Le 4 octobre France 5 a diffusé dans la collection documentaire “La case du siècle”, le film « La France catholique face à la shoah » de Laurent Joly et Marie-Christine Gambart. Il est accessible sur le replay de la chaîne jusqu’au 11/10. A voir!!!
80 ans après l’édiction d’un « Statut des juifs » par le Maréchal Pétain et le Régime de Vichy, le film de Laurent Joly et Marie-Christine Gambart retrace comment la France catholique a pris la mesure du drame de la Shoah. S’appuyant sur les archives inédites de l’Église et sur les plus récents travaux historiques, ce film met en lumière les réactions de la France catholique face à la Shoah, du sommet de l’épiscopat à la base des croyants.
Comment la France catholique a-t-elle pris la mesure du drame de la Shoah ? Quelle fut, précisément, l’influence de l’Église sur la politique de Vichy et sur le sort des juifs persécutés ? En s’appuyant sur les archives de l’Église récemment ouvertes, à Paris, Rome, Lyon ou Toulouse, ainsi que sur les analyses d’historiens du catholicisme et de la Shoah, mais aussi sur les travaux les plus récents de la recherche historique, ce film nous dévoile les réactions de la France catholique face à la Shoah, du sommet de l’épiscopat à la base des croyants.
Ce documentaire révèle comment de compromise au début de l’Occupation, soutenant le maréchal Pétain et le statut des juifs édicté le 3 octobre 1940, L’Eglise a pu peser de tout son poids en 1942 au moment des grandes rafles pour contraindre le gouvernement de Vichy à freiner sa collaboration à la politique génocidaire des nazis et à livrer moins de juifs qu’il n’avait prévu de le faire. En revenant sur les actions des pionniers de la résistance chrétienne tels Edmond Michelet ou le père Chaillet, mais aussi sur les protestations publiques de Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, ou du cardinal Gerlier, Primat des Gaules, ce film permet de comprendre comment et pourquoi les 3/4 des juifs de France ont échappé au pire (plus de 200 000 non-déportés pour 74 150 déportés), grâce en partie à l’action de l’Église de France.
Les intervenants de ce documentaire
Serge Klarsfeld : avocat, historien et militant de la mémoire de la Shoah
Sylvie Bernay : historienne, elle a soutenu un doctorat sur L’Église de France face à la persécution des juifs
Wolgang Seibel : politologue allemande et professeur à l’université de Constance
Tal Bruttmann : historien spécialiste de Vichy et de la Shoah
Renée Poznanski : historienne, professeure à l’université Ben Gourion du Néguev en Israël, elle est la meilleure spécialiste de la vie quotidienne des juifs sous l’Occupation
Denis Pelletier : historien, il dirige les études d’histoire et de sociologie du catholicisme contemporain à l’École pratique des hautes études
Nina Valbousquet : historienne de l’antisémitisme catholique, elle travaille actuellement sur les archives du pape Pie XII qui viennent de s’ouvrir à Rome
Mgr Benoît Rivière : évêque d’Autun et petit-fils du résistant catholique Edmond Michelet
Jeannette Swita-Wolgust : rescapée de la Shoah
Note d’intention des deux auteurs du documentaire
« Pétain, c’est la France, et la France c’est Pétain ». Prononcée publiquement en novembre 1940 par le cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, primat des Gaules et véritable premier ministre de l’Église de France, cette déclaration résume à elle seule la vénération sans précédent de l’Église pour un régime et son chef. La génération des évêques de l’Occupation, marquée par la loi de Séparation de l’Église et de l’État en 1905 et par la Première Guerre mondiale, est effectivement attachée à la personne du héros de Verdun et à son programme de redressement moral de la France. Aveuglé par son inclination pétainiste, l’épiscopat ne prend pas clairement position face au nazisme et consent spontanément aux principes de l’antisémitisme d’État. En octobre 1940 puis en juin 1941, aucune voix ecclésiastique ne s’élève pour condamner fermement la logique raciste des statuts des juifs.
La compromission de l’Église de France vis-à-vis du régime de Vichy, qui s’est officiellement repentie en septembre 1997, est un fait indiscutable, qu’il ne s’agit aucunement de remettre en question. Pourtant, c’est de cette même institution catholique que va émerger le premier acte d’opposition publique dans la France des années noires. Le 23 août 1942, le cardinal Saliège à Toulouse dénonce en chaire les rafles de l’été visant les juifs apatrides et leurs enfants. Lui emboîtant le pas, Gerlier, pourtant pétainiste de la première heure, use de toute son autorité morale et politique pour faire pression sur le gouvernement de Vichy et contraindre le chef du gouvernement, le très collaborateur Pierre Laval, à freiner la livraison des juifs.
L’ouverture récente des archives de l’Église de France et les travaux historiques les plus avancés, dont ceux de Serge Klarsfeld, Sylvie Bernay et Wolfgang Seibel, attestent de ces prises de position de certains représentants ecclésiastiques, et révèlent leur influence non négligeable sur la politique antisémite du gouvernement vichyste à partir de l’été 1942 et dans l’organisation de filières de sauvetage. Les déclarations des évêques, invoquant les principes élémentaires de la morale et de l’honneur patriotique, ont eu un impact considérable dans l’opinion publique, légitimant et renforçant une politique de sauvetage et de résistance humanitaire déjà initiée par une partie du catholicisme français : militants associatifs, curés, religieuses…
Par quel cheminement l’épiscopat français a-t-il pu évoluer du soutien inconditionnel au maréchal Pétain en 1940 à l’opposition ouverte au régime en août-septembre 1942 ? Quelles ont été les conséquences de ces protestations sur le sauvetage des juifs traqués ? Dans quelle mesure les dignitaires de l’Église catholique ont-ils subi la pression de la « base » et dû prendre en compte l’impératif de désobéissance porté par une avant-garde de résistants catholiques ?
L’ambition de notre film est de répondre à ces questions fondamentales, en racontant une histoire intime, au cœur des mentalités religieuses et des logiques internes à l’Église catholique, ses règles et son organisation hiérarchique, mais aussi au plus près du quotidien de la persécution et du sauvetage des victimes et des survivants. Loin de nier la part de responsabilité, passive ou active, de l’institution catholique dans la politique antisémite de Vichy, notre documentaire entend montrer comment la proximité de l’Église avec le régime a tout autant permis de légitimer sa politique d’exclusion que de constituer un rempart contre les effets les plus criminels de la collaboration d’État.
C’est une histoire renouvelée de l’Église de France et de son rapport au pouvoir politique que notre film se propose de raconter, de l’adhésion initiale à l’antisémitisme d’État au soutien tardif mais réel au sauvetage des juifs dans les régions de Lyon, Nice ou Toulouse. En s’immergeant au cœur d’archives inédites le film dresse le portrait d’une Église tout en contradictions, divisée entre compromissions et protestations, et montre la convergence entre les protestations publiques et les interventions officieuses de l’épiscopat, le retournement de l’opinion et le ralentissement des convois de déportation à compter de l’automne 1942, et les pratiques de sauvetage jusqu’à la fin de la guerre.