Deux hommes, Moïse Kahloun et René Taïeb, se disputent le leadership de la communauté locale. Cette bataille ravive, chez certains, les divisions suscitées par la campagne municipale.
L’ambiance dans une petite partie la communauté israélite, à Sarcelles, ressemble à une guerre des chefs. Une lutte intestine se déroule, en coulisses, pour récupérer le leadership de la plus importante communauté juive d’Ile-de-France, après Paris.
Jusqu’à présent, c’est Moïse Kahloun, proche du maire (PS) Patrick Haddad, qui tient les rênes. Il occupe le poste de président de l’ACIP, émanation locale du Consistoire de Paris, dont dépend la Grande synagogue. Très influent, et proche du rabbin Laurent Berros, il rassemble derrière lui une large partie de la communauté. Cela lui vaut le titre de « Président de la communauté juive de Sarcelles ».
Hier incontestée, sa légitimité est aujourd’hui remise en cause par René Taieb, président de l’union des communautés juives du Val-d’Oise et proche du député (DVG) François Pupponi. « S’il est à la tête de la grande synagogue de Sarcelles, il ne dirige pas les vingt autres synagogues de la ville », assène-t-il.
Originaire de Montmagny, il semble vouloir récupérer le leadership local. « Il essaye d’émerger, mais on ne comprend pas vraiment ce qu’il veut, souffle un élu municipal. Parfois, il donne l’impression qu’il se croit au-dessus de nous et des responsables communautaires locaux… »
Son rival lui reproche d’être la voix du Consistoire
René Taïeb attaque la place de Moïse Kahloun, qui s’est, dit-il, « autoproclamé » président de la communauté juive. « Il a été nommé par le Consistoire, il n’a pas été élu par les fidèles. Il défend le Consistoire et pour ma part, je ne défends pas une institution, mais le judaïsme français, cingle René Taïeb. Il souhaite que le Consistoire soit le maître de la maison à Sarcelles et en Ile-de-France. Ce n’est pas possible. »
Il l’accuse, aussi, d’avoir maintenu les deux grands rassemblements de la fête de Pourim, au début de la crise sanitaire du Covid-19, juste avant le confinement généralisé. Ils avaient accéléré la propagation du coronavirus dans la communauté. René Taïeb affirme qu’il avait appelé l’ensemble des communautés du département à annuler l’ensemble des événements. « Moïse Kahloun a choisi d’en faire qu’à sa tête », fustige-t-il.
A l’évocation de son rival, Moïse Kahloun ironise : « Qui est ce monsieur ? » interroge-t-il faussement. Avant de, lui aussi, lancer une attaque frontale. « D’abord, il n’habite pas notre ville, il est originaire Montmagny, raille le président de l’ACIP. Il a essayé d’être maire, puis préfet, puis d’être responsable de la communauté à Sarcelles… Bon, on ne peut pas dire qu’il a réussi grand-chose jusque-là ! »
La campagne municipale a laissé des traces
Cette bataille illustre une autre lutte intestine, plus violente encore, qui s’est déroulée pendant les longs mois de la campagne municipale. La communauté juive s’est divisée en deux camps. Entre celui des pro-Patrick Haddad, le nouveau maire (PS) de la ville. Et l’autre, composé d’indéfectibles soutiens du député (divers gauche) François Pupponi.
« Pendant vingt ans, François était le seul en lice, il rassemblait tout le monde. Cette fois, chacun a choisi son candidat, confie une membre active de la communauté, proche du maire honoraire. Cela a créé des dissensions, une fracture. »
« Il faut regarder tout cela positivement, lance un soutien de Patrick Haddad. Nous sommes soudés, autour d’un socle commun de valeurs. Après, tout le monde a ses opinions, nous ne sommes pas tous d’accord, nous débattons. Et tant mieux, c’est le signe que la démocratie vit ! Chacun a fait campagne, c’est le jeu politique. Avec le temps, cela ira mieux… »
«Cela n’a pas de sens que la communauté soit désunie»
Trois mois après la proclamation des résultats, les élections semblent avoir laissé des traces. « Il existe des problèmes internes, souligne François Pupponi. Cela n’a pas de sens que la communauté soit désunie. Il faut arrêter maintenant et travailler ensemble. » « Tout cela est derrière nous, estime Patrick Haddad. Seules quelques personnes continuent de jouer le match parce qu’elles n’ont pas accepté la défaite ! »
L’enjeu était trop grand pour que les rivalités s’estompent du jour au lendemain. A Sarcelles, la communauté israélite a un poids électoral conséquent. En témoigne la « liste bleue », créée au début des années 2000, et exclusivement composée de personnalités issues de la communauté juive.
