En Israël, des archéologues ont mené de nouvelles fouilles sur le site de Tel Kabri abritant les restes d’un palais cananéen remontant à l’âge du bronze. Leurs découvertes suggèrent que l’édifice aurait été détruit et abandonné à la suite d’un séisme survenu il y a quelque 3.700 ans.
Au nord d’Israël, en Galilée, se trouve un remarquable site archéologique. Connu sous le nom de Tel Kabri, il s’étend sur 35 hectares et abrite les ruines de l’un des plus grands palais cananéens connus dans le pays. Les fouilles menées ont permis de découvrir que l’édifice remontait à l’âge du bronze moyen – entre 1900 et 1700 avant notre ère – et qu’il avait été occupé pendant plusieurs siècles avant d’être abandonné.
Pourquoi ? C’est le mystère qui intrigue depuis longtemps les archéologues. Parmi les restes du palais, les recherches ont mis en évidence des fresques murales, une salle de banquet ainsi que des pièces de stockage avec une quarantaine de vases contenant du vin. Autant d’éléments qui suggèrent que l’édifice était encore fastueux lors de son abandon.
Aujourd’hui, une équipe de chercheurs américains et israéliens pense avoir trouvé la clé du mystère. Il y a 3.700 ans, le site de Tel Kabri aurait été victime d’un séisme qui aurait détruit le palais et fait fuir ses habitants, affirment-ils dans une étude publiée par la revue PLoS ONE.
Une tranchée révélatrice
Cette conclusion est le fruit de plusieurs campagnes de fouilles menées ces dernières années sur le site israélien. Des recherches qui ont permis de remettre les compteurs à zéro. Durant leur étude, les archéologues ont en effet évalué tous les scénarios possibles pour justifier l’abandon de l’immense palais cananéen et le départ de ses habitants. Et ils ont rapidement écarté la majorité d’entre eux.
Les ruines ne contenaient pas d’armes, ni trésor d’argent ou de bijoux, ni traces visibles de feu qui pourraient témoigner d’une attaque ou d’une invasion. De même, aucune indication de sécheresse ou de dégradation environnementale majeure n’est apparue. Et l’absence de cimetière a permis d’écarter l’hypothèse d’une épidémie ayant frappé la population.
En revanche, certains éléments ont semblé diriger vers une autre piste, celle du séisme. « Il y a quelques saisons, nous avons commencé à mettre au jour une tranchée qui s’étendait à travers une partie du palais », a raconté dans un communiqué Assaf Yasur-Landau, professeur d’archéologue méditerranéenne à l’université de Haïfa.
« Des indications initiales suggéraient qu’elle avait été creusée récemment, il y a quelques décennies, un siècle ou deux tout au plus. Mais en 2019, nous avons excavé une nouvelle zone et constaté que la tranchée continuait sur au moins trente mètres », a-t-il poursuivi. Ils ont également constaté qu’une section entière d’un mur y avait chuté et que des sols y avaient basculé.
Auparavant, d’autres observations intrigantes étaient déjà apparues : quelques murs légèrement décalés, des sols un peu gondolés ou criblés comme s’ils avaient reçu des objets lourds ou encore des plafonds effondrés notamment dans les pièces remplis de jarres. Mais la découverte de la tranchée a constitué un élément déterminant pour appuyer la théorie du séisme.
« C’est vraiment comme si la terre s’était simplement ouverte en deux et que tout ce qui se trouvait de chaque côté y est tombé« , a indiqué Eric Cline, professeur à l’université George-Washington qui a co-dirigé les fouilles sur le site de Tel Kabri. Restait à trouver des preuves supplémentaires.
Un événement brutal et non progressif
Selon Michael Lazar, principal auteur de l’étude, identifier des tremblements de terre passés à partir de restes archéologiques est en effet une tâche complexe. En particulier sur des sites avec des matériaux de construction dégradables comme des briques de terre et du torchis. Les chercheurs ont ainsi décidé de plonger plus en profondeur.
Ils ont étudié des échantillons collectés à différents endroits, dans le sol, dans un dépôt recouvrant le sol et dans les briques notamment. Les résultats ont montré que le dépôt en question était un mélange de matériaux issu de l’effondrement du plafond ou des murs. Et que cet effondrement avait été un événement brutal et non progressif.
« Les dépôts au niveau du sol implique un effondrement rapide plutôt qu’une lente accumulation de briques en terre dégradées issues des murs ou des plafonds d’une structure abandonnée« , a confirmé dans le communiqué, Ruth Shahack-Gross, professeur de géoarchéologie à l’université de Haïfa et co-auteur de l’étude.
La tranchée de un à trois mètres de large quant à elle, serait le résultat de la vibration du sol ou d’une liquéfaction causée par le séisme. « Cette étude montre l’importance de combiner des méthodes macro- et micro-archéologiques pour l’identification d’anciens séismes », indiquent les auteurs dans leur rapport. Mais évaluer l’environnement géologique de la zone étudiée revêt également de l’importance.
Et là encore, les résultats semblent appuyer la théorie sismique. Le site de Tel Kabri se trouve à proximité de plusieurs failles actives, la faille de Kabri mais aussi la faille du Levant considérée comme la zone la plus tectoniquement active de la région. Par ailleurs, un examen des sédiments du bassin de la mer Morte laisse penser qu’un séisme se serait bien produit autour de 1700 avant notre ère.
Des dommages irréparables à l’origine de l’abandon ?
« Le brusque effondrement, et l’enterrement rapide, combinés à l’environnement géologique de Tel Kabri, soulèvent la possibilité qu’un ou plusieurs séismes pourraient avoir détruit les murs et le toit du palais sans déclencher d’incendie« , a résumé Ruth Shahack-Gross. Le mystère est cependant loin d’être totalement élucidé et de nombreuses questions demeurent.
Si un séisme a effectivement détruit le palais cananéen, pourquoi les habitants l’ont-ils abandonné au lieu de le reconstruire ? Les chercheurs suggèrent que le phénomène pourrait avoir provoqué des dommages irréparables sur d’autres ressources, par exemple sur leur approvisionnement en eau ou sur certaines infrastructures essentielles.
« Après plusieurs siècles d’occupation fructueuse et à une période qui apparaissait plutôt prospère, cela a dû être un séisme très grave qui a non seulement endommagé le palais mais aussi détruit d’une certaine façon la capacité à vivre sur le site« , écrivent les auteurs dans leur rapport. Des recherches supplémentaires à Tel Kabri pourraient aider à en savoir plus.
Ces découvertes sont toujours importantes pour comprendre ce qui c’est passer, surtout dans cette région !