Abdelhakim Sefrioui est l’une des 15 personnes placées en garde à vue après la décapitation de Samuel Paty. Suspecté d’avoir attisé la haine autour du prof, il avait notamment créé l’émoi à Drancy en 2010 en manifestant contre l’imam en poste.
« Une saloperie, doublé d’un opportuniste : là où les musulmans ont un problème, ce type débarque avec un haut-parleur et des banderoles! » Virulent… et pas étonné : Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI et député de Seine-Saint-Denis, ex-maire de Drancy, garde un souvenir bien précis d’Abdelkhakim Sefrioui, l’une des quinze personnes placées en garde à vue après l’assassinat de Samuel Paty. Ce professeur d’histoire-géographie au collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) a été décapité, vendredi 16 octobre, par un terroriste, quelques jours après avoir montré des caricatures du prophète Mahomet à ses élèves.
Dans ce département où la communauté musulmane est importante, le nom de ce militant de l’islam radical, fiché S et inscrit au fichier des personnes radicalisées, qui avait appelé à la suspension de l’enseignant assassiné, rappelle de sombres moments.
« Il voulait prendre le contrôle de la mosquée »
Surtout à Drancy. En 2010, à la tête de son collectif pro-Hamas Cheick Yassine, il avait organisé deux mois de manifestation contre Hassen Chalghoumi, alors imam dans la mosquée de la commune.
« Chalghoumi déclarait publiquement vouloir tisser de bons rapports avec la communauté juive. Ça n’a pas plu à monsieur Sefrioui, qui a débarqué d’on ne sait où pour, disait-il, virer Chalghoumi. Il voulait prendre le contrôle de la mosquée », raconte Lagarde, le maire d’alors. A l’époque, le port d’attache de Sefrioui est aux Ulis (Essonne), où il était l’un des imams de la mosquée.
Le député se souvient d’un « militant islamiste venu faire le coup de poing ». Il raconte : « Il venait toutes les semaines, avec une trentaine de supporteurs, dont pas mal de gros bras, et attendait les fidèles de Drancy à la sortie de la prière pour leur dire tout le mal qu’il pensait de leur imam, mais aussi, d’Israël, des Juifs. Avec des moyens : camion, sono… » Et le coup de pression fonctionne : de 900 fidèles en moyenne à la prière du vendredi, la fréquentation décline, jusqu’à ce que seule une cinquantaine de personnes ose encore venir prier.
Le préfet tente de le déchoir de sa nationalité, en vain
« Sous couvert de venir défendre la religion, il attisait la haine des juifs, de la République », se souvient un observateur de l’époque. Dans ses prises de parole, il vise aussi Lagarde, très directement. « Comme la municipalité louait un bâtiment à l’association, il pensait que j’avais à me mêler de leur gestion et interdire Chalghoumi ! J’ai toujours refusé de le recevoir », se remémore Lagarde. Sur la dizaine de membres de l’association responsable de la mosquée, sept démissionnent.
A l’époque, le préfet Christian Lambert tente de déchoir l’agitateur — d’origine marocaine — de sa nationalité obtenue par le mariage. Sans succès.
Au fil des semaines, des échauffourées éclatent jusque dans le lieu de culte. « Des jeunes des quartiers de Drancy se sont mobilisés pour monter la garde », se souvient un élu. Alors, Sefrioui déplace ses prêches sur le parking du Carrefour voisin. A quelques minutes à pied d’une autre mosquée : Pantin. Où l’on garde aussi un souvenir sombre d’Abdlehakim Sefrioui.
La mosquée de Pantin fermée
« Je connais très défavorablement cet homme », confirme Mhammed Henniche, à la tête de la mosquée de Pantin. « Il a fait le siège d’une mosquée deux mois ! Cela a profondément choqué, ici. On peut être en désaccord, mais je ne comprenais pas pourquoi il usait de la violence », se souvient le responsable associatif. Qui a bien tenté de jouer les médiateurs : « Je lui ai envoyé un mail, proposé de lancer une discussion entre les deux camps. Il m’a répondu en me traitant de collabo ! »
La mosquée de Pantin, qui a diffusé la vidéo d’un père d’élève critiquant le travail de Samuel Paty, en le qualifiant de voyou, a retiré cette publication. Dit le regretter. Mais l’assure : « Nous n’avons jamais diffusé les appels à la haine d’Abdelhakim Sefrioui! ». Lundi soir, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a d’ailleurs annoncé avoir demandé au préfet de Seine-Saint-Denis de fermer cette mosquée. « Son dirigeant a relayé le message qui consistait à dire que ce professeur devait être intimidé, en relayant d’ailleurs l’adresse du collège », s’est offusqué le locataire de la place Beauvau. « C’est peut être un geste d’apaisement par rapport à la tension générale, a réagi visiblement fataliste M’hammed Henniche. Il y a une certaine tension donc l’exécutif est dans une position où il faut qu’il fasse des gestes forts, c’est un geste pour absorber l’émotion, pour réagir ». L’établissement devrait être fermé pour six mois.
« C’est un homme dangereux, il manipule les jeunes ».
Autre épisode à Montreuil. Rachida Benahmed — la vice-présidente de Ni putes ni soumises, par ailleurs élue à Meaux (Seine-et-Marne) — se remémore « la trouille de sa vie ».
Le 18 mai 2010, elle participe à un débat sur le voile intégral organisé par l’association féministe dans une école. Manuel Valls, alors député socialiste de l’Essonne, est dans la salle. Le militant islamiste aussi. « Je ne l’avais jamais vu de ma vie, confie Rachida Benahmed. Il s’était invité au débat. Il était très virulent. Il disait que le port du voile intégral pour les femmes était légitime, que chacun faisait ce qu’il voulait. Il était accompagné de femmes voilées intégralement. »
Au fil des discussions, la soirée dégénère. La police est obligée d’intervenir pour mettre un terme au pugilat. « Ses sbires nous ont traitées de salopes, de putes, poursuit-elle. Puis une bagarre très violente a éclaté. Des chaises ont volé. Il y a eu des coups de poing, des coups de pied. Heureusement que mon fils était là pour me protéger. »
Alors, apprendre que l’homme a été placé en garde à vue après l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine n’a pas surpris Rachida Benahmed. « C’est un homme très dangereux. Il manipule les jeunes. »