D’abord qualifiée de « honte pour la République », par Dominique Strauss-Kahn en 2001, elle a été intégrée à la majorité municipale en 2008 par son successeur, François Pupponi. Depuis, elle est de toutes les listes victorieuses. « Nous avons une importance dans le vote, comme peu de communautés juives l’ont dans d’autres villes en France », souligne Isabelle Plo, adjointe et membre de la liste bleue.
«Le clivage n’a pas été pas communautaire, mais politique»
Au fil des élections, la communauté, très mobilisée à chaque scrutin, a renforcé son influence. Elle pesait, lors des victoires de François Pupponi, entre 15 et 20 % des votes en faveur du maire honoraire. Se positionnant en faiseur de roi ? « François Pupponi a remporté les élections pendant vingt ans, jusqu’à ce qu’on arrête de le soutenir », avance sèchement Moïse Kahloun. Patrick Haddad tempère. « Aucune communauté ne peut gagner seule une élection à Sarcelles, argue-t-il. Les scores des bureaux du quartier de la Grande-Synagogue sont semblables à ceux du reste de la ville. »
Les résultats tournent aux alentours 65-35 %. Sur l’ensemble de la commune, l’élu l’a emporté avec 58 % des suffrages, contre 42 %, et près de 1500 voix d’écart. « Le clivage n’a pas été pas communautaire, mais politique. J’ai représenté une sensibilité de gauche, tandis que le député s’est droitisé, analyse le maire. François Pupponi pense qu’il a perdu à cause des communautés. Il se trompe. »
Les partisans du parlementaire reprochent au rabbin, Laurent Berros, et à Moïse Kahloun, d’avoir soutenu sans équivoque Patrick Haddad. Influençant, ainsi, une large partie de la communauté. « Le rabbin a pesé sur la campagne, il est sorti de son rôle, insiste Jocelyn Assor, conseiller municipal d’opposition. Il est censé s’occuper des offices, de la synagogue. Pas de s’immiscer dans le jeu politique local ! »
« Je trouve qu’il est très particulier qu’ils aient pris une position officielle lors des élections municipales, s’étonne François Pupponi. Je ne l’avais jamais demandé. Ils ne l’avaient jamais fait. » Le maire dément une implication de l’un et l’autre dans sa campagne. « Ils n’ont jamais été à mes meetings, ni dans mon comité de soutien, rappelle Patrick Haddad. Qu’ils aient pu parler à leur entourage, voulu ne pas rajouter de l’instabilité : peut-être, et si c’est le cas, je m’en félicite. »
Patrick Haddad : «Ils ont essayé de raviver les peurs»
Une affaire de tract et de lettre a fini de fâcher les anciens amis. En juin, l’équipe de François Pupponi diffuse un tract, à l’intention des membres de la communauté juive. Où René Taïeb, notamment, colistier du député, appelle à voter pour le maire honoraire. Et attaque les liens, supposés, des responsables communautés avec des « islamistes radicaux ».
« Ils ont essayé de jouer sur la désunion, de raviver les peurs à travers des tracts détestables », tance Patrick Haddad. En réponse, le rabbin Laurent Berros et Moïse Kahloun, président de l’ACIP, fustigent dans une lettre un tract qui « infantilise les membres de la communauté ». Au nom du Consistoire de Paris, les deux hommes dénoncent des manœuvres « électoraliste » et une tentative de parier sur « la division et la peur ».
François Pupponi : «Ils m’ont massacré»
« Ils m’ont massacré. C’est une lettre incendiaire », s’émeut aujourd’hui François Pupponi, qui trouve « injuste » que ses anciens compagnons de route lui aient tourné le dos après en avoir « pris plein la figure pendant vingt-cinq ans pour défendre la communauté ».
Moïse Kahloun réaffirme sa « reconnaissance » envers le député. « Elle n’est pas remise en cause par ces élections, François reste un ami, appuie-t-il. J’ajoute que le rabbin n’a pas décidé de l’élection. S’il avait réellement appelé à voter contre lui, les scores n’auraient pas été les mêmes ! »
Certains prêtent à l’homme religieux un poids politique considérable. Il aurait, par exemple, été consulté, dans le huis clos de son bureau, pour définir la succession d’Annie Peronnet. « Il y a eu des craintes au sein de la communauté, car elle était étiquetée PCF. Le rabbin, comme d’autres personnalités, souhaitaient connaître le scénario pour 2020, décrypte un observateur de la vie politique locale. Il y a eu des discussions. Mais ce n’est pas le rabbin qui choisi les maires dans cette ville! »
Contacté, Laurent Berros n’a pas répondu à nos sollicitations.
Il est inconcevable d’avoir ce genre de problèmes, ce n’est pas nouveau, mais de grâce, il faut que ces gens se reprennent, ce genre de conflit sur la place publique n’est pas acceptable, il y a toujours des personnes qui veulent être au dessus des autres, drôle de façon de lire et de comprendre les textes !