Un couvre-feu était déjà en vigueur dans une quarantaine de villes du pays, ce qui n’a pas empêché le taux d’infection dans le pays d’exploser. Dernière solution pour freiner le Covid : le confinement.
Israël a décidé d’imposer un confinement généralisé de trois semaines à compter de vendredi, pour endiguer la marée montante du Covid-19 après un été meurtrier. Avant l’annonce de ces mesures, faite dimanche soir, le gouvernement était pris en tenailles entre des considérations sanitaires, politiques et économiques. Le nombre de nouveaux cas de personnes contaminées ne cesse d’augmenter: il est passé de 400 à la fin juin à 4000 par jour en septembre. Rapportés au nombre d’habitants, ces chiffres font de l’État hébreu l’un des pays du monde les plus touchés par l’épidémie.
Dans le même temps, les malades gravement atteints par le virus sont de plus en plus nombreux. Les responsables des grands hôpitaux ont mis en garde contre une saturation des centres médicaux spécialisés. Le bilan des victimes est passé de 322 morts début juillet à 1108 ce dimanche. «Il n’y a pas d’alternative au confinement, a prévenu le ministre de la Santé Yuli Edelstein. Le coronavirus n’est pas une question de populisme, c’est une question de vie ou de mort. J’invite ceux qui prétendent le contraire à visiter les unités de soins.»
Démission de Yaakov Litzman,
Mais le sujet, qui divise, a semé la zizanie. Dimanche, le ministre du Logement, l’ultraorthodoxe Yaakov Litzman, a démissionné avant la réunion du cabinet ministériel qui devait définir les limites des bouclages à venir. Ex-ministre controversé de la Santé, il entendait protester contre les restrictions, décidées avant l’annonce du confinement et qui devaient entrer en vigueur vendredi, date du début des fêtes juives qui commencent avec Rosh ha-Shana, le Nouvel An, se poursuivent avec Yom Kippour, le jour du Grand Pardon, et s’achèvent avec Soukkot, la fête des Cabanes.
Le coup de sang de Yaakov Litzman ne devrait pas ajouter une crise politique à la crise sanitaire. Dirigé par des grands rabbins, le parti «Judaïsme unifié de la Torah», dont il est le représentant, maintient son soutien à son allié, le premier ministre Benyamin Nétanyahou. Malgré cela, la colère bouillonne parmi les haredim, les «craignant-Dieu» qui représentent 10 % de la population. Ils se disent ostracisés par les mesures de lutte contre l’épidémie.
La semaine dernière, Benyamin Nétanyahou avait annoncé des couvre-feux dans une quarantaine de villes les plus durement touchées par le Covid-19, pour la plupart des agglomérations ultraorthodoxes et arabes, mais il a annulé les fermetures prévues face aux protestations. Celles des élus arabes ont peu pesé. Le tollé des politiciens religieux a en revanche été déterminant. Ces derniers ont reproché aux autorités de les enfoncer dans la marginalité et les ont parfois accusées d’antisémitisme.
Le taux d’infection dans les communautés ultraorthodoxes est parmi les plus élevés du pays. Le phénomène s’explique notamment par la promiscuité. Des familles d’en moyenne huit enfants partagent des logements exigus dans des quartiers pauvres, et surpeuplés. Au début de la pandémie, les rabbins de diverses obédiences, auxquels les fidèles obéissent au doigt et à l’œil, ont été réticents à imposer les nouveaux préceptes de santé publique. Ils traînent aujourd’hui les pieds face à la nouvelle vague d’interdits imposée par le pouvoir temporel pour les fêtes religieuses.
Tensions sociales
La grogne est aussi sociale. Samedi soir, comme chaque fin de shabbat depuis trois mois, des milliers de manifestants se sont rassemblés près de la résidence officielle du premier ministre à Jérusalem. Dans une ambiance de kermesse révolutionnaire, les manifestants anti-Bibi ont été rejoints par des travailleurs indépendants et des propriétaires d’entreprise qui dénoncent le prochain enfermement synonyme, selon eux, d’«acte de décès de leur activité». «Bibi se prenait pour le champion du monde anti-Covid, mais il n’a pas su prendre les bonnes décisions à temps pour maîtriser l’épidémie quand elle a pris de l’ampleur durant l’été et maintenant nous allons payer les dégâts», peste un restaurateur. Il craint la seconde vague d’un tsunami qui a déjà coûté son emploi à un Israélien sur cinq.