L’éditeur négationniste avait remis en vente, en dépit d’une décision de justice, le livre antisémite de Léon Bloy, « Le Salut par les juifs ». La justice le condamne.
La maison d’édition d’Alain Soral, Kontre Kulture, vient d’encaisser un coup sévère. La cour d’appel de Paris a estimé jeudi 24 septembre qu’elle devait verser 134 400 euros à la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), plus 3 000 euros de frais de justice, pour avoir remis en vente Le Salut par les juifs, de Léon Bloy, en dépit d’une décision de justice. La décision est immédiatement exécutoire.
La banque d’Alain Soral avait déjà dû bloquer un peu plus de 45 000 euros sur ses comptes, le 2 septembre, et le site négationniste s’en était alors inquiété : « La survie de la maison d’édition est engagée. »
La bataille est ancienne. La Licra avait saisi le juge des référés après la mise en vente, sur le site de Soral, Egalité et Réconciliation, de plusieurs livres clairement antisémites, dans la collection « Les InfréKentables », dont celui de Léon Bloy, paru en 1892. Le juge de Bobigny avait ainsi ordonné, le 13 novembre 2013, la suppression d’une quinzaine de passages dans Le Salut par les juifs pour injures et provocation à la haine raciale, sous astreinte de 300 euros par jour de retard. Il était objectivement difficile de caviarder l’ouvrage, et Soral a retiré le livre de la vente.
Alain Soral a bien essayé de faire appel, mais a trébuché dans la procédure, qui a été déclarée nulle. Mais il a estimé qu’après tout ce temps Kontre Kulture pouvait bien remettre le livre en vente. La Licra a demandé à la justice de faire appliquer les pénalités, et le juge de l’exécution a estimé, le 30 octobre 2019, que la maison d’édition devait verser à la Licra 201 600 euros.
« Mépris affiché pour la justice »
La cour d’appel a aujourd’hui légèrement modifié la décision : elle a jugé que le livre avait été remis en vente le 11 juillet 2018, puis à nouveau retiré le 2 octobre 2019, lors d’une nouvelle initiative de la Licra : soit 448 jours à 300 euros, 134 400 euros, exigibles sans délai. « Avec sa maison d’édition, Alain Soral a érigé son racisme en entreprise lucrative, indique Me Michaël Bendavid pour la Licra. Il est à propos que son mépris affiché pour la justice soit ainsi sanctionné. »
L’essayiste négationniste peut encore attaquer la décision devant le tribunal judiciaire, mais le coup est rude. D’autant qu’il a été à nouveau condamné le 18 septembre à trois amendes de près de 15 000 euros pour provocation à la haine raciale, diffamation, contestation de crime contre l’humanité, et est sous le coup d’une peine d’un an ferme dont il a fait appel.
La réputation d’Alain Soral ne semble cependant pas être allée jusqu’à Grasse. Patrick Isnard, parfumeur et conseiller municipal de la ville, se présente en cinquième position sur la liste du Rassemblement national (RN) aux sénatoriales dans les Alpes-Maritimes. Il a affiché sur sa page Facebook un collage de treize personnalités souverainistes, de Marine Le Pen à Philippe de Villiers ou Eric Zemmour – dont Alain Soral. Repéré jeudi par Le Parisien, il a aussitôt supprimé la photo de Soral (mais aussi celles de Florian Philippot et de Stéphane Ravier, le seul sénateur RN sortant) et plaide l’ignorance.
« Je ne connaissais pas M. Soral, assure Patrick Isnard. J’avais demandé à un ami de me trouver des photos de souverainistes, parce que je suis souverainiste, mais je ne suis absolument pas d’accord avec Soral. J’ai fait une connerie, mais je ne savais pas qui c’était. »