Des Franco-Israéliens auraient escroqué près de 70 Français grâce à une fausse plateforme de trading. Plusieurs suspects ont été interpellés et la justice espère pouvoir rendre l’argent aux investisseurs floués.
Tout a commencé en juillet 2015, avec la plainte d’un céréalier des Ardennes dépouillé de 761 000 euros lors d’une escroquerie au faux placement financier. Il n’était pas le seul. Cinq ans plus tard, l’enquête confiée aux gendarmes de la section de recherches de Reims a permis d’identifier 66 victimes en France, pour un préjudice global de 5 millions d’euros. A l’origine de cette fraude internationale : un réseau dirigé par des franco-israéliens. Il s’agit du deuxième dossier de ce type sorti cette année par la section de recherche, sans lien avec le précédent et qui impliquait déjà deux Franco-Israéliens interpellés au printemps.
L’agriculteur ardennais s’est fait prendre dans la toile selon une méthode commune aux autres victimes. Après avoir recueilli sur internet un maximum de renseignements concernant les personnes qu’ils avaient ciblées, les escrocs les contactaient à partir de centres d’appels utilisant des numéros français octroyés par des opérateurs téléphoniques, afin d’inspirer confiance. De la documentation était fabriquée de toutes pièces, ainsi que de faux sites internet destinés à suivre la prétendue évolution des investissements, alors même que tous les produits proposés n’étaient que du vent.
Opération “Goldwinmarket”
« Il s’agissait de placements financiers à fort rendement au nom de la société fictive d’investissements Goldwinmarket », explique un officier d gendarmerie. « Après plusieurs contacts, la victime était fortement incitée à effectuer des versements sur des comptes bancaires en Pologne. Les premiers versements effectués, elle pouvait constater un rendement élevé en suivant les cours de ses investissements sur le site bancaire de la fausse société, ce qui l’incitait à effectuer de nouveaux versements. » Jusqu’au jour où elle se rendait compte de l’arnaque en voulant récupérer sa mise.
En 2015, la plainte du céréalier ardennais fut transmise au parquet de Reims qui ouvrait une enquête confiée ensuite à la juridiction interrégionale spécialisée de Lille, puis à celle de Paris en raison de sa complexité et des connexions à l’international. Menées par la section de recherche de Reims, les investigations ont permis d’identifier les 66 victimes françaises dont les 5 millions d’euros furent versés sur deux comptes bancaires polonais ouverts au nom de deux sociétés gérées par des Franco-Israéliens. L’argent repartait sur d’autres comptes ouverts dans une multitude de pays afin de rendre le traçage plus difficile (Asie, Europe de l’Est, Allemagne, Belgique, Royaume-Uni, etc.).
Une vingtaine d’interpellations
De juin 2017 à juin 2020, travaillant sous l’autorité du juge parisien Pascal Gastineau, dans le cadre d’une information ouverte pour « escroqueries en bande organisée, association de malfaiteurs, blanchiment en bande organisée », les gendarmes de la section de recherches de Reims ont arrêté « plus d’une vingtaine d’individus ». Une dizaine d’entre eux ont été mis en examen, notamment des gérants de paille et des ouvreurs de comptes.
L’enquête n’aurait pu aboutir sans la pleine coopération des autorités judiciaires et policières israéliennes. Le juge d’instruction s’est d’ailleurs rendu en Israël avec deux enquêteurs de Reims, en juillet 2019, visite qui a permis d’interpeller les têtes pensantes de l’escroquerie. Avec la collaboration des autorités locales, ils interpellent cinq Franco-Israéliens suspectés d’être les organisateurs de l’escroquerie. Âgés de 30 à 45 ans, ils étaient déjà connus pour des arnaques ayant touché la France. Le juge Gastineau espère les entendre prochainement à Paris si les conditions sanitaires le permettent.
Une coopération judiciaire internationale initiée au niveau d’Europol et d’Eurojust permet également d’envisager le rapatriement d’une partie des fonds gelés par les autorités locales. Ainsi Les enquêteurs ont réussi à tracer une partie des fonds jusqu’en République tchèque, qui avait bloqué préventivement plusieurs dizaines de millions d’euros et les sommes qui ont pu être saisies sont estimées à 2 millions d’euros.
Ce réseau démantelé, d’autres continuent de sévir. « Ça pullule en ce moment. Les personnes doivent faire très attention en cas de démarchage téléphonique », prévient l’officier de gendarmerie. « Le contexte sanitaire s’y prête. Les mesures de confinement induisent un certain isolement des personnes, notamment les aînés, ce qui est propice à de multiples escroqueries, notamment celles liées aux faux placements. »