À la suite de la décision des Émirats arabes unis de normaliser ses relations avec Israël, le mufti de Jérusalem a considéré, mardi 18 août, selon une fatwa de 2012, que les ressortissants de ce pays du golfe Persique n’ont désormais plus le doit de venir prier dans la mosquée Al-Aqsa, sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem.
Le cheikh Mohammad Hussein, grand mufti d’Al-Qods (le nom arabe de Jérusalem), a rappelé mardi 18 août qu’une fatwa (décret religieux) de 2012 interdit aux citoyens d’un pays arabe ayant normalisé ses relations avec Israël de venir prier dans la mosquée Al-Aqsa, sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem.
« En 2012, une fatwa a été lancée à propos des critères à respecter pour la visite de ce lieu sacré, a précisé cheikh Mohammad Hussein. La normalisation des relations (avec Israël) ne fait pas partie de ces critères. » Une interdiction notamment relayée dans la presse israélienne, comme dans le Jerusalem Post, alors qu’Israël s’est engagé à ce que les pèlerins émiratis soient autorisés à se rendre sur l’esplanade des Mosquées.
« Une fatwa n’a pas obligation de loi »
Cette déclaration vise les citoyens des Émirats arabes unis (EAU), après que le président Donald Trump a annoncé, le 13 août, qu’un accord de paix « historique » allait être prochainement signé à la Maison-Blanche entre les EAU et Israël. Un accord qui a été très mal reçu par les Palestiniens.
« Une fatwa n’a pas obligation de loi, temporise l’islamologue franco-algérien Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l’islam de France, interrogé par La Croix. C’est un avis religieux qui ne s’impose qu’à celui qui est séduit par ses attendus. Le mufti de Jérusalem a donné un avis mais seuls ceux qui sont séduits par celui-ci doivent se l’appliquer. »
Le sentiment de trahison des Palestiniens
Ghaleb Bencheikh comprend « la douleur des Palestiniens de se sentir trahis par un État arabe qui finalement, pour des raisons de “realpolitik”, décide de normaliser ses relations avec Israël ». Il dit comprendre également que le mufti de Jérusalem, habilité à décréter des fatwas, le fasse « pour mobiliser des sentiments religieux en vue de contrecarrer de semblables initiatives ».
Mais le président de la Fondation de l’islam de France « ne voit pas le lien, tant bien même notre solidarité avec les Palestiniens est grande, entre le fait de se rendre en pèlerinage à la mosquée Al-Aqsa et un accord politique ».
Une décision contestée
« Cet accord entre les EAU et Israël est politique, insiste-t-il ; et quand on politise la religion ce n’est pas bon, même pour des causes justes. Il vaut mieux déconnecter les considérations politiques des considérations religieuses. » Il rejoint ainsi le cheikh Abdul-Azim Salhab, responsable du Waqf, fondation musulmane sous contrôle jordanien qui assure la tutelle sur l’esplanade des Mosquées. Ce dernier a affirmé à Reuters qu’il « n’accepte pas que la mosquée bénie Al-Aqsa fasse l’objet de querelles politiques ».
Construite à partir de 638 par le calife Omar, la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem fait partie, avec le dôme du Rocher, de l’esplanade des Mosquées, site considéré comme le troisième lieu saint de l’islam après la Kaaba à La Mecque et la mosquée du Prophète à Médine, en Arabie saoudite. D’où l’importance qu’elle revêt pour les millions de musulmans qui, chaque année, la visitent et viennent y prier.