de ne pas acheter chez Amazon, préférant, à défaut de trouver localement les produits en question, choisir une compagnie qui paye ses impôts en France », confie le retraité des Côtes-d’Armor, qui avait passé commande le 13 novembre de pochettes transparentes pour disques vinyles.
Réponse du service client de Cdiscount : « Il s’agit d’un produit vendu et expédié par un vendeur hébergé sur notre site. Il se peut que ce dernier propose ses produits sur les deux sites. » En clair, le disque dur ou les pochettes de vinyles étaient ceux d’une entreprise indépendante qui utilise la place de marché de Cdiscount pour commercialiser ses produits, mais qui fait appel aux services d’Amazon pour les stocker et les expédier jusqu’au client. Appelé « fulfilment » dans le jargon, ce service est aussi utilisé par des vendeurs présents sur les sites Internet de la Fnac, eBay, Conforama ou Rakuten.
«Manque de transparence»
« Tout le système manque cruellement de transparence, pointe Sabine, une autre acheteuse médusée par ces surprenants colis. Le consommateur, piégé par l’appât des réductions alléchantes lors de son parcours jusqu’au panier, l’est aussi sur les marques qui approvisionnent et expédient. »
Cette habitante du Val-d’Oise et son mari avaient passé commande mi-novembre de plusieurs objets pour la maison afin de les offrir en cadeau d’anniversaire à leur fils, qui venait d’emménager. « On est habitués à Rueducommerce, mais on ne trouvait pas ce qu’on cherchait. Finalement, par Google, on a atterri chez Cdiscount », explique Sabine. Sa famille « boycotte Amazon ». Motifs? « les conditions de travail des salariés, le gaspillage, leur position de monopole, le paiement en un clic ». Alors quand le couteau à pain est arrivé dans son carton au beau logo d’Amazon, la cadre a ressenti de la « colère ».
Le mea culpa de Cdiscount
Interrogé sur le phénomène, le PDG de Cdiscount fait son mea culpa. « La pratique se fait dans les deux sens, mais les clients ont raison de ne pas être contents, fustige Emmanuel Grenier. Le consommateur qui fait le choix du e-commerce français veut que cela lui soit assuré de bout en bout. Nous allons faire arrêter cette pratique en début d’année. » Comment ? Le patron ne livre pas de détail. Ses services évoquent la piste de colis « marqués Cdiscount ou au moins neutres ».
« En ce moment, ces réactions remontent parce qu’Amazon a mauvaise presse, pointe l’un des vendeurs concernés, qui a tenu à rester anonyme. Mais pour nous, petite PME française, c’est très pratique de pouvoir stocker une partie de nos produits chez Amazon et de bénéficier de la qualité de leur expédition et de leur service client. Tout le monde est gagnant. »
Cdiscount et Amazon facturent leur service de stockage et d’expédition à des tarifs similaires : 15 euros mensuels par mètre cube stocké et un forfait à partir de 2,10 euros par petit colis expédié. Selon cette entreprise de 15 salariés, remettre les expéditions en cartons neutres ne présenterait aucun intérêt. « Ce maquillage générerait juste des frais supplémentaires. Je continuerais à expédier par Amazon, mais le client final devrait payer le produit plus cher. Autant jouer la transparence. » Quitte à troubler les convictions des consommateurs.
Par Adeline Daboval