Icône féministe aux États-Unis, la juge de la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg, décédée le 18 septembre 2020, est moins connue pour son attachement profond à la tradition hébraïque. Vendredi 25 septembre, elle devient la première juive à recevoir un hommage national au Capitole de Washington.
Une semaine après son décès, Ruth Bader Ginsburg fait désormais partie de ces personnalités emblématiques, issues des minorités, que l’Amérique honore après plusieurs décennies de discrimination.
Dans la lignée des figures afro-américaines de la lutte contre la ségrégation raciale, comme Rosa Parks ou Elijah Cummings, elle devient ce vendredi 25 septembre la première femme juive à recevoir un hommage national au Capitole de Washington D.C.
Célèbre pour ses combats féministes et son aura au sein de la gauche américaine, Ruth Bader Ginsburg était aussi un symbole d’émancipation pour les communautés juives, minoritaires aux États-Unis.
Des étudiants juifs discriminés
La militante pour les droits des femmes est née en 1933, dans une famille d’immigrés juifs venus de Russie et d’Autriche et installée dans le quartier new yorkais de Brooklyn. Son parcours d’étudiante en droit à la prestigieuse université de Harvard, dans les années 1950, à l’époque où l’élite du pays est très majoritairement constituée d’hommes blancs protestants, est alors semé d’embûches.
« Elle a toujours parlé des injustices qu’elle a subies, notamment celles qui s’appliquaient de façon implicite aux Juifs dans les milieux juridiques durant les années 50 et 60 », explique Laura Hobson Faure, professeure en histoire contemporaine à l’université Paris I, spécialiste du judaïsme aux États-Unis, « sur papier, aucune loi ne défendait ces discriminations, alors elles étaient mises en places de manière indirecte. Par exemple, des critères géographiques permettaient de sélectionner les dossiers des étudiants en droit et d’éviter les juifs, y compris les meilleurs élèves ».
« Les avocats juifs de l’époque étaient poussés à se spécialiser dans le droit public, considéré comme moins noble que le droit privé », poursuit Laura Hobson Faure, « paradoxalement, cela a conduit à de grandes carrières militantes, comme celle de Ruth Bader Ginsburg, devenue juge à la Cour suprême américaine ».
Une mezouza à la porte du bureau
À son arrivée parmi les magistrats de la plus haute instance juridique du pays, en 1993, celle qui est affectueusement nommée « Notorious RBG » par les Américains affiche avec fierté ses origines juives. Auprès de la presse, la juge de la Cour suprême s’amuse d’être la seule à posséder à la porte de ses bureaux une mezouzah, cet objet de culte gravé d’un passage biblique que la tradition juive recommande.
Ruth Bader Ginsburg crée aussi la controverse lorsqu’elle demande à la Cour d’être délestée de l’obligation d’entendre les affaires le jour de la fête juive du Grand Pardon. Ainsi, aucune session publique n’a été ouverte à la Cour suprême le jour du Yom Kippour depuis 1995.
Ruth Bader Ginsburg s’est éteinte, vendredi 18 septembre, jour d’une autre grande fête juive. « Le fait qu’elle nous ait quittés au tout début du Nouvel an nous rappelle la croyance juive selon laquelle les âmes justes meurent le jour du Sabbat, ou bien un jour saint du calendrier juif », salue malicieusement le rabbin Rick Jacobs, président de la fédération américaine de l’Union pour le judaïsme réformé